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Les Cahiers de l'Égaré

pour toujours

Lucien est de sortie / Lucien Forno

16 Avril 2024 , Rédigé par grossel Publié dans #cahiers de l'égaré, #pour toujours, #poésie, #écriture

à la Lucarne des écrivains, Paris 19°, samedi 20 avril à 19 H 30, Lucien est de sortie et les 4 et 5 mai à la Fête du Livre d'Hyères
à la Lucarne des écrivains, Paris 19°, samedi 20 avril à 19 H 30, Lucien est de sortie et les 4 et 5 mai à la Fête du Livre d'Hyères

à la Lucarne des écrivains, Paris 19°, samedi 20 avril à 19 H 30, Lucien est de sortie et les 4 et 5 mai à la Fête du Livre d'Hyères

Lucien Forno, médecin et poète / livre de Lucien Forno (1923-2006) sorti le 8 janvier 2024, à titre posthume / promenade en 312 panoramas
Lucien Forno, médecin et poète / livre de Lucien Forno (1923-2006) sorti le 8 janvier 2024, à titre posthume / promenade en 312 panoramas

Lucien Forno, médecin et poète / livre de Lucien Forno (1923-2006) sorti le 8 janvier 2024, à titre posthume / promenade en 312 panoramas

LUCIEN EST DE SORTIE

OEUVRE POETIQUE POSTHUME

DE LUCIEN FORNO (1923-2006)
médecin & poète

464 pages, format 14 X 22, PVP 25 €

ISBN : 978-2-35502-145-9

PRÉFACE : ISABELLE FORNO

(extrait de la préface, début)


De ton bureau, Papa, j’ai fait ma pièce de séjour.
Un endroit bien propice en somme pour y séjourner un peu à mon tour.
Un endroit bien étrange aussi.

Le lieu où tu recevais tes patients, au-dessus de l’étage où nous habitions.
La porte en était capitonnée… Des clous en diagonale fixaient la moleskine, laissant juste affleurer leur petit crâne de bronze martelé.
Que se passait-il derrière cette porte ?
Quel bizarre métier faisais-tu donc ?

Parfois, certains de tes clients sonnaient par hasard au premier étage et je me faisais un plaisir de les accompagner dans la salle d’attente, m’imaginant pendant ce court périple, décrypter un peu le pourquoi de ce rendez-vous-là, à cet endroit-là, avec mon papa… à moi !
Certes, si je commençais à comprendre les méandres du « ça », « du moi », et du « surmoi », le « là » restait néanmoins une énigme pour moi.
Que faisaient-ils… « là », tous ces gens- « là » ?

Las certainement de porter à bout de bras, seuls, leur souffrance, celle de leurs enfants, ils venaient demander de l’aide…

Et mon père en ouvrant sa porte, participait à extraire, de leurs cerveaux martelés, les petits clous pointés des douleurs.

Mais ce bureau-là, Papa, était aussi celui de tes secrets.
Tu aimais t’y attarder, et entouré de tes livres de poésie, et de ta machine à écrire, libéré enfin de la frappe des ordonnances, tu t’adonnais à ta passion des mots.
C’était souvent en vain que maman t’appelait pour commencer le déjeuner avec nous…
Mais tu avais déjà rejoint ta planète, ton stylo volant pour appareillage, troqué ton costume de médecin pour la blouse vaporeuse du poète, et sans nul besoin d’autre sustentation.

Déjouant la gravité, tu faisais de chaque parcelle de tranquillité (un intermède de consultation dans une clinique, dans un institut médico-pédagogique, ou une pause estivale) un moment de vie rare, sans pesanteur, où les mots volés que tu confiais au papier, apaisaient les cris des maux, lâchés chaque jour dans ton cabinet blanc.

Et tes mots, motets, estompaient dans de vertigineuses polyphonies, les maux de l’âme que tu soignais et dont tu t’appliquais à décrypter, avec tes patients, le « x » de l’inconnu, qui interroge et entrave…

Et puis un jour Papa, tu n’as plus écrit, presque plus parlé et tu es parti sans mots dire… (Cf texte « Salle des pas perdus », Isabelle Forno, « Concertina », p196, Les Cahiers de l’Égaré, 2021) en laissant bien ouverte cette fois, la porte derrière toi.

Combien de temps faut-il aux enfants pour découvrir un jour leur père ? Pour oser pénétrer leur territoire ?
Pour accoucher de ce jour nouveau, où les parents nouvellement-nés à notre conscience, deviennent les lucioles qui illuminent nos vies.

Pour toi Papa, il m’aura fallu 17 ans !


En cette année 2023, qui correspondait, heureux hasard, au centenaire de ta naissance, j’ai donc ouvert un à un tes dossiers suspendus, précieusement conservés dans des cartons à archives.
Des centaines de textes, tapés à la machine, sur ruban stencil au début, et doublés de leur jupon de carbone, classés selon tes fantaisies et aléatoirement datés, s’y trouvaient.

Des manuscrits sous forme d’ébauches, de bloc-notes, de boîte à rimes, de pense-poète, attendaient pour leur part l’heure du déchiffrage…

Et j’ai longtemps manqué de courage pour m’atteler à comprendre ton écriture, dont la pression, le rythme, les malformations, les torsions, les imprécisions, me parlaient déjà d’un homme qui de toute évidence nouait avec lui-même de bien secrètes conversations.

Et puis j’ai vu dans les allées de tes poèmes, combien de ceps de vigne y étaient plantés, et combien ils reflétaient peut-être, tout enracinés sur leurs pieds noueux, l’ombre portée de ton écriture et le terreau de tes inspirations.

« Énigmatiques messages
délires confidentiels
des ceps nus ivres de ciel
leurs bras, à bout de nuages… »  
                                              (in Ceps, page 34)

« Je voudrais saisir l’étrange langage
Que les ceps brunis échangent entre eux
Connaître le sens des noueux messages
Extraits du tréfonds par ces cul-terreux. »

                                               (in Langages, page 111)

Avec Jean-Luc, nous avons partagé, heureux et médusés, cette moisson de feuilles vivantes, réservant à plus tard leur observation et leur lecture minutieuse.
Et aujourd’hui Papa tu es de sortie ! […]

 

Lucien Forno (1923-2006)

Lucien Forno (1923-2006)

en 4° de couverture

en 4° de couverture

« Promesse du printemps et promesse de l'aube

un rayon indiscret se glisse dans le ciel

le livre de l'amour s'ouvre confidentiel.


Promesse de l'été, promesse du midi

le soleil s'éblouit, nargue au plus haut le ciel

et l'amour au plus fort s'affirme existentiel.

 

Promesse du couchant, promesse de l'automne

on se retrouve à deux, l'amour a fait son miel

à pas feutrés le ciel se vide de soleil.


Promesse de l'hiver, promesse du repos

la lune a remplacé le soleil dans le ciel

l'amour qui se souvient conserve l'essentiel. »

paru en 1993
paru en 1993

paru en 1993

Quelques repères biographiques

Lucien Forno, né le 8 juillet 1923 à Hyères (Var) est décédé le 26 juillet 2006 à Paris.
Dès l’enfance, avec sa mère Marthe Comte, son frère Noël (qui deviendra prêtre), sa sœur Juliette, et au gré des différentes mutations liées à la carrière de son père Célestin au sein de la Société Générale, il vivra respectivement à Crest, Antibes, Aix-les-Bains, Brest, Alger et Toulon.

Sa formation adolescente sera marquée par sa scolarité chez les pères jésuites des collèges de Bon-Secours à Brest, et Notre-Dame d’Afrique à Alger (où il passe son bac et sa première année de médecine).

Suite au débarquement allié de 1942, il est mobilisé dans l’armée d’Afrique de janvier 1943 à septembre 1945.
Il poursuivra ses études de médecine à Marseille en 1946.

Il soutiendra sa thèse le 12 juin 1952, sur « Les miracles dans la perspective de la médecine psycho-somatique», le jour même de son mariage avec Colette Sabe, qui quittant le barreau de Paris, le secondera dans toutes les tâches du cabinet médical et de l’électro-encéphalographie.

Trois enfants naîtront de leur union : Isabelle, Pierre-Louis et Jean-Luc.

En tant que neuropsychiatre, il se consacrera principalement à la cause des enfants, devenant le premier pédopsychiatre installé à Toulon.

Toute sa vie professionnelle sera vouée au domaine de la santé mentale et du handicap et il mènera de nombreux combats pour permettre l’insertion sociale des adultes et des enfants en difficulté.

Il contribuera à l’essor des consultations d’hygiène mentale infantile dans toute la région et sera nommé expert auprès des tribunaux.

En cohérence avec son approche globale des troubles psychiques, son cabinet, installé place Puget pendant 40 ans, évoluera, en un centre pluri-disciplinaire d’accompagnement et de soins, composé de psychologues, d’éducateurs, d’orthophonistes, de psychomotriciens...

Très actif dans la cité, il s’engage dans la vie ordinale, syndicale et associative. Il concourt à la vitalité d’instituts médicaux éducatifs dans tout le Var et à la création de la Polyclinique des Fleurs à Ollioules.

Il sera le fervent artisan du rapprochement entre plusieurs structures d’insertion, dont l’Avath-Ermitage1 est l’émanation. Le foyer de jour implanté sur les pentes du Faron porte son nom. Il partagera sa discipline et son expérience en tant que chargé de cours à la faculté de médecine de Marseille.

Il sera très investi également dans la cause du logement social.

En 1980 les insignes de l’ordre national du Mérite lui seront remis par Madame Germaine Poinso-Chapuis2.
Curieux des arts, il se lie d’amitié avec Olive Tamari, peintre et poète, dont il fréquente l’atelier toulonnais.

Il s’essaiera à la sculpture, à la peinture, et aura ses plus grandes joies artistiques dans la photographie.

Mais c’est la poésie, approchée dès l’adolescence à Brest, au travers de ses liens avec Saint-Pol-Roux, qui sera la passion, et selon ses mots, « l’irrigation intérieure » de sa vie.

  1. Association varoise d’aide aux travailleurs handicapés

  2. Ancienne ministre de la santé, elle fonda le CREAI-Paca que Lucien Forno

co-présida.

sincèrement vôtre, poèmes de Lucien, parus en mars 1972 aux éditions saint-germain-des-prés
sincèrement vôtre, poèmes de Lucien, parus en mars 1972 aux éditions saint-germain-des-prés

sincèrement vôtre, poèmes de Lucien, parus en mars 1972 aux éditions saint-germain-des-prés

Du même auteur

Un recueil de 50 poèmes

Sincèrement votre

éditions Saint-Germain-des-Prés, Paris, 1972

Un essai historique

L’enfant et son psychiatre,
approche historique de la neuro-psychiatrie infantile
éditions Césura, Lyon, 1993

Inédits

Essais

Histoire de la sextine

Histoire de Toulon

Traductions œuvres latines

Satires de Perse (en vers)

Les Odes d’Horace

Traductions / Transpositions

Poèmes de langue anglaise :
Edgar Allan Poe, William Russel, Samuel Taylor Coleridge, Lord Byron,Leslie Bowles, Daniel Samuel, Ernest Dowson, John Keats, Shelley Percy, William Yeats, William Wordsworth

Poèmes de langue italienne : Dante, Pétrarque...

Poèmes de langue occitane : Arnaut Daniel, Rimbaut d’Orange

en 2006, I.F. vit salle des pas perdus d'un hôpital parisien la disparition de son père puis trouve les dossiers d'un jardin secret dans le bureau de son père à Toulon (des centaines de poèmes) 17 ans après, Lucien est de sortie, travail d'épitaphière nous mettant dans les pas pas perdus de Lucien Forno

en 2006, I.F. vit salle des pas perdus d'un hôpital parisien la disparition de son père puis trouve les dossiers d'un jardin secret dans le bureau de son père à Toulon (des centaines de poèmes) 17 ans après, Lucien est de sortie, travail d'épitaphière nous mettant dans les pas pas perdus de Lucien Forno

SALLE DES PAS PERDUS dans CONCERTINA

Isabelle Forno

Ils découvrent les chambres qui vont être bientôt ouvertes au public.
Ils en font le tour méticuleux, les visitent toutes, une à une, étage par étage, réfléchissent, se renseignent, la retiennent.

*
Ce sera la chambre de droite au milieu du couloir.

Pour ses murs jaunes et sa grande fenêtre qui s’ouvre sur un jardin.

*
Ils en notent bien le numéro, l’étage, en repèrent la dis-

position, les équipements.
*

Veiller à ce que ce soit bien celle-ci qui lui soit affectée.

*
Ils se disent qu’il y sera bien, que c’est une chance de tomber à côté de chez soi sur un établissement tout
neuf, qu’on pourra aller le voir, souvent.
Non pas souvent, tous les jours ! On ira le voir tous les jours !
Oui, cette chambre, quelle chance qu’il puisse l’occuper !

*
Il est dans son lit, on l’aperçoit à peine, il est maigre, le
drap sur son corps est presque plat, sauf en bas l’em- preinte de ses pieds.
Sa main envoie des signes difficiles à comprendre.
Ses yeux bleus lumineux observent, écoutent, parlent, se taisent.

*
Le lit est médicalisé, il se commande de façon électrique, on peut le mettre à ras du sol ou à hauteur d’examen, il est entouré de petites barrières métalliques qui coulissent verticalement.


*

Sur la porte est collé le porte-étiquette, avec son nom bien imprimé. Seule reste amovible la réglette pour le changer.
À la Croix Rouge on sait gérer.

*
Défilé permanent des soignants dans la chambre.

Ce sont des femmes, elles sont enjouées, bavardes, changent les perfusions, règlent les potences, relèvent les températures, renseignent les courbes, mettent à hauteur les tables, y posent les plateaux, enlèvent les plateaux, vérifient la sonnette d’alarme, transmettent les consignes.

*
Ballet des blouses aériennes, fous rires d’accents étrangers, brumes parfumées des corps, farandole de
paroles, enlacement des mains, soins, sourires, alertes, accolades, caresses...
Ici, on chérit les humains.

*
Dans un cadre figé, géométrique, ordonné, strictement encadré, l’ambiance est joyeuse, virevoltante.
Les règles, normes, protocoles, règlements, tapis sur leurs panneaux d’affichage, repèrent les déviants.
Pour aujourd’hui on ne dit rien.

*

Ce soir, la fille est contente.

Son père sera mis à l’abri de la canicule, il dormira dans le réfectoire climatisé.
C’est un privilège en somme.
Visiblement rien n’avait été prévu dans le cahier des charges du nouvel hôpital, pour améliorer le confort des vieillards.

Elle ne va pas polémiquer.

*

Comme tous les soirs, la fille pénètre dans la salle déserte, fraîchement javellisée.
Elle a pris l’habitude de se mouvoir dans la pénombre du réfectoire, de se faufiler sans bruit, il ne faut pas le réveiller, entre les tables, les bancs, les chaises, pour accéder au lit échoué...

*

Coucou Papa, c’est moi, dors bien, je reviens demain.

*

Il est 16 heures c’est l’heure du goûter.
Tout l’espace se remplit. Les pensionnaires arrivent en nombre tant bien que mal, cahin-caha.
De dos je les aperçois, tous calés les uns contre les autres, menhirs préhistoriques bien décidés à rester ancrés sur leur territoire, à en célébrer les rites indes- tructibles, à perpétuer le breuvage sacré des élixirs de fin de vie.

*
Mon père est toujours dans son lit, au milieu du réfectoire, où finalement on l’a laissé. Il est allongé,
quasiment immobile.
Un coussin sous la nuque permet de voir son visage, son sourire doux, et ses yeux bleus dans le vague, plus clairs que jamais.
Personne ne parle.

*
Un énorme brouhaha relève les têtes assoupies. C’est la fameuse livraison ! Ne bougez pas ! Faites attention ! On entend des bruits de roulettes et des voix d’hommes qui les recouvrent.
Il faut lui trouver une belle place à ce piano à queue, qui arrive triomphant !

*

Elle est toute voûtée et de toute beauté. Dans le sillage du piano, elle avance comme sur des flots.
Elle est guidée par ce complice de toute une vie, qui va l’accompagner jusqu’au bout.

Puis ils partiront ensemble, c’est souvent ce qu’ils se sont dit. À quitter cette scène ils se sont entraînés.
Un jour, ils donneront leur dernier récital. Il n’y aura pas de rappel.

*
Dans le réfectoire rapidement transformé, l’ambiance est saisissante. Des fauteuils roulants on se relève, les mieux portants bougent leur chaises, les béquilles prudemment s’adossent, les accompagnants prennent leur aise.
Les résidents semblent contents.

*
C’est une pianiste très connue. Elle s’est produite dansles plus belles salles de concert du monde.
Le directeur de l’hôpital accueille en personne cette nouvelle résidente. Son traitement est de faveur, il a accepté la livraison du piano. Même si pour l’heure ce n’est pas le sujet, la famille a indiqué être prête à le laisser.
Il a tout de suite souscrit à cette bonne idée.

*
On applaudit dans les travées à l’apparition de la fée.

Elle ne se souvient de rien, si ce n’est des notes accrochées à ses mains, de ces douces menottes reliées à ses maîtres : Mozart, Bach, Brahms, Chopin...
Toute sa vie, elle les a rendus vivants, vibrants. Ce sont eux qui la portent aujourd’hui, la guident, la maintiennent, inspirent sa partition, son jeu, ses yeux...

*
Sur la tête des mutiques, les notes tombent en pluie  d’étoiles. Ils redemandent du viatique.

*

Une dame très attentive, me dit que c’est du Schubert, une sonate en la majeur.
C’est une spécialiste, je ne connais rien à la musique, est-ce normal que mes yeux piquent ?

*

Papa je ne vois que toi.

Les autres ont conservé un peu de force, quelques vieux os les portent encore.
Des vêtements sombres disposés en rangées, cachent leurs silhouettes bancales, rabougries, rétrécies, qui plus jamais ne seront verticales. Les corps sont usés, rapiécés, ils en ont marre d’être sauvés.

*
Toi Papa, tu es le seul à être dans un lit. Tu as déjà quitté la party.
En te voyant dans cet état, les autres vieux doivent se
dire qu’ils ont de la chance, ils n’en sont pas encore là. Moi je ne sais ce que tu penses.
Je suis perdue dans nos silences.
Nos yeux vraiment communiquent-ils ?

Essaies-tu de me transmettre quelque chose ?
Une lueur ? Une peur ? Un espoir ?
Les miens sont hagards, ils tâtonnent dans le noir.
Ils me chuchotent des choses que ma tête peine à croire.

*

Peut-être qu’elle se trompe ma tête ?

Peut-être es-tu tout entier relié à la fête ?
À la pianiste qui, de son brouillard, et de ses doigts automatiques, ne joue peut-être que pour toi ?
Vas-tu te lever pour danser ?

*
Une aide-soignante se rapproche. Je desserre mes doigts des barreaux de ton lit.
De toute sa Méditerranée, des épices de sa peau qui relèvent la mienne, de la croix rouge sang brodée contre son sein, elle me dit : ça va aller ?
De qui parle-t-elle ? De lui ? De moi ?
Interrogation ou injonction, je ne sais pas.
J’entends aussi : ça va... Allez !
Je pleure sur son épaule, incapable du moindre pas.
Il ne faut pas, Papa, que tu me voies...

*

Il est tard désormais.
Les pensionnaires vont regagner leur chambre, tout doucement clopin-clopant, comme on le dit dans leur chanson. Une victoire gagnée sur la fin de journée !
Ils auront droit ensuite à un jet de télé, puis à du bouillon tiède, et à plein de cachets soigneusement recomptés.
Et ils garderont, bien engrangés au fond de leur poche, tous les moments volés de ce divin goûter.

*
Toi Papa, tu restes dans ton no man’s land. La frontière se resserre, les barbelés sont aux aguets.
Dans l’espace totalement désert, je ne lâche pas ta trace. Tu es encore tout entier sur cette terre pour moi.

*
Peut-être apprécies-tu de ne pas rentrer dans ta casemate, avec les autres vieux de ton état ?
Je me dis que finalement tu dois être content d’avoir cette grande salle pour toi seul.
Tu es déjà tellement enfermé dans tes murs intérieurs, que ce bol d’air est salutaire.
Tu vois, je suis bonne infirmière !

*
Pourquoi, est-ce que je veux à tout prix te nourrir à la cuillère d’un peu de compote ?
C’est inutile et je le fais quand même ; elle reste dans ta
bouche entr’ouverte, et tu t’endors indifférent.
Je suis mal à l’aise.
Je joue à la maman et je suis nulle pour le mourant !

*
L’équipe du soir prend le relais. Un soignant noir, blouse blanche, se penche sur ton berceau.
Tu es couché sur le côté, tu viens à peine de naître, tu es fragile et beau.
En ce juillet caniculaire, sous les caprices de la clim, il craint que tu prennes froid, il va chercher des couver- tures.
Mais avant de t’y envelopper, avec une délicatesse extrême, comme s’il recueillait un moineau blessé, il glisse entre tes genoux joints et décharnés, le carré doux d’un molleton.
Jamais je n’oublierai la beauté de ce geste, apparem- ment modeste, immensément humain.

*
Et puis subitement ton bras se dresse, au dessus des barrières qui clôturent ton lit.
Il se lève et se replie puis se relève et se replie et se relève et se replie.
Signale-t-il un danger sur la voie qui t’enferre ?
Une manœuvre à faire avant le grand tunnel ?
Une comète qui traverse ton ciel ?

*

Sur les rails ton lit file. Le brancardier est à l’aiguillage, je suis seule sur le quai, je distingue à peine au loin le battement faible de ton aile.
Peut-être me dis-tu au revoir ?

*

Faut-il déjà lever le camp ?

*

Papa s’il te plaît attends-moi,

Je pars avec toi en voyage !

*

Jamais je n’aurai le courage,
De donner ta chambre au suivant.

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Lucien Forno au Carré des mots 2 mars 2024

20 Février 2024 , Rédigé par grossel Publié dans #cahiers de l'égaré, #lecture, #notes de lecture, #poésie, #pour toujours, #écriture

extrait :
... TV83.info : Comment est né cet ouvrage, et quelle émotion ressentie une fois le livre édité?
Isabelle Forno : Dix-huit ans après le décès de mon père, mon frère Jean-Luc et moi, avons ouvert ses archives, et y avons découvert un volume très important de textes poétiques.
Certes nous connaissions la passion de notre père pour la poésie, née à l’adolescence de sa fréquentation du poète symboliste Saint-Pol-Roux, savions notamment son admiration pour les troubadours occitans du Moyen Âge, maîtres dans l’art complexe de la « sextine », mais sous-estimions complétement l’ampleur de sa production !
Après un long travail de déchiffrage et de sélection, et grâce à l’éditeur des Cahiers de l’Égaré, très sensible au travail d’ « épitaphier » que représente une publication posthume, l’œuvre poétique de mon père sort aussi en librairie!
Et du coup avec la parution de ce livre, c’est Lucien qui sort de sa clandestinité, et la poésie qui était son jardin secret devient un lieu de retrouvailles et de partage !
Comme un retour à la vie d’autant plus émouvant qu’une sorte de dialogue s’instaure véritablement entre Lucien le médecin-poète et ses amis toujours vivants (psychiatres, psychologues, patients…) qui ont à cœur de nous dire combien ils retrouvent dans ce livre l’homme qu’ils ont connu et que parfois même ils découvrent ! ...
Nicole Fau
Lucien Forno au Carré des mots 2 mars 2024
note de lecture de Plumes d'anges sur l'oeuvre poétique posthume Lucien est de sortie du médecin-poète Lucien Forno, disparu en 2006
le livre sera présenté à la 10° fête du livre d'Hyères, les 4 et 5 mai au forum du Casino, sur la table des Cahiers de l'Égaré, facile à trouver en cherchant un peu
 
Blessure secrète…
« Chacun porte en son coeur
sa blessure secrète,
camouflée comme il peut.
Et, chacun comme il peut,
a son île déserte
où il s’évade heureux. »
Lucien Forno (1923-2006) éminent médecin neuropsychiatre à Toulon, très impliqué dans son métier et dans sa ville, fut marqué à l’adolescence par sa rencontre avec Saint-Pol-Roux.
Aimant les Arts, il fut naturellement attiré par celui de la poésie, mania superbement les mots et les langues anciennes, écrivit et offrit parfois ses poèmes à l’occasion des fêtes.
Un recueil humblement signé Lucien vit le jour en 1972 : « Sincèrement vôtre » aux éditions-saint-germain-des-prés.
… « Un bourgeon coupé/ une feuille tombée/ une fleur fanée/ à quoi cela sert-il,
au bourgeon de vivre/ à la feuille de pousser/ à la fleur d’embaumer/ au poète de rêver »…
Quelle surprise pour ses enfants quand, exhumant 17 ans après son décès, les archives de leur père, ils découvrirent un lumineux trésor : des essais, des traductions d’œuvres latines… et plus de 600 talentueux poèmes.
C’est le livre d’une vie, chaque poème est à lire, à relire pour en saisir toutes les facettes, toute la profondeur.
Lucien Forno qui pendant tant d’années écouta les maux et les mots des autres,
lui qui discrètement, tissant des poèmes, entra dans le souffle de la création,
face aux désordres de la tête et du cœur de ses patients,
il dut trouver des mots, les ordonner, les poétiser.
Il lui fallut découvrir des sources vives pour toujours alimenter le flux et apporter la lumière.
N’y-a-t-il pas dans son prénom LUCIEN, le mot LUCI, lumières en italien, Italie pays de ses racines ?
Il explora diverses formes poétiques, sonnets, quintines, sextines (une découverte pour moi, un exercice de style de haute voltige qu’il affectionna particulièrement ), il se lança des défis, jouant avec un vocabulaire d’une immense richesse.
Homme de passion, il sut fouiller les temps anciens pour en rapporter des mots cadeaux, il jongla avec certains trouvés aux confins du ciel ou inventa des mots nouveaux d’une exquise poésie.
Mettre en mots les joies et les souffrances, les ombres et les lumières, les moments d’intimité et de partage amoureux… quelle merveille !
À cette heure de libération de la parole, Lucien avait encore de belles choses à nous dire,
je vous invite vraiment à découvrir ce livre, il se lit, se relit puis se picore délicieusement,
merci à lui pour cette délicieuse sortie poétique, merci à ses enfants…
LUCIEN FORNO EST DE SORTIE  AU CARRÉ DES MOTS  LE 2 MARS 2024 à partir de 14H 30  SIGNATURE par ISABELLE FORNO,  PRÉFACIÈRE de l'œuvre poétique de son père :   « LUCIEN EST DE SORTIE »

LUCIEN FORNO EST DE SORTIE AU CARRÉ DES MOTS LE 2 MARS 2024 à partir de 14H 30 SIGNATURE par ISABELLE FORNO, PRÉFACIÈRE de l'œuvre poétique de son père : « LUCIEN EST DE SORTIE »

LUCIEN FORNO EST DE SORTIE 
AU CARRÉ DES MOTS 
LE 2 MARS 2024 à partir de 14H 30 
SIGNATURE par ISABELLE FORNO, 
PRÉFACIÈRE de l'œuvre poétique de son père : 
 « LUCIEN EST DE SORTIE »
Lucien Forno au Carré des mots 2 mars 2024
Lucien Forno au Carré des mots 2 mars 2024
QUAND IL REVIT, LE POÈTE PAR JACQUES LARRUE
Si j'avais d'abord eu "Lucien" entre les mains, j'aurais mieux compris Isabelle et son remarquable Concertina pour cordes sensibles. Oui parce que vous vous souvenez forcément de ce bouquin en vers libres, poèmes sans pied ni rime ni bohème ; pas à l'abri non plus de tourments et de problèmes. Une harmonie de mots choisis, précis, tranchants et désarmants. Ciselés or, pas plaqués. Ni planqués. Massifs. Comme le personnage dans sa frêle apparence. On joue avec les mots dans la famille Forno et on aime ça, sans ostentation sans doute mais sans restriction. 
Et j'en viens donc à Lucien. C'est une histoire d'amour. Celle d'un fils Jean-Luc et d'une fille, Isabelle donc, qui couvrent leur papa-poète d'une infinie attention et de jolis sentiments posthumes. Ce n'était pas à proprement parler un secret, il avait même publié en 1972, « Sincèrement vôtre », un premier recueil de cinquante poèmes. Mais ce que ses enfants découvrirent tout de même, ce fut une mine courant en longueur sur des feuilles folles quoique consciencieusement rangées.
En savourant la présentation d'Isabelle, en dégustant l'œuvre page à page, je suis arrivé à cette conclusion peut-être erronée mais forte, selon laquelle Lucien devait savoir que ses enfants ne le laisseraient pas tomber dans l'oubli. Qu'un jour, ils feraient quelque chose de cette œuvre. Parce qu'il ne pouvait guère en être autrement. Si c'est ainsi il ne s'est pas trompé et eux non plus, ses enfants, ne l'ont pas trompé.
Lucien, à l'instar d'autres poètes révélés, appartenait à la gent scientifique. Et la bonne nouvelle c'est que l'on peut s'en départir. Au moins occasionnellement. Ces textes, parfois brefs, plus rarement étirés, défilaient devant mes yeux et mon esprit étonné et je ne pouvais m'empêcher d'imaginer ses patients. Les gamins en grandes difficultés mentales et leurs parents qui se succédaient dans son cabinet. Pouvaient-ils imaginer tous ces trésors divers et versifiés que tissaient sur sa toile solitaire, ce docteur affable et bienveillant ! Lucien était pédopsychiatre. Rue d'Alger, pour ceux qui s'aventureraient jusqu'au plus profond des entrailles toulonnaises. Je sais bien peu de choses à son sujet. Et pourtant il me semble le connaître depuis toujours.
Vous allez voir, lorsque vous l'aurez lu - car vous allez le lire, n'est-ce-pas, même si vous n'avez pas la chance d'avoir croisé Isabelle et Jean-Luc ! - cela vous fera à peu près pareil ! Et si l'on vous dit que c'est compliqué de lire de la poésie, croyez-le parce que c'est le cas. Mais faites-le parce que vous n'en retirerez que de l'enchantement. Une sorte de révélation, d'élévation de l'âme et de l'esprit. Vous en avez tant besoin, comme moi, comme nous. Et c'est très bien d'en avoir conscience! Je vous prends au hasard l'une des trois-cents œuvres posées là, sur un peu plus de quatre cents pages et qui ici, se propose de définir la poésie :
La poésie souvent est un espace vierge,
où s'égarent parfois des esprits tourmentés,
naïfs, aventureux, exclusifs, rejetés,
recherchant un enclos fugitif qui protège.
Vérité d'un instant, incantant sortilège,
appels répétitifs vers les cieux projetés,
des échos recueillis par une âme troublée :
le poète se trouve enferré dans son piège.
Il prend le quotidien dans un jeu sidéral,
le malaxe, le broie au mortier de ses rêves
en mélange impromptu, verbal, original.
Dans ce creuset ardent, il distille sa sève :
gouttes d'or, gouttes d'eau se perdent à la ronde. 
Que de graines perdues, quelques unes fécondes...

Là vous venez de lire un sonnet - histoire de vous révéler – mais ce qui frappe en survolant l'ouvrage, c'est l'inestimable travail de recherche, rendant la versification étonnement diversifiée. Pour un poète naïf – du concret et du premier degré – comme moi, la découverte d'une gamme de quintines, de sextines, de rotruenges et tous les Oulipos insoupçonnables, constitue un choc où l'enchantement le dispute au sentiment d'insuffisance. Tout comme la richesse lexicale, l'habileté syntaxique et l'audace néologique. Ce recueil est éclatant de virtuosité, d'érudition et même s'il semble parfois engoncé dans des codes fastidieux, il finit toujours par se faire la belle, d'un joli vol éthéré. 
Bref, peut-être l'aurez vous deviné, je suis conquis. Vous en serez un autre. Et puis, voyez-vous, y a décidément pas de Za-zard !
Lucien est de sortie (poèmes de Lucien Forno - préface de sa fille Isabelle). Editions Les cahiers de l'Égaré - 450 pages - 25 euros
EN LIBRAIRIE ET EN DIRECT AU CARRÉ DES MOTS, LE SAMEDI 2 MARS, À PARTIR DE 14 H 30
Je ne défends que rarement des livres, pour la bonne et première raison que j'en lis peu. Mais lorsque ce sont des amis et/ou que cela émane des élégantes presses de l'Égaré du Revest, je m'en fais un plaisir. En aucun cas un devoir ! Voilà qui est fait et maintenant je compte sur vous, lecteurs Varois - majoritaires ici, mais aussi du Tarn, de l'Aubrac et d'un peu partout quand même. Commandez ce Lucien est de sortie et plongez-vous dans un univers poétique dont vous allez ressortir transformés et peut-être même convertis. Le rêve abscons et pourtant vif de tout artisan de la rime et de l'intime.
Vous pouvez trouver "Lucien est de sortie" dans toutes les librairies. Mais aussi directement sur le site des Cahiers de l'Égaré et en ligne sur les sites marchands.
📷
Pour les Toulonnais voici un joli rendez-vous : le samedi 2 mars, au Carré des mots (rue Henri Seillon) à partir de 14 h 30. Vous pourrez y rencontrer Isabelle Forno, qui a soigneusement trié, retranscrit, mais également préfacé l'oeuvre de son papa.
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Camus au Carré des mots 15 février 2024

10 Février 2024 , Rédigé par grossel Publié dans #agora, #cahiers de l'égaré, #lecture, #pour toujours, #écriture

petite note de lecture parue le 13 février 2024

petite note de lecture parue le 13 février 2024

vignette de couverture Ernest Pignon-Ernest
vignette de couverture Ernest Pignon-Ernest
vignette de couverture Ernest Pignon-Ernest
vignette de couverture Ernest Pignon-Ernest

vignette de couverture Ernest Pignon-Ernest

Signature-débat

à la Librairie Le Carré des mots

30 Rue Henri Seillon, 83000 Toulon

le jeudi 15 février 2024 à partir de 18 H

 

Rencontre-débat avec José Lenzini
Ancien journaliste, auteur d'une vingtaine d'ouvrages dont cinq consacrés à Camus, José Lenzini s'attache avec ce sixième opus à expliquer la montée des terrorismes de "Poutine aux djihadistes"
En présence de son éditeur, Jean-Claude Grosse pour Les Cahiers de l'Égaré
("Albert Camus et la prémonition des terrorismes des djihadistes à Poutine... et tant d'autres" édition Les Cahiers de l'Égaré - 15€)

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Si Noailles m'était contée / François Carrassan

8 Janvier 2024 , Rédigé par grossel Publié dans #agora, #album, #cahiers de l'égaré, #pour toujours, #écriture

signature-dédicace du 23 décembre 2023 au Café Charl's, librairie Charlemagne à Hyères
signature-dédicace du 23 décembre 2023 au Café Charl's, librairie Charlemagne à Hyères

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SI NOAILLES M'ETAIT CONTEE – RETOUR AU REEL
  • ウェブストア価格 ¥3,209(本体¥2,918)
  • EGARE (2023/11発売)
  • 外貨定価 EUR 14.21
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  • 製本 Paperback:紙装版/ペーパーバック版
  • 商品コード 9782355021442

基本説明

Mettons que Schopenhauer a vu juste et que la vie humaine oscille, comme un pendule, entre la souffrance et l'ennui. La souffrance du manque à satisfaire. l'ennui qui survient une fois besoin satisfait. Un mouvement perpétuel t sans raison. Mais, si l'on est trop riche pour souffrir du besoin, on dira alors que le pendule s'arrête sur l'ennui. C'est le cas de Charles et Marie Laure de Noailles, tout juste mariés en 1923. qui vont donc s'appliquer à tuer l'ennui à l'altitude de la fortune dont chacun a hérité. Pour vivre une vie qui soit summum à vivre. C'est le combat de la classe riche, disait Schopenhauer, incessant et souvent désespéré. La construction d'une maison moderne à Hyères, aujourd'hui appelée Villa Noailles, s'inscrivait dans cette logique. J'aurai essayé de montrer ici ce qu'elle est vite devenue, prise dans les filets du temps qui tout décompose, jusqu'à son naufrage cinquante ans plus tard. Et jusqu'à offrir en 2023 un singulier paradoxe, celui d'une maison vendue toute splendeur perdue, devenue un bien public, restaurée avec le seul argent public et réutilisée pour y célébrer les propriétaires qui Pont abandonnée. Amusant, non ?

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couverture / Photographie de couverture : Bernard Plossu, Villa Noailles / Restauration, in L’Europe du Sud Contemporaine, Images En Manœuvres Éditions, Marseille, 2000 / article paru dans Var-Matin, le 11 décembre 2023
couverture / Photographie de couverture : Bernard Plossu, Villa Noailles / Restauration, in L’Europe du Sud Contemporaine, Images En Manœuvres Éditions, Marseille, 2000 / article paru dans Var-Matin, le 11 décembre 2023
couverture / Photographie de couverture : Bernard Plossu, Villa Noailles / Restauration, in L’Europe du Sud Contemporaine, Images En Manœuvres Éditions, Marseille, 2000 / article paru dans Var-Matin, le 11 décembre 2023
couverture / Photographie de couverture : Bernard Plossu, Villa Noailles / Restauration, in L’Europe du Sud Contemporaine, Images En Manœuvres Éditions, Marseille, 2000 / article paru dans Var-Matin, le 11 décembre 2023

couverture / Photographie de couverture : Bernard Plossu, Villa Noailles / Restauration, in L’Europe du Sud Contemporaine, Images En Manœuvres Éditions, Marseille, 2000 / article paru dans Var-Matin, le 11 décembre 2023

ce matin 8 janvier, j'ai envoyé deux exemplaires du livre de François Carrassan, Si Noailles m'était contée, un à Philo Magazine et un au Monde, tous deux accompagnés d'une lettre
l'envoi a pris 30 cents entre fin décembre et début janvier,
soit 4 € 30 au lieu de 4 €
JEAN-CLAUDE GROSSE
Editeur / Les Cahiers de l’Egaré
669 Route du Colombier
83200 LE REVEST-LES-EAUX
Courriel / grossejean-claude@orange.fr
A
Monsieur MICHEL ELTCHANINOFF
Philosophie Magazine
10 rue Ballu
75009 PARIS
Objet : Article « Villa Noailles » / 22 septembre 2023
Monsieur le Rédacteur en chef,
J’ai le plaisir de vous faire parvenir l’ouvrage intitulé « Si Noailles m’était contée », récemment édité par mes soins et écrit par François Carrassan qui a été un des acteurs de la restauration de cette maison qui fut abandonnée et vendue par des propriétaires dont la richesse n’empêcha pas le naufrage, après un parcours pour le moins cahoteux.
Un envoi pour information. Car ce qu’en racontent aujourd’hui ses occupants relève à la fois du fantasme et du calcul à commencer par la célébration de son centenaire en 2023. Votre article annonce immédiatement la couleur : « Cette année la Villa Noailles célèbre ses cent ans. » Or rien n’est plus faux. Car il n’y a pas de centenaire. Car rien dans cette histoire n’a duré cent ans. Mais qu’importe ! L’annonce a fait la mousse attendue et la presse « people » s’en est régalée.
Que votre magazine ait relayé cette espèce d’escroquerie culturelle m’a surpris. Feu Marcel Conche (dont j’ai édité plusieurs ouvrages) et moi nous étions à l’époque réjouis de votre existence. Je continue de l’apprécier. Aussi je pense que vous serez sensible au « retour au réel » que propose mon envoi.
Dans cette attente, je vous prie de recevoir, Monsieur le Rédacteur en chef, mes plus cordiales salutations.
Jean-Claude Grosse
Editeur 
----------------------------------------
JEAN-CLAUDE GROSSE
Editeur / Les Cahiers de l’Egaré
669 Route du Colombier
83200 LE REVEST-LES-EAUX
Courriel / grossejean-claude@orange.fr
A
Monsieur MICHEL GUERRIN
Le Monde
80 boulevard Auguste Blanqui
75707 PARIS CEDEX 13
Objet : Articles « Villa Noailles » des 19/04/23 et 26/04/23 dans Le Monde
Monsieur le Rédacteur en chef,
J’ai le plaisir de vous faire parvenir l’ouvrage intitulé « Si Noailles m’était contée », récemment édité par mes soins et écrit par François Carrassan qui a été un des principaux acteurs de la restauration de cette maison qui fut abandonnée et vendue par des propriétaires dont la richesse n’empêcha pas le naufrage, après un parcours pour le moins cahoteux.
Un envoi pour information. Car ce qu’en racontent aujourd’hui ses occupants relève à la fois du fantasme et du calcul à commencer par la célébration de son centenaire en 2023.
Les deux articles du Monde donnent immédiatement le ton : « La Villa Noailles fête ses cent ans cette année » et « La Villa Noailles s’offre un bain de jouvence pour ses cent ans ».
Or rien n’est plus faux. Car il n’y a pas de centenaire. Aucune construction en 1923. Et rien dans cette histoire n’a duré cent ans. Mais qu’importe ! L’annonce a fait la mousse attendue et la presse « people » s’en est régalée. Et combien, faisant fi de l’histoire, en ont rajouté dans le conte de fées, jusqu’à l’extase.
Que votre journal ait relayé cette espèce d’escroquerie culturelle m’a surpris. Sachant le modèle qu’il demeure en matière d’esprit critique. Mais j’aime à penser que vous serez sensible au « retour au réel » que propose mon envoi.
Dans cette attente, je vous prie de recevoir, Monsieur le Rédacteur en chef, mes plus cordiales salutations.
Jean-Claude Grosse
Editeur
Si Noailles m'était contée / François Carrassan
Si Noailles m'était contée / François Carrassan

François Carrassan

SI NOAILLES M’ÉTAIT CONTÉE

Retour au réel

ISBN 978-2-35502-144-2

182 pages, PVP 15 €

date d'achevé d'imprimer 11 novembre 2023
diffusé-distribué par Soleils Diffusion
3 rue Jean Dollfus, 75018 Paris
référencé par Soleils sur toutes les plateformes
 

signature le 23 décembre 2023 de 10 H 30 à 12 H 30 à la librairie Charlemagne, avenue des Iles d'Or, à Hyères
signature à l'espace culturel Olbia en janvier 2024
signatures non encore déterminées à Toulon
présence à la 10° fête du livre de Hyères, les 4 et 5 mai 2024

bien que présenté avant fin juin (date limite) pour la fête départementale du Livre du Var des 17-18 et 19 novembre 2023 à Toulon, l'essai n'a pas été retenu (ni l'éditeur) pour cette manifestation par la directrice Christine Puech des Belles Pages et aucune explication n'a été fournie par le président du CD 83, Jean-Louis Masson, auquel j'ai adressé un courrier JCG

Ce 2 novembre 2023

Jean-Claude Grosse
directeur des Cahiers de l’Égaré
669 route du Colombier
83200 Le Revest
siret 38145646600030


À

Monsieur le président du Conseil départemental du Var,

Objet : participation à la FDLDU VAR 2023

Monsieur le Président,

Voici le mail que je viens d’adresser à Madame Christine Puech de l’Agence culturelle Les Belles Pages :

ce 2/11/2023 à 17 H 23
Madame la directrice de l'agence culturelle Les Belles Pages,

Les saints et les morts ont été honorés hier.
Aujourd’hui, retour à la vie et aux vivants.
L’encore vivant que je suis, de 83 ans depuis une semaine, vient de voir le programme de la FDL du Var 2023.

Absence totale des 9 auteurs que j’ai proposés par mail le 17 mai, confirmés le 29 juin.
(date limite d'inscription, fin juin 2023) :
- José Lenzini avec un essai annoncé sur Camus et le terrorisme aujourd’hui, et avec sa biographie sur Germain Nouveau
- Alain Cadéo avec Arsenic et Eczéma, et M.
- Philippe Chuyen avec l’adaptation théâtrale du Prix d’un Goncourt de Jean Carrière (spectacle qui a fait une tournée départementale dans les collèges du Var et qui sera présent au festival d’Avignon 2023)
- Jean-Loup Fontaine (prix Max-Pol Fouchet 1994) avec Oeuvres poétiques (2 tomes), paru ce 16 mai 2023
- Claire Salin avec Oreilles d'orme
- Isabelle Forno avec Concertina et l’oeuvre poétique posthume de son père, le docteur Lucien Forno
- François Carrassan avec un essai annoncé sur le centenaire de la Villa Noailles, photos inédites de Bernard Plossu
- moi-même avec Et ton livre d’éternité ? Et un livre annoncé Brics à bracs
- Marcel Conche, décédé en 2022 à 100 ans, dont j’ai édité les deux derniers livres et le livre pluriel Le siècle de Marcel Conche.

L’éditeur que je suis s’étonne
de votre absence d’accusé de réception à ses deux mails
et de l’absence de justifications quant à votre choix d'ignorer les 9 auteurs publiés par Les Cahiers de l’Égaré dont j’assure la direction depuis 35 ans.
Je vais donc adresser un courrier-lettre ouverte à Jean-Louis Masson (président du CD 83) dans la mesure où votre agence culturelle relève des marchés publics, de l’argent public et donc d’un devoir de transparence.
Je ne vais pas manquer de faire la publicité qui convient, via les réseaux sociaux, à cette comédie.
Avec l’expression de mon absence de sentiments.
JCG
Directeur des Cahiers de l’Égaré

Monsieur le Président, je vous laisse juge de cette situation ubuesque ou kafkaïenne, au choix.

En espérant qu’elle ne se répètera pas l’an prochain.

Veuillez croire, Monsieur le Président, à l’expression d’un certain rire, propre de l’homme.

JC Grosse

 
 
 
article de Var-Matin du 11 décembre 2023
article de Var-Matin du 11 décembre 2023

article de Var-Matin du 11 décembre 2023

AVANT-PROPOS à Si Noailles m'était contée
 

Prise dans les filets du temps, la Villa Noailles a connu trois époques dans le cours desquelles elle a d’abord été une propriété privée (1923-1973), puis une propriété de la commune d’Hyères (1973-2003) et enfin une propriété de la Communauté d’Agglomération Toulon Provence Méditerranée, à présent Métropole, (2003-2023).

En 2023, on peut noter en passant que cette histoire a commencé il y a cent ans avec le projet de construire une maison de vacances sur un terrain situé à Hyères. Il en reste une trace dans une lettre du 25 juin 1923 adressée par Charles de Noailles à Mallet-Stevens : le premier échange connu entre le propriétaire et l’architecte, tel qu’on le trouve rapporté dans une monographie que Cécile Briolle a consacrée au sujet en 19901.

Mais, pour le reste, aucune continuité dans cette histoire qui justifierait d’allumer des bougies. À commencer par le nom de la propriété qui s’est toujours appelée «Château Saint‐Bernard» jusqu’à ce que celle-ci soit vendue, 50 ans plus tard, à la ville d’Hyères en 1973. De même, l’existence physique du «Château Saint‐Bernard» paraîtra brève au regard de l’état de son abandon au moment de la vente. Une brièveté que les remparts millénaires du XIe siècle, au cœur desquels il fut construit, rendent d’autant plus sensible, réduite à un petit cinquantenaire de 1923 à 1973.

Car c’est la ville d’Hyères, une fois propriétaire, qui donna le nom de «Villa Noailles» au «Château Saint‐Bernard». Sans formalités et pour d’évidentes raisons de communication. Le prestige attaché à ce nom pouvait en effet impressionner les ignorants en jouant (déjà) avec le côté «happy few» de ses figures, d’autant plus que l’acquisition avait eu lieu sans qu’on sache ce qu’on en ferait et que cela allait durer jusqu’à ce que la ville décide, vingt ans plus tard, de restaurer la Villa menaçant ruine. Un vaste chantier de restauration aura ainsi fini par se tenir, porté et financé par la Ville avec le soutien de l’État, de la Région et du Département. Sa réalisation sera inaugurée en 2003, trente ans après la vente. C’est le deuxième temps de l’histoire de la Villa Noailles. Dans le domaine public communal.

Après quoi, selon la bureaucratie du moment, la ville d’Hyères ayant été intégrée en 2002 à la nouvelle Communauté d’Agglomération TPM, la Villa Noailles qu’elle venait de restaurer fut transférée à cette dernière en 2003.

Troisième époque ainsi commencée il y a 20 ans et au cours de laquelle le projet culturel initial fut réorienté et curieusement axé sur la célébration naïve du mécénat des Noailles dans la maison même qu’ils avaient abandonnée et vendue et que seul l’argent public avait permis de sauver de la ruine.

Un paradoxe révélateur de la tendance idolâtre de la Villa d’aujourd’hui et de son parti pris d’une culture « people ». À partir de quoi se comprend aujourd’hui ce désir de fêter un centenaire fictif pour donner corps au fantasme de ses utilisateurs. Chose qui, jusqu’à présent, n’a pas ému le moins du monde les officiels de la culture. Faut-il s’en inquiéter ?

 

Table des matières

Avant-propos................................................................. V

Prélude
Retour au réel.................................................................9

Variation 1
Du fond d’un naufrage..................................................19

variation 2
Une petite maison dans le midi .....................................41

Variation 3
L’Âge d’or..................................................................... 73

Variation 4
Igor Markevitch ............................................................83

Variation 5
Óscar Domínguez ........................................................ 95

Variation 6
Être et avoir été ..........................................................107

Variation 7
L’art est mort ............................................................. 117

Variation 8
Restauration ...............................................................123

Variation 9
Un fantasme mondain ................................................. 145

Variation 10
Un centenaire fictif.......................................................153

En résumé .................................................................165

jusqu'au 19 novembre 2023, une expo labellisée d'intérêt national / Considéré comme l’un des plus grands photographes du XXe siècle, Man Ray appartient au mouvement dada. Il fréquente le milieu surréaliste et entretient une relation amoureuse avec Kiki de Montparnasse. Il a inventé avec Lee Miller le procédé de la solarisation. Emmanuel Radnitsky (dit Man Ray) naît le 27 août 1890 à Philadelphie et commence des études d’architecture avant de se tourner vers l’Art. Très vite, il fréquente les milieux avant-gardistes et dadaïstes. Il rencontre Marcel Duchamp, avec lequel il se lie d’amitié. Ses premières oeuvres varient de la peinture (fauvisme et cubisme) à la photographie. Avide de nouveauté et d’originalité, il réalise ses Aérographes (peinture au pistolet, 1917)...

jusqu'au 19 novembre 2023, une expo labellisée d'intérêt national / Considéré comme l’un des plus grands photographes du XXe siècle, Man Ray appartient au mouvement dada. Il fréquente le milieu surréaliste et entretient une relation amoureuse avec Kiki de Montparnasse. Il a inventé avec Lee Miller le procédé de la solarisation. Emmanuel Radnitsky (dit Man Ray) naît le 27 août 1890 à Philadelphie et commence des études d’architecture avant de se tourner vers l’Art. Très vite, il fréquente les milieux avant-gardistes et dadaïstes. Il rencontre Marcel Duchamp, avec lequel il se lie d’amitié. Ses premières oeuvres varient de la peinture (fauvisme et cubisme) à la photographie. Avide de nouveauté et d’originalité, il réalise ses Aérographes (peinture au pistolet, 1917)...

Exposition Man Ray à La Banque Hyères,

jusqu'au 19 novembre 2023

Considéré comme l’un des plus grands photographes du XXe siècle, Man Ray appartient au mouvement dada.
Il fréquente le milieu surréaliste et entretient une relation amoureuse avec Kiki de Montparnasse. Il a inventé avec Lee Miller le procédé de la solarisation.
Emmanuel Radnitsky (dit Man Ray) naît le 27 août 1890 à Philadelphie et commence des études d’architecture avant de se tourner vers l’Art. Très vite, il fréquente les milieux avant-gardistes et dadaïstes. Il rencontre Marcel Duchamp, avec lequel il se lie d’amitié.
Ses premières oeuvres varient de la peinture (fauvisme et cubisme) à la photographie. Avide de nouveauté et d’originalité, il réalise ses Aérographes (peinture au pistolet, 1917).
En 1921, il s’installe à Paris, participe au mouvement Dada en compagnie de Duchamp et présente ses premiers « readymade ». Dès 1922, il utilise sa technique du rayogramme (silhouettes abstraites d’objet) puis intègre le mouvement surréaliste et réalise plusieurs courts-métrages (l’Étoile de mer, 1928). Parallèlement, il poursuit ses activités photographiques (le Violon d’Ingres, 1924) et s’adonne aussi bien à la peinture qu’à des activités de collage et d’assemblage. Man Ray décède le 18 novembre 1976 à Paris. Il demeure l’un des artistes les plus importants de l’avant-garde américaine.

Si Noailles m'était contée / François Carrassan
Laurence Benaïm sera une des destinataires de l'essai de François Carrassan
Laurence Benaïm sera une des destinataires de l'essai de François Carrassan

Laurence Benaïm sera une des destinataires de l'essai de François Carrassan

Laurence Benaïm a 38 ans. Journaliste, elle dirige les pages consacrées à la mode au journal Le Monde. Elle est l'auteur chez Grasset d'une biographie d'Yves Saint Laurent (1993).

Son prénom est plus célèbre que son nom pourtant illustre : Marie-Laure. Née en 1902 dans une famille au croisement de l'aristocratie (les Chevigné) et du judaïsme ( les Bishoffsheim), elle est à sa mort en 1970 la dernière représentante d'un monde auquel elle n'a jamais appartenu. Enfant, elle a déchiré les lettres de Proust à sa grand-mère, Laure de Chevigné, modèle d'Oriane de Guermantes. Elle a grandi dans une maison que fréquentèrent Anatole France, Mistral, Bakst, ou Francis de Croisset, " Bel-ami " qui devient son beau-père. Adolescente, cette jeune femme qui fut élevée en solitaire connaît le tourbillon du monde, " Lolita de Cocteau ", elle s'étourdit dans les années folles. Mariée à Charles de Noailles, le couple concilie l'argent et le goût, mécène de l'âge d'or du surréalisme, demandant à Mallet-Stevens de leur construire à Hyères une maison cubiste, à Jean-Michel Frank de " démeubler " leur salon de la place des Etats-Unis, offrant à Bunuel de tourner L'Age d'or, dont la projection entraîne l'un des plus vifs scandales esthétiques des années trente. Une provocatrice ? Une anticonformiste ? En 1936, elle soutient les républicains espagnols et en 1968 elle se rend sur les barricades en Rolls-Royce. Son plus grand talent ? Sentir l'époque. Il y a un ton Marie-Laure. Il y a un goût Marie-Laure : placer sur une cheminée à la fois des ivoires esquimaux, des vases étrusques et un réveil Fabergé. " Tortionnaire adorée ", intelligence " feu follet ", choquant le Faubourg Saint-Germain, cette éternelle étrangère se métamorphose, à la fin de sa vie, en Mère Ubu enjuponnée de gros tweed. La décadence de l'aristocratie, la scène avant-gardiste, l'ascension de la " café-society ", le gratin cosmopolite.

Avec une virtuosité d'écriture, brassant tout le paysage littéraire et artistique, de Cocteau à Crevel, de Poulenc à Dali, Laurence Benaïm a écrit le destin d'une iconoclaste, fâchée avec sa naissance.

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sur Albert Camus et la prémonition des terrorismes / Jacques Larrue

22 Décembre 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #agora, #cahiers de l'égaré, #notes de lecture, #philosophie, #pour toujours, #écriture

Signature-débat

à la Librairie Le Carré des mots

30 Rue Henri Seillon, 83000 Toulon

le jeudi 15 février 2024 à partir de 18 H

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Une traversée dans l'oeuvre de JCG + Vita Nova

7 Novembre 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #JCG, #cahiers de l'égaré, #lecture, #pour toujours, #poésie, #théâtre, #écriture, #philosophie

La supergéante rouge Bételgeuse (en haut à gauche) et la célèbre ceinture d’Orion. Cette image prise en février 2018 révèle les détails de la Constellation d'Orion avec les nébuleuses environnantes de son complexe de nuages moléculaires. PHOTOGRAPHIE DE Kevin Gill

La supergéante rouge Bételgeuse (en haut à gauche) et la célèbre ceinture d’Orion. Cette image prise en février 2018 révèle les détails de la Constellation d'Orion avec les nébuleuses environnantes de son complexe de nuages moléculaires. PHOTOGRAPHIE DE Kevin Gill

Ce 7 novembre, nuit sans lune, levez le nez. Ne manquez pas Betelgeuse,
 
la rouge, la prometteuse. Bételgeuse, située au niveau de « l’épaule » de la constellation d'Orion, est la plus grosse étoile visible à l’œil nu dans le ciel nocturne. Elle promet de luire comme la lune en plein jour le jour prochain où elle finira sa vie d'étoile. Betelgeuse est à 497 années de nous. Sa lumière que nous voyons aujourd'hui est partie alors qu'Albrecht Dürer peignait, que Francois 1er était roi de France depuis 10 ans.
Betelgeuse est une super géante rouge qui n'en a plus que pour quelques jours ou quelques décennies. Elle manquera au ciel alors, et nous ne la verrons plus. Elle a peut-être déjà pris la forme d'une supernova au moment où l'on en parle, emportant sur son passage toutes les planètes qui l'entouraient, mais nous ne le voyons pas encore... by Benoît Rivillon
pendant la lecture (pris en flagrant délire d'écoute) et dans le hall; photos F.C. et I.F.
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le discours improvisé et sincère du maire, Ange Musso, à la fin de la traversée

le discours improvisé et sincère du maire, Ange Musso, à la fin de la traversée

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Le cerf-volant de l'égaré N°2

21 Octobre 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #le cerf-volant de l'égaré, #poésie, #écriture, #voyages, #pour toujours, #lettre

 

Le cerf-volant de l'égaré

magazine littéraire et artistique,

numérique et gratuit,

paraissant aléatoirement

sur le blog des Cahiers de l'Égaré

Envoyé par mail ou par la newsletter du blog

bandeau en cours de création / Saint-John Perse et son masque
bandeau en cours de création / Saint-John Perse et son masque

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Après Marie des Brumes, d'Odysseus Elytis, créée le 7 novembre 1985 à Châteauvallon, mise en scène Gil Royer, décor Michel Bories

la revue Aporie N° 5 est consacrée à Odysseus Elytis

il y eut Les tragédiennes sont venues, de Saint-John Perse, créées au Château de la Ripelle au Revest en  août 1986, mise en scène Dominique Lardenois, décor Jean-Miche Bruyère

la revue Aporie N° 8 est consacrée à Saint-John Perse et à la tragédie

quand les tragédiennes se sont dévêtues de leurs habits de scène et réclament de grandes oeuvres séditieuses, licencieuses; ah! les audacieuses, les délicieuses, les malicieuses / leur demande a été adressée en 1986 à 33 tragédiens et tragédiennes / aucun n'a répondu ni passer commande d'oeuvre séditieuse à un auteur / exception Dominique Lardenois a passé commande de la Lettre au directeur du théâtre à Denis Guénoun, éditée par Les Cahiers de l'Égaré, 2500 exemplaires ont circulé
quand les tragédiennes se sont dévêtues de leurs habits de scène et réclament de grandes oeuvres séditieuses, licencieuses; ah! les audacieuses, les délicieuses, les malicieuses / leur demande a été adressée en 1986 à 33 tragédiens et tragédiennes / aucun n'a répondu ni passer commande d'oeuvre séditieuse à un auteur / exception Dominique Lardenois a passé commande de la Lettre au directeur du théâtre à Denis Guénoun, éditée par Les Cahiers de l'Égaré, 2500 exemplaires ont circulé
quand les tragédiennes se sont dévêtues de leurs habits de scène et réclament de grandes oeuvres séditieuses, licencieuses; ah! les audacieuses, les délicieuses, les malicieuses / leur demande a été adressée en 1986 à 33 tragédiens et tragédiennes / aucun n'a répondu ni passer commande d'oeuvre séditieuse à un auteur / exception Dominique Lardenois a passé commande de la Lettre au directeur du théâtre à Denis Guénoun, éditée par Les Cahiers de l'Égaré, 2500 exemplaires ont circulé

quand les tragédiennes se sont dévêtues de leurs habits de scène et réclament de grandes oeuvres séditieuses, licencieuses; ah! les audacieuses, les délicieuses, les malicieuses / leur demande a été adressée en 1986 à 33 tragédiens et tragédiennes / aucun n'a répondu ni passer commande d'oeuvre séditieuse à un auteur / exception Dominique Lardenois a passé commande de la Lettre au directeur du théâtre à Denis Guénoun, éditée par Les Cahiers de l'Égaré, 2500 exemplaires ont circulé

le décor avec les émigrés ou migrants et les tragédiennes descendues par les ruelles vers le port et la Mer / deux titres importants de Denis Guénoun sur le théâtre
le décor avec les émigrés ou migrants et les tragédiennes descendues par les ruelles vers le port et la Mer / deux titres importants de Denis Guénoun sur le théâtre
le décor avec les émigrés ou migrants et les tragédiennes descendues par les ruelles vers le port et la Mer / deux titres importants de Denis Guénoun sur le théâtre
le décor avec les émigrés ou migrants et les tragédiennes descendues par les ruelles vers le port et la Mer / deux titres importants de Denis Guénoun sur le théâtre

le décor avec les émigrés ou migrants et les tragédiennes descendues par les ruelles vers le port et la Mer / deux titres importants de Denis Guénoun sur le théâtre

la tragédie n'est pas le drame dit l'édito / Car le drame est vulgaire, comme les actualités et leur urgence journalière, pâture des foules curieuses. Quand la tragédie est rare, où s'unissent l'existence et le théâtre, la vie et l'art, accordés par le malheur quintessencié et irrémédiable d'être. Oeuvre où se reconnait le destin, dépouillée des petitesses et pure de l'accessoire, la marque de la culture et du style. / dans les marges d'Aporie, les stars d'aujourd'hui / à leurs façons, ce sont des indisciplinaires, pas dans le moule, rétifs aux diktats, au conformisme / ils plaisent ou pas, sont dénigrés ou adulés mais ils tracent leur chemin de vie et d'artiste
la tragédie n'est pas le drame dit l'édito / Car le drame est vulgaire, comme les actualités et leur urgence journalière, pâture des foules curieuses. Quand la tragédie est rare, où s'unissent l'existence et le théâtre, la vie et l'art, accordés par le malheur quintessencié et irrémédiable d'être. Oeuvre où se reconnait le destin, dépouillée des petitesses et pure de l'accessoire, la marque de la culture et du style. / dans les marges d'Aporie, les stars d'aujourd'hui / à leurs façons, ce sont des indisciplinaires, pas dans le moule, rétifs aux diktats, au conformisme / ils plaisent ou pas, sont dénigrés ou adulés mais ils tracent leur chemin de vie et d'artiste

la tragédie n'est pas le drame dit l'édito / Car le drame est vulgaire, comme les actualités et leur urgence journalière, pâture des foules curieuses. Quand la tragédie est rare, où s'unissent l'existence et le théâtre, la vie et l'art, accordés par le malheur quintessencié et irrémédiable d'être. Oeuvre où se reconnait le destin, dépouillée des petitesses et pure de l'accessoire, la marque de la culture et du style. / dans les marges d'Aporie, les stars d'aujourd'hui / à leurs façons, ce sont des indisciplinaires, pas dans le moule, rétifs aux diktats, au conformisme / ils plaisent ou pas, sont dénigrés ou adulés mais ils tracent leur chemin de vie et d'artiste

l'adresse aux tragédiennes (14) et tragédiens (19) d'aujourd'hui (leurs noms sont dans les marges) pour qu'elles réclament des textes licencieux, séditieux / aucun ne nous a répondu / illustrations Valérie Anton, Nicole Budonaro, Michel Dufresne
l'adresse aux tragédiennes (14) et tragédiens (19) d'aujourd'hui (leurs noms sont dans les marges) pour qu'elles réclament des textes licencieux, séditieux / aucun ne nous a répondu / illustrations Valérie Anton, Nicole Budonaro, Michel Dufresne
l'adresse aux tragédiennes (14) et tragédiens (19) d'aujourd'hui (leurs noms sont dans les marges) pour qu'elles réclament des textes licencieux, séditieux / aucun ne nous a répondu / illustrations Valérie Anton, Nicole Budonaro, Michel Dufresne
l'adresse aux tragédiennes (14) et tragédiens (19) d'aujourd'hui (leurs noms sont dans les marges) pour qu'elles réclament des textes licencieux, séditieux / aucun ne nous a répondu / illustrations Valérie Anton, Nicole Budonaro, Michel Dufresne
l'adresse aux tragédiennes (14) et tragédiens (19) d'aujourd'hui (leurs noms sont dans les marges) pour qu'elles réclament des textes licencieux, séditieux / aucun ne nous a répondu / illustrations Valérie Anton, Nicole Budonaro, Michel Dufresne
l'adresse aux tragédiennes (14) et tragédiens (19) d'aujourd'hui (leurs noms sont dans les marges) pour qu'elles réclament des textes licencieux, séditieux / aucun ne nous a répondu / illustrations Valérie Anton, Nicole Budonaro, Michel Dufresne

l'adresse aux tragédiennes (14) et tragédiens (19) d'aujourd'hui (leurs noms sont dans les marges) pour qu'elles réclament des textes licencieux, séditieux / aucun ne nous a répondu / illustrations Valérie Anton, Nicole Budonaro, Michel Dufresne

risographie d'Ernest Pignon-Ernest pour radio zinzine, servant de couverture à l'essai de José Lenzini : Albert Camus et la prémonition des terrorismes, parution aux Cahiers de l'Égaré, le 1° novembre 2023, coïncidant avec le début de la guerre d'Algérie, 1° novembre 1954
risographie d'Ernest Pignon-Ernest pour radio zinzine, servant de couverture à l'essai de José Lenzini : Albert Camus et la prémonition des terrorismes, parution aux Cahiers de l'Égaré, le 1° novembre 2023, coïncidant avec le début de la guerre d'Algérie, 1° novembre 1954

risographie d'Ernest Pignon-Ernest pour radio zinzine, servant de couverture à l'essai de José Lenzini : Albert Camus et la prémonition des terrorismes, parution aux Cahiers de l'Égaré, le 1° novembre 2023, coïncidant avec le début de la guerre d'Algérie, 1° novembre 1954

à partir de ce N°2

sont partagées des contributions d'écrivains et artistes vivants

pour commencer :

- une lettre à Juliette Binoche (à télécharger)
voici ce que m'écrit l'épistolier :
"ma motivation n'est aucunement celle d'un fan ou d'un quelconque olibrius. Non.
La principale raison qui m'a poussé dans cette démarche est une révélation que je qualifie de spirituelle suite à la projection du film, Les amants du Pont-Neuf. J'avais déjà vu auparavant d'autres films avec Juliette Binoche. De très bons films. Mais je ne peux expliquer pourquoi et comment l'impact de celui-ci fut pour moi comme une élévation de mon âme. Je suis resté des mois et des mois sans pouvoir écrire une ligne dans le silence de ma maison. Je veux parler du silence de nos maisons intérieures . De celles que nous avons tous en nous. Nos maisons du silence ignorées, oubliées par tant de vacarme et d'agitation de ce monde dit moderne. Puis le confinement est arrivé avec enfin le passage à l'écrit. Le temps avait fait son travail. J'étais prêt. Le recueillement dans l'écriture pouvait enfin commencer."
 
- un mois de poèmes au jour le jour (à télécharger)
 
- des billets d'écrivain
 
- le début d'une BD, Nina la petite africaine
parrainée par Marcel Conche, créatrice au Burundi d'une coopérative agricole dans l'esprit de Pierre Rahbi, BD illustrée par Victor Kirista
 
- Ode à l'humanité suivi de Territoires de la Joie
de Nouria Rabeh, illustré par Katheline Goossens
 
- les robes de prière
d'Aïdée Bernard, réalisées au Japon
 
- la petite ouvrière métisse
de Sandrine-Malika Charlemagne
 
- quatre audios
mettant en jeu le corps dont Infinity par la tragédienne Irène Papas, sur une musique de Vangelis

Ma lettre à Juliette Binoche par Marcel Moratal, écrivain, animateur du Canard en bois, théâtre de 45 places dans la grange de sa ferme à Montréal-les sources, 1500 m

Ma lettre à Juliette Binoche

Madame,

Je ne sais pas si ces mots arriveront jusqu'à vous mais il me fallait absolument vous les écrire. J'ai mis beaucoup de temps avant de m'engager dans cette lettre. Je craignais de faire intrusion dans votre vie et de vous apparaître comme un olibrius qui veut se rendre intéressant. Écrire n'a jamais été une affaire facile pour moi. C'est un peu comme aller puiser de l'eau, descendre dans son propre puits et remonter vers la lumière pour séparer l'eau claire de la boue. Cela m'est venu d'un ordre intérieur dont je ne sais pas toujours très bien le pourquoi ni le vers quoi il m'emmène mais ce qui est certain c'est qu'il vient d'un besoin absolu.

Beaucoup de questions ont rapidement titillé mon esprit : quelle forme donner à cette lettre pour exprimer clairement son urgence et sa nécessité ? Pourquoi le choix sur votre personne ? Pourquoi vous ? Est-ce la vie qui nous engage dans nos actes, dans nos choix, ou nous-mêmes qui nous engageons dans la vie ? Y a t-il des passages obligés sur le chemin de notre existence ? Des croisements qui nous paralysent devant le choix à faire et sur la direction à prendre ? Qui est le guide ? Ou alors sommes-nous peut- être notre propre guide. À vrai dire je n'ai pas vraiment de réponse à ces questions. Chaque pas dans ma vie m'apporte son énigme.

L'écriture avec d'autres disciplines artistiques comme la peinture, la sculpture, la musique nous révèlent parfois peu à peu à nous-mêmes à notre grand étonnement. Mais nous ne finissons jamais de descendre dans notre puits. Chaque jour nous découvrons au fur et à mesure une nouvelle poupée russe au fond de notre être.

J'ai toujours été tracassé par la question de l'âme. Est-ce que l'âme est une envoyée de Dieu ? Quand on rend notre âme à qui la rend-on ? À Dieu ? Pourtant on m'a toujours dit que donner c'est donner et que reprendre c'est voler. La morale des hommes en fin de compte.

Je n'ai jamais eu l'âme d'un groupi. Enfant et adolescent je n'accrochais jamais les photos de mes artistes préférés dans ma chambre. Mes passions, mes coups de coeur et mes peines, je les gardais toujours secrètement au fond de moi. Peut-être par pudeur. Il paraît que les animaux se cachent pour mourir, moi je me cachais pour pleurer. En silence. Parce qu'un garçon ça ne devait pas pleurer. Çà c'était bon pour les filles. À cause d'une éducation très patriarcale on ne montrait pas trop ses sentiments. Le mot amour était un mot silencieux qu'on ne prononçait jamais. Nous ne parlions jamais des filles à la maison. Alors écrire est devenu pour moi un moyen de réveiller les mots silencieux pour leur faire prendre l'air sur les pages de ma vie et pour qu'ils défassent les noeuds que la vie m' avait parfois bien serrés. Fort. Très très fort. Dans le secret des mots, une petite voix intérieure me disait depuis longtemps d'y aller, me disait que je pouvais le faire et même, si je savais l'écouter au plus profond de moi- même, que je devais le faire.

.
Tout est parti d'une émission de radio. Vous parliez de la mélancolie et à un moment donné vous avez récité une prière orthodoxe, Le roi céleste :

« Roi céleste, Consolateur, Esprit de Vérité, Toi qui es partout présent et qui remplis tout, Trésor des Grâces et Donateur de Vie, Viens, et Demeure en nous, Purifie-nous de toute souillure, et Sauve nos âmes, Toi qui es Bonté. »

L'humilité de ce texte, l'appel au divin, m'ont fortement interpellé...

Marcel Moratal

Poèmes au jour le jour d'Alain Le Cozannet, ici du 15 septembre fin d'été au 16 octobre, début d'automne / La nature exige de moi des choses impossibles bravo je lui obéis de toutes mes forces : Histoire d’amour aux dimensions divines immersion ou baptême en mer tous les matins quel que soit le temps / c'est le genre de tragédien dont on aurait besoin si on était plus divin mais les temps sont terribles, monstrueux.

Poèmes de La Mitre

Alain Le Cozannet


Attentat.
la mer se montre à grand bruit
entre les doigts
une guêpe butine et pince
un cri invisible
s’élève dans le ciel
déchire l’air derrière les nuages.
La Mitre 15/09/2023.


Blasphème.
2 hangars béants
inertes vides noirs
à pied de mer
violette et blanche
arrachée vivante
aux vents invisibles.
La Mitre 16/09/2023.


Tempête.
silence force du bruit
tutus blancs
ballet d’écume
fumée noire
ferraille jaune.
La Mitre 17/09/2023.


Chant d’amour.
allongé sur le ventre
le bidon de gasoil
de son œil rouge
regarde l’atelier.
Auffan 17/09/2023.


Demain.
horizon noir
ciel et mer mangent le gris
les sombres bateaux de guerre
retiennent le temps
derrière une voile blanche
suspendue minuscule colombe.
La Mitre 20/09/2023.


Sous l’eau.
goélands cris étouffés
odeur lait de figue
monde inexplicable
magie de l’apesanteur.
La Mitre 20/09/2023.


Le bal des puissants.
le long du lazaret transfiguré
les monstres de guerre
se glissent lentement
dans la bataille sans vainqueur
des algues du sable et de la mer.
La Mitre 21/09/2023.


Moyen Âge.
dans la gueule noire du rocher
le porte-avions gris fer
l’index accusateur
pointé vers le ciel

La Mitre 21/09/2023.

 

 8 Photos

Monique Frémont (Perpignan)

photos Monique Frémont (Perpignan)
photos Monique Frémont (Perpignan)
photos Monique Frémont (Perpignan)
photos Monique Frémont (Perpignan)
photos Monique Frémont (Perpignan)
photos Monique Frémont (Perpignan)
photos Monique Frémont (Perpignan)
photos Monique Frémont (Perpignan)

photos Monique Frémont (Perpignan)

Billets

Alain Cadéo

Labyrinthe héréditaire

Si un de mes ancêtres, un certain Ramiro Rampinelli, fut disciple de Newton, un de mes oncles petit-fils de l’empereur Iturbide fusillé à cheval après deux ans de règne, un arrière grand-père Garibaldien, un autre grand-oncle Louis Barthou, ministre assassiné en 1934, moi je ne suis qu’un arrière petit-fils, peut-être, du très sérieux Buster Keaton. Même attirance pour les  locomotives et les bateaux à roue, des amours impossibles, des décors écroulés autour de nos minces silhouettes, et le même air surpris, sous de larges paupières, lèvres fines, bouche fermée, d’appartenir au Monde sans savoir d’où je viens ni même où je m'en vais. 

Nous sommes si souvent d’étranges parenthèses, porteurs d’inachevé, baluchons contenant un puzzle en vrac et sans doute incomplet. Et j’ai de plus en plus de mal à suivre et à traîner, ce convoi de légendes. 
Pantins des chromosomes, vérités et mensonges, nous nous éparpillons dans ce grotesque effort que nous faisons tous pour nous tirer du tapioca ou des sables mouvants d’une bien lourde hérédité. Être soi, rien que soi est terrible fadaise, surtout lorsqu’on trimballe un drôle de passé. Tenez-vous bien, il y avait qui plus est concernant notre nom de famille, un adage, une vieille sentence à vous paralyser, à vous flinguer plusieurs générations. Depuis des lustres dans nos plaines lombardes on disait: « Si les Cadéo se mettaient à faire des chapeaux, les gens, les pauvres, n’auraient plus qu’à marcher têtes nues ! » Et comment voulez-vous avec ça imaginer échapper un seul instant à la vindicte ou à la rigolade populaire! 
Il ne te reste plus qu’à faire ton tour de piste dérisoire et finir comme ce bon vieux Buster avec un mégot et un train électrique, dernier salut d'un canotier fabriqué par un autre, en attendant avec le même air triste sur un quai vide et à peine éclairé, le tortillard venu d’ailleurs, partant pour l’inconnu dans un panache de fumée.
 

Loups et chimères

Chaque matin ma meute attend fiévreusement que je libère sa puissante énergie. Ça geint, ça chougne, grogne, ça aboie, ça gémit. 
Un, les nourrir, les caresser, les flatter, les appeler chacun par leurs noms. Deux, les calmer, les rassurer, éviter qu’ils se mordent entre eux, leur promettre battue dans les fourrés et toute l’étendue de nos chasses aux idées. Trois, enfin les lâcher et tenter de les suivre alors qu’ils filent droit sur la piste électrique, pleine d’odeurs, du renard hérissé de secrets récoltés dans la nuit. 
Et ce sont courses folles, parfois désordonnées et il faut rappeler les hésitants, les égarés, les petits mots trop jeunes, inexpérimentés, perdus dans les genêts, poursuivant la bécasse ou bien le rat musqué. C’est l’alpha qu’il faut suivre, il ne se trompe pas et va droit sur la proie. Adroit, rusé, intelligent, il a un flair de tous les diables et ne se fourvoie pas. Mes loups, mes mots, sont faits de cet alphabet là. Qu’ils soient dans les bois de la torpeur, sur les collines de l'ivresse, les gorges de la mélancolie ou les sommets de la lucidité, ils fouinent, cherchent, lèvent le lièvre de la joie, débusquent le putois et ne se lassent pas de suivre le renard qui leur montre le mystérieux sillage d'argent que laissent les chimères dont personne ne voit ni ombre ni lumière, ni même le plus petit éclat. 
Sans ces chiens-là, ma meute, je suis déboussolé, perdu, ratatiné, ne sachant si j’écris ou sommeille dans la sombre forêt de tous mes mauvais rêves et d’un réel aussi cruel et vide que mon pire ennemi: l’insidieuse fadeur du désenchantement.

 
La déferlante et le bousier.
 
Sais-tu l’étrange calme qui habite ton cœur lorsqu’au petit matin tu disposes ta page sans rien savoir encore de tout ce qui viendra se jeter sous ta main? Tu vois venir quelques images. C’est aussi flou qu’une illusion ou un mirage sur une immense plaine, une savane, où tous les mots dans le lointain s’éveillent et s'ébrouent. Et toi, couché dans l’herbe sèche, tu guettes l’antilope craintive avançant pas à pas, museau mouillé, tournant la tête de tous côtés. Elle est la sentinelle, gracieuse annonciatrice d’un peuple, d’un troupeau, où toutes les espèces, un bataillon de mots, ruant, hennissant, rugissant, beuglant, déferlent, griffes, pattes, sabots, dans un nuage pulvérulent traversé de rais de lumières. C’est l’ostensoir des inspirés.
Fais gaffe à pas te faire piétiner! Cale toi bien contre un rocher! Laisse passer la horde et méfie toi du fauve au redoutable flair qui lui viendra lentement tourner autour de ta cachette. Une fois que tous seront passés, va cueillir les empreintes, les mille signes que ces bêtes ont laissé. Garde bien les odeurs, les sueurs, les vapeurs, toutes les sécrétions de ce grand peuple de passage. Car après leur ruée ta pleine page sera plaine bien sage où viendront picorer quelques grands échassiers et une troupe vernissée de scarabées sacrés.
 
Car enfin il s’agit d’habiter chaque mot, de le vivre, pour que l’écho qui nous revient soit le plus proche de sa source.
 
Je suis souvent frappé par le langage et le vocabulaire guerrier qu’adoptent les malades atteints d’un cancer. «Se battre, lutter pied à pied, gagner, tenir, résister, l’emporter, lui faire la peau, massacrer, écrabouiller, expulser… »  et tant d’autres… 
Je souhaiterais qu’avec la même ardeur et "en pleine santé" nous utilisions les mêmes mots contre l’ennemi larvé qui sommeille en nous-mêmes et dont nous tolérons tous les assauts contre ceux qui nous entourent sous l’infâme prétexte qu’il est le gardien enragé de notre pauvre et ridicule territoire. 
La vraie bonté (ou la béatitude), n’est-elle pas l’absolu renoncement à toute idée préconçue, comme un oubli de ce que nous croyons être, afin d’atteindre le délicieux vertige d’un permanent partage et d’un amour illimité? Mais quel chemin! Il n’est pas simple d’effacer sa lourdeur, ses réactions, le nœud coulant de nos hérédités. Disparaître en étant là, est un exercice quotidien de sublime acrobate glissant sur ce fil invisible entre la Terre et les Cieux.
 
 
Nina, la Joyeuse, l'auteur du récit / Victor Kirista, l'illustrateur de la BD à paraître pour avril 2024
Nina, la Joyeuse, l'auteur du récit / Victor Kirista, l'illustrateur de la BD à paraître pour avril 2024

Nina, la Joyeuse, l'auteur du récit / Victor Kirista, l'illustrateur de la BD à paraître pour avril 2024

NINA LA PETITE AFRICAINE


Bitaho : Le dernier rempart

Nina Nezerwe-Delorme

illustrateur Victor Kiritsa

Victor – laissez-moi vous expliquer,  

L’action se passe à Nyarusange village natal de Nina ; il est situé au cœur du Burundi qui est lui-même au cœur de l’Afrique. C’est ici qu’elle rencontra une trentaine de paysans qui se réunissaient après le travail des champs pour chercher à s’entraider. Nina à sa sortie de l’université Lumière de Bujumbura, décida de leur apporter son soutien. Sa première action fut de trouver des fonds pour construire une coopérative. C’est Fabien un simple paysan qui sait tout juste lire et écrire qui  lui proposa le nom de Bitaho, en kirundi cela veut dire « l’endroit où l’on se retrouve pour échanger, apporter et recevoir des connaissances. Un endroit où l’homme se ressource ».
Immergée dans cet univers paysan, elle se sent en résonnance avec la vie. C’est dans ce monde authentique que Nina ‘la petite africaine’ souhaite vous emmener. C’est avec toutes ces femmes merveilleuses, en contact avec une vie foisonnante , qu’ensemble, elles vont construire ce premier rempart face à cette mort galopante, la 6e extinction massive de la vie, qui chaque jour nous menace un peu plus.
Cet album est son histoire que j’ai eu le plaisir de partager avec elle. C’est aussi une mise en garde à tous ceux qui se prennent pour les maîtres du monde, aveuglés par cet anthropocentrisme.  
 
Victor

1. Victor –Alors au Burundi vous n’héritez pas du nom du père, vous êtes libres
de donner le nom que vous voulez ?
2. Nina – Exact , mon père, d’après ce que m’a dit ma mère ; me voyant
souriante et fort aimable,
3. Victor –Ce qui n’a pas changé !
4. Nina – C’est ça, il décida de me donner le nom de Nezerwe (ce qui veut dire en
Kirundi «
La joyeuse »
5. Victor –un jour tu m’expliqueras comment la joyeuse a vécu cette terrible
guerre civile entre les Tutsis et les Hutus qui allait se produire durant ton
enfance.
6. Nina –Toutes ses années sont gravées en moi, elles sont toujours là, c’est
pendant cette guerre civile, à l’âge de 8 ans, que j’ai perdu mon père.
7. Victor –d’après ce que ta mère m’a dit, la joyeuse ne voulait pas quitter les bras
de ses parents par peur de salir ses chaussures, c’est bien ça ?
8. Nina –exact, c’était peut-être une sorte de pressentiment, je me sentais encore
trop fragile pour poser les pieds sur ce monde en turbulence.
9. Victor –Ce n’est pas faux, mais tu as évolué, maintenant tu y mets et les pieds
et les mains !
10. Nina –Effectivement en agroécologie, il ne faut pas avoir peur d’y mettre les
mains, mais quand on sent que c’est la bonne voie, le travail semble léger.
11. Victor – c’est ce que disait Confucius « Choisis un travail que tu aimes, et tu
n'auras pas à travailler un seul jour de ta vie ».
12. Nina pourtant, chez vous en France, face au travail les réactions sont très
diverses, comment l’expliques-tu ?
13. Victor –La passion, l’amour ou le ressentiment changent le regard que nous
portons sur les choses de la vie, y compris le travail.
14. Nina –Sans aucun doute mais une occupation reste néanmoins un travail, qui
est parfois pénible !
15. Victor –Au-delà de la fatigue, il y a une multitude de facteurs qui entrent en
jeu, et personne n’y verra les mêmes choses.
16. Ils arrivent à la maison de la mère de Nina qui n’est pas là, son frère Billy les accueille
17. Nina –Bonjour Billy nous refaisions le monde à travers l’agroécologie avec
Victor ; si tu veux bien nous offrir à boire nous allons continuer sur la terrasse.
18. Billy –Tu parlais de ton projet de Niaruzangue ça avance ?
19. Nina –Toujours en attente.
20. Billy C’est un bon projet j’espère qu’il sera retenu.
21. Nina –Je l’espère aussi, car je découvre un peu plus, chaque jour, le lien étroit
entre l’agroécologie et la vie.
22. Victor –C’est vrai que la vie des plantes à des similitudes avec la vie des
hommes, comme le souligne le philosophe Émanuele Coccia. L’ignorer cela
fausse notre jugement.
23. Billy –et comment ça ?
24. Victor –Parce que les plantes sont les premières et les seules qui rendent la vie possible sur terre. Pénétrer le secret des plantes signifie comprendre le
monde, car tout est dans tout et surtout pas dans cet anthropocentrisme qui
nous caractérise trop.

 

 Une Ode à l'humanité suivi de Territoires de la Joie de Nouria Rabeh, illustré par Katheline Goossens, à paraître en 2023
 Une Ode à l'humanité suivi de Territoires de la Joie de Nouria Rabeh, illustré par Katheline Goossens, à paraître en 2023
 Une Ode à l'humanité suivi de Territoires de la Joie de Nouria Rabeh, illustré par Katheline Goossens, à paraître en 2023
 Une Ode à l'humanité suivi de Territoires de la Joie de Nouria Rabeh, illustré par Katheline Goossens, à paraître en 2023

Une Ode à l'humanité suivi de Territoires de la Joie de Nouria Rabeh, illustré par Katheline Goossens, à paraître en 2023

Poème au Dr Dauriac

(à Katheline Goossens)

Nouria Rabeh

Une dent s'en va, comme d'autres
marquées par l'usure du temps
d'une saison automnale
où les feuilles tombent
elles s'amoncellent
au pied des arbres nus
laissant derrière elles
l'empreinte d'une vie
une trajectoire qui suit
le cycle des naissances
comme un cri
où l'élan vital
s"amenuise peu à peu
pris par la lumière
du soleil couchant
vers l'inconnu
quand soudain
au matin du printemps
des bourdonnements
annoncent la rumeur du jour
et c'est la vie qui recommence
avec la douleur de naître
avant de la croquer
à pleines dents!

Nouria Rabeh
Ecrit le 22 juillet 2023

 

TERRITOIRES DE LA JOIE

Nouria Rabeh


Je laisse parfois
Mon esprit vagabonder
Au gré du vent
L’enfance douce
Rejaillit avec allégresse
De mon âme immémoriale
Comme un matin frais
Un chant bienveillant
De sa musique
S’étire sur le flanc
Des montagnes enneigées
Au regard du ciel
Qui, parfois
S’enrobe de nuages
Et laisse pourtant présager
Entre les mailles grises
Le scintillement
D’un soleil brillant.


Happée par le souffle géant
Des vagues océanes
Mugissement de voix
Dont la puissance
Et le flux s’activent
Dans le corps ouvert
D’une méduse éberluée
Captation soudaine
D’une dynamique vertueuse
Comme une machine ancestrale
Dotée d’un sentiment nouveau
Tourbillon de joie
Surgi des remous
De ce mécanisme bruyant
Une émotion des vagues
Comme l’envie d’étreindre
Une réalité essentielle
L’iode, les sels marins
Les sensations du grand large
Les cris des mouettes
Un monde où se côtoient
Algues et poissons
Multitude du vivant
Comme une envolée
Au-dessus des rochers
Le rythme d’une chanson
Qui m’emplit de gratitude.


Tu rayonnes, heureuse
L’espoir d’une hirondelle
Aux ailes subtiles
Le départ du lendemain
Vers d’autres contrées
Un horizon étranger
Loin de la mélancolie
L’enthousiasme à portée du cœur
Souris-en toi, une naissance
Le frôlement du soir venu
Comme dans un territoire
L’attente dans les airs
Bulle de son bec ouvert
Un jeu de lumières
Entre les branches
D’un arbre assoupi.


Terres de joie


Bercées par les feuilles
Allègement au cœur de l’été
Bien qu’assoiffées
La fraîcheur de tes plumes
Comme chaque matin
Petit moineau de douceur
Te fixe de bonne heure
Sueurs apparentes
Et malgré tout
Je ressens comme un refrain
Une dynamique
Un air joyeux
Amitiés réelles
Des compagnons invisibles
Me donnent le tempo
Pour construire ensemble
La cité des oiseaux.


Trêve passagère


D’un silence nocturne
Aux secrets mystérieux
Révélé par un orage
Longtemps pris
Dans la tourmente
Des incertitudes
Autrefois bannies
Des régions blanches
Ecrites en noir basané
En l’esclavage enchaîné
M’a appris à naviguer
En deçà des souffrances
Dans l’ancrage de l’histoire
Guidée par la lueur du phare
Dans la nuit profonde
Que le temps a fini par dénouer
Des vagues d’une possible joie.

les robes de prière de l'artiste Aïdée Bernard
les robes de prière de l'artiste Aïdée Bernard
les robes de prière de l'artiste Aïdée Bernard
les robes de prière de l'artiste Aïdée Bernard

les robes de prière de l'artiste Aïdée Bernard

La robe de prière

Aïdée Bernard, crée à partir des plantes locales, qu’elle

transforme en fibres de celluloses, les papiers qui vont

composer ses œuvres.

A l’invitation d’Imadate Art Field, elle a voulu rendre un

hommage au papier traditionnel, le washi. Il va servir de

base aux œuvres qu’elle a créées pendant la résidence.

On retrouve dans ses créations, l’empreinte et la forme du

tamis de bambou, la pureté de la fibre finement lissée par

son bercement dans la cuve d’eau et de néri.

Aïdée Bernard va ensuite ajouter d’autres fibres, qu’elle

glane dans le village ou sur le chemin du sanctuaire shinto

de kawakami gozen, la déesse du papier, dans la montagne

toute proche, tel l’aubier du cèdre du japon, des

graminées, le susuki, le kudzu, le chataîgner, le charme

houblon, etc.
Toutes en textures et en teintes naturelles, issues des

végétaux.

Créer un vêtement c’est créer son chez soi, sa protection

et son apparat en même temps.

Consciente de la dérive des productions humaines

actuelles, qui cherchant toujours à exploiter pour dégager

un profit à court terme, ne parviennent pas à trouver un

équilibre écologique, Aïdée Bernard nous invite à

reconsidérer notre rapport à la Nature à travers des

vêtements de fibres de plantes, digne d’une déesse du

papier !

Et si nous revêtions la puissance d’un vêtement de

Nature ? Et si nous reprenions conscience que nous

sommes une part de cette nature et qu’abîmer notre

monde c’est aussi nous abîmer ?

Ainsi est ma prière, pour que de l’anthropocentrisme actuel

puisse naître les mondes de demain, où chaque être

végétal, animal ou même minéral puisse coexister.

Pourra t-on voir la puissance d’une telle prière ?
 

 

 

Nue je suis née

Sandrine-Malika Charlemagne

Pour avoir chanté seins nus

A sa fenêtre

Elle se fera conspuer

Vouer aux gémonies

 

Pour avoir chanté la liberté

Je fais comme je veux

Quand je veux

Si je veux

 

Sous le soleil

Sur les vagues

Sur le sable chaud

Electrisée par les embruns

Entre les bottes de foin

Ou de paille

Au creux des dunes

A m’en brûler la peau

De désir

A en crier dans la cabine du train

De nuit, Vienne-Oslo

 

Et l’on dira d’elle

Pauvre déséquilibrée

Elle va trop loin

Quelle indécence

 

Mais dans ses yeux à elle

Persiste l’incandescence

 

Je vous salue

Les pince-fesses

Trous béants de la pensée

Où ne perce de lumière

Que la noirceur de vos tabous

Qui êtes-vous

Pour lancer vos anathèmes ?

Je me fous de vos interdits

 

Nue je suis née

Nue je partirai

Nue je vous enlace

Je vous embrasse

Et baise vos mains

Nue comme le ver de la pomme

 

Si vous cherchez à m’emprisonner

Au nom de ce dieu tout puissant

Je vous rappelle le jour de ma naissance

Le jour de notre naissance

A nous toutes femmes de toutes les civilisations

La nudité est un pur joyau

Plus pur que l’air vicié

De vos prisons

Plus pur que vos paroles

D’où rien de sacré ne jaillit

En vérité

 

Notre nudité

A la grâce de Dieu

Est un diadème

Une toile sublime

Où il fait bon voyager

Où l’imagination

N’a de cesse de battre

Tel un cœur affolé

Où chacun y puise

Le repos dont il a besoin

 

Notre nudité

Notre voile d’éternité

 

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Paroles de Fontaine Paroles de JCG

1 Septembre 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #JCG, #cahiers de l'égaré, #philosophie, #poésie, #théâtre, #voyages, #écriture, #pour toujours

marché de la poésie à Lille

marché de la poésie à Lille

au 1° marché de la poésie à Lille, Le Gymnase, 7 Place Sébastopol, Lille, organisé par le Centre Littéraire Escales des Lettres, ce week-end 9 et 10 décembre
et à la Maison de la Poésie des Hauts-de-France, 37 Rue François Galvaire, 62660 Beuvry, ce dimanche 10 décembre
les poèmes de Jean-Loup Fontaine (1947-1993),
Tome 1 et Tome 2, poèmes posthumes, 30 ans après
édités par Les Cahiers de l'Égaré
l'épitaphière Marie-Pierre Fontaine
2 manifestations consacrées à l'oeuvre poétique de Jean-Loup Fontaine à Loos en Gohelle et à Ronchin dans le Nord / les deux tomes des Poèmes de Jean-Loup Fontaine édités par Les Cahiers de l'Égaré
2 manifestations consacrées à l'oeuvre poétique de Jean-Loup Fontaine à Loos en Gohelle et à Ronchin dans le Nord / les deux tomes des Poèmes de Jean-Loup Fontaine édités par Les Cahiers de l'Égaré
2 manifestations consacrées à l'oeuvre poétique de Jean-Loup Fontaine à Loos en Gohelle et à Ronchin dans le Nord / les deux tomes des Poèmes de Jean-Loup Fontaine édités par Les Cahiers de l'Égaré
2 manifestations consacrées à l'oeuvre poétique de Jean-Loup Fontaine à Loos en Gohelle et à Ronchin dans le Nord / les deux tomes des Poèmes de Jean-Loup Fontaine édités par Les Cahiers de l'Égaré

2 manifestations consacrées à l'oeuvre poétique de Jean-Loup Fontaine à Loos en Gohelle et à Ronchin dans le Nord / les deux tomes des Poèmes de Jean-Loup Fontaine édités par Les Cahiers de l'Égaré

B

Bonjour à tous, famille et amis,

Après la donation des recueils de Jean Loup Fontaine au Service Patrimoine de Lille, voici le mois des hommages à l'ensemble de son oeuvre, trente ans après sa disparition. 

Vous êtes très cordialement invités à ces trois manifestations:

- mardi 5 septembre à 18H à la Maison du Grand Cerf de Ronchin (rue Vincent Auriol) : Vernissage de l'exposition de manuscrits, poèmes et photos retraçant son oeuvre, gratuit du 5 au 18 septembre.

- vendredi 15 septembre à 18H à la Médiathèque de Loos-en-Gohelle (Jardin Public, allée de la Fosse 15 - près de la Mairie) : Lecture musicale "Paroles de Fontaine" et exposition de photos de la ville en résonance avec ses textes, gratuit jusqu'au 30 septembre. Prévenez de votre venue au 03 21 43 23 51 (pour l'organisation)

- vendredi 29 septembre à 19H à l'Auditorium de Ronchin (3 bis rue Lavoisier - près de la Mairie) : Lecture musicale "Paroles de Fontaine",  spectacle gratuit à réserver au 03 20 16 60 35 ou sur la plateforme ronchinfacile.ville-ronchin.fr

 

"Paroles de Fontaine" est une lecture musicale spécialement créée cette année par le comédien Hervé Leroy et la flûtiste Christine Kokelaere (que certains ont vus lors de l'avant-première le 10 juin à Lille). Ils étaient tous deux des amis de Jean Loup, et de grands complices en poésie; ils ont créé avec lui toutes les lectures qu'il a organisées dans les années 90, et ensuite à chaque hommage qui lui était rendu. Cette année, la voix puissante d'Hervé réussit à nous faire voyager à travers toute l'oeuvre de Jean Loup, publiée et inédite, mettant magnifiquement en valeur la force et la délicatesse des mots que la flûte éclaire, prolonge, allège... C'est une heure de pur bonheur et de découverte de toutes les facettes de sa poésie...

Pour prolonger cette petite heure qui passe trop vite, quelques recueils non encore épuisés seront à disposition, et bien sûr, la réédition complète de ses recueils publiés. N'hésitez pas à me contacter pour tout renseignement.

J'espère que nous serons très nombreux à partager ces moments uniques... A bientôt!

Marie-Pierre Fontaine

 

annonce de la lecture musicale du 29 septembre à Ronchin

annonce de la lecture musicale du 29 septembre à Ronchin

Paroles de Fontaine Paroles de JCG
Paroles de Fontaine Paroles de JCG
Paroles de Fontaine Paroles de JCG
Paroles de Fontaine Paroles de JCG

JEAN-CLAUDE GROSSE

Et quoi l'éternité ?

 

Une traversée dans l'œuvre de

JCG - Vita Nova

 

Choix de textes : Dominique LARDENOIS

Interprétation : Katia PONOMAREVA et

Dominique LARDENOIS

Salle PÉTRARQUE, Maison des COMONI,

Le REVEST-les-EAUX

Vendredi 29 Septembre 2023

19h30 (Entrée libre)

 

Jean-Claude Grosse, le Festival de théâtre du Revest, la Maison des Comoni, tiennent une place essentielle dans mon parcours théâtral.

Après la publication en 2021 de « Et ton livre d'éternité ? », j'ai proposé à Jean-Claude de puiser dans lensemble de ses œuvres (theâtre, poésie, essais, critiques dramatiques et littéraires, prises de position ...) pour une lecture publique à réaliser à la Maison des Comoni.

Son acceptation est une marque de confiance et je l'en remercie vivement. D'autant qu'il ne souhaite pas intervenir dans mes choix.

Comme il s'intéresse à tout, se passionne pour tout et que sa pensée est toujours en mouvement, la tâche était ardue mais exaltante.

Nous avons donc eu à cœur de faire entendre toutes les facettes de la pensée et des écritures de Jean-Claude Grosse.

Je tiens enfin à remercier la municipalité du Revest les-Eaux, partenaire de cette soirée.

Bienvenue à toutes et tous.

Dominique Lardenois

Une soirée présentée par Les Cahiers de l'Égaré, Les

4 Saisons du Revest et d'ailleurs, La Municipalité du Revest-les Eaux

En partenariat et avec le soutien de TPM et du Pôle

presque tous les livres de JCG + Vita Nova
presque tous les livres de JCG + Vita Nova
presque tous les livres de JCG + Vita Nova
presque tous les livres de JCG + Vita Nova
presque tous les livres de JCG + Vita Nova
presque tous les livres de JCG + Vita Nova
presque tous les livres de JCG + Vita Nova
presque tous les livres de JCG + Vita Nova
presque tous les livres de JCG + Vita Nova
presque tous les livres de JCG + Vita Nova
presque tous les livres de JCG + Vita Nova
presque tous les livres de JCG + Vita Nova

presque tous les livres de JCG + Vita Nova

JEAN-CLAUDE GROSSE

1983-2023 : 40 ans d'activités artistiques au

Revest-les-Eaux

1988-2023: 35 ans d'activité éditoriale

 

Bibliographie :

aux Cahiers de l'Égaré

La Lutte des places - Théâtre - (1997)

La Vie en jeu - Théâtre - (1997)

La parole éprouvée - Poèmes - (2000)

Le corps qui parle (Trois femmes) - (2001)

Pour une école du gai savoir - Essais - (2004)

Le fils du Baïkal (avec Daria Kosacheva) - (2010)

Les Enfants du Baïkal - (2010)

L'ile aux mouettes - Oeuvre ouverte - (2012)

L'Éternité d'une seconde Bleu Giotto - (2014)

Là où ça prend fin - (2014)

Histoire de places - Théâtre - (2016)

Et ton livre d'éternité ? - (2022)

Textes écrits sous le nom de É Say Salé

Moi, Avide 1er, l'Élu suivi de EAT (manger, pisser, écrire au temps des queues de cerises 2016)

Vols de voix Farce pestilentielle à l'occasion de la présidentielle (2017)

Aux éditions Les Promeneurs Solitaires :

Journal d'un Égaré - (2018)

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Le cerf-volant de l'égaré N°1

21 Juin 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #album, #cahiers de l'égaré, #poésie, #théâtre, #écriture, #pour toujours, #le cerf-volant de l'égaré

 

Le cerf-volant de l'égaré

magazine littéraire et artistique,

numérique et gratuit,

paraissant aléatoirement

sur le blog des Cahiers de l'Égaré

Envoyé par mail ou par la newsletter du blog

bandeau en cours de création / cerfs-volants par chez nous / au japon, ce sont les koï nobori, à forme de carpes

bandeau en cours de création / cerfs-volants par chez nous / au japon, ce sont les koï nobori, à forme de carpes

1983-2023 : 40 ans d'activités artistiques au Revest

1988-2023 : 35 ans d'activité éditoriale

il est temps de regarder devant

le 29 septembre 2023, à 19 H 30

salle Pétrarque, Maison des Comoni, Le Revest 

une traversée dans l'oeuvre de JCG-Vita Nova

par Dominique Lardenois, Katia Ponomareva

durée 1 H

suivie d'une vente de livres et d'un buffet de l'amitié 

en partenariat avec la mairie du Revest, le Pôle et TPM

à la Maison des Comoni, le 9 avril 2022 / le 29 septembre 2023 à 19 H 30, balade-ballade dans l'oeuvre de JCG à la Maison des Comoni

à la Maison des Comoni, le 9 avril 2022 / le 29 septembre 2023 à 19 H 30, balade-ballade dans l'oeuvre de JCG à la Maison des Comoni

21 juin 2023
1° jour de l'été
fête des mots de poètes
parution du N° 1 
Le cerf-volant de l'égaré
magazine numérique gratuit, paraissant aléatoirement sur le blog des Cahiers de l'Égaré, envoyé par mail ou par la newsletter du blog
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Ce N° 1 est consacré au premier des 4 poètes d'altitude que Les 4 Saisons du Revest ont fait monter sur une scène de théâtre, Odysseus Elytis. 
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Ce fut la création, les 7-8-9 novembre 1985 à Châteauvallon de Marie des Brumes (Maria Nefelli) suivie d'une reprise de 2 représentations au Théâtre Apollinaire à La Seyne-sur-Mer.
 
Création confiée au Théâtre à Suivre, mise en scène de Gil Royer (décédé) avec Odile Brisset (Marie des Brumes), Laurent Ternois (Le Partenaire), musiciens Georges Petit (compositeur, saxo et autres instruments sarcastiques), Sylvie Moquet (viole de gambe), toile de fond : Michel Bories, lumières Yvan Mathis (140 effets lumineux).
 
Ce fut la rencontre littéraire consacrée à Odysseus Elytis, du 7 décembre 1985 dans le cadre des Rencontres littéraires de Toulon, contributions publiées dans Aporie N°5, 10 mars 1986
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Odysseux Elytis

Odysseux Elytis

"Dehors a pris ma forme quelque part, au milieu d'une mer dont l'élan lumineux soudain s'installe entre le muret blanchi de chaux d'une église et une jeune fille pieds-nus dont le vent soulève la jupe, un instant de grâce que je m'efforce de capturer en tramant à son intention, une embuscade de mots grecs."
 
Odysseus Elytis, Avant tout, page 41, Les Cahiers de l'Égaré, décembre 1988, épuisé
 
Odysseus Elytis dont la poésie reste étrangère aux modes et aux masses: jaillissante à la source grecque, parole rituelle, ouverte au sacré, entière dans l'innocence et le mystère de son origine. Élevée et limpide, à la dimension proverbiale en son pays même, seule, et en cela, solidaire
 
(encadré de 2° de couverture d'Avant tout)
 
La syntaxe inattendue et équivoque à laquelle recourt Elytis, la construction et la coupe de ses vers, ses analogies étonnantes, font toute la complexité, la richesse et l’ouverture de sa poésie. Lesquelles sont au service de la révélation, derrière le monde visible, d’un autre monde et d’une autre réalité accessibles non par l’esprit mais par le pouvoir quasi-divinatoire du poème. Dont la finalité ultime est, selon Elytis, d’atteindre « une transparence qui permet de voir en même temps à travers la matière et à travers l’âme » (Autobiographie en langue parlée).
 
"J'ai habité un pays, surgissant de l'autre le vrai, tout comme le rêve surgit des événements de ma vie ... Mais il embaumait tant que j'ai pris peur. Alors, je me suis mis, petit à petit, à broder des mots comme des pierres précieuses, pour couvrir le pays que j'aimais..." Odysseus Elytis
 
Je pense qu'il y a plein d'affinités entre le cheminement du poète Odysseus Elytis, né en 1911 et celui du métaphysicien de la phusis, Marcel Conche, né en 1922, membre de l'académie d'Athènes et dont le texte Devenir Grec est un des plus importants. JCG
sentier de l'été 2006 lecture d'odysseus elytis depuis la mer cela se passa au domaine du Rayol / photos Jean Belvisi / je n'ai pas retrouvé la photo de la lecture depuis la mer, vers le public sur la plage de galets
sentier de l'été 2006 lecture d'odysseus elytis depuis la mer cela se passa au domaine du Rayol / photos Jean Belvisi / je n'ai pas retrouvé la photo de la lecture depuis la mer, vers le public sur la plage de galets
sentier de l'été 2006 lecture d'odysseus elytis depuis la mer cela se passa au domaine du Rayol / photos Jean Belvisi / je n'ai pas retrouvé la photo de la lecture depuis la mer, vers le public sur la plage de galets
sentier de l'été 2006 lecture d'odysseus elytis depuis la mer cela se passa au domaine du Rayol / photos Jean Belvisi / je n'ai pas retrouvé la photo de la lecture depuis la mer, vers le public sur la plage de galets

sentier de l'été 2006 lecture d'odysseus elytis depuis la mer cela se passa au domaine du Rayol / photos Jean Belvisi / je n'ai pas retrouvé la photo de la lecture depuis la mer, vers le public sur la plage de galets

Μικρή Πράσινη Θάλασσα


Μικρή πράσινη θάλασσα δεκατριῶ χρονῶ
Πού θά 'θελα νά σέ υἱοθετήσω
Νά σέ στείλω σχολεῖο στήν Ἰωνία
Νά μάθεις μανταρίνι καί ἄψινθο

Μικρή πράσινη θάλασσα δεκατριῶ χρονῶ
Στό πυργάκι τοῦ φάρου τό καταμεσήμερο
Νά γυρίσεις τόν ἥλιο καί ν' ἀκούσεις
Πῶς ἡ μοίρα ξεγίνεται καί πῶς
Ἀπό λόφο σέ λόφο συνεννοοῦνται

 Ἀκόμα οἱ μακρινοί μας συγγενεῖς
Πού κρατοῦν τόν ἀέρα σάν ἀγάλματα
Μικρή πράσινη θάλασσα δεκατριῶ χρονῶ
Μέ τόν ἄσπρο γιακά καί τήν κορδέλα
Νά μπεῖς ἀπ' τό παράθυρο στή Σμύρνη

Νά μοῦ ἀντιγράψεις τίς ἀντιφεγγιές στήν ὀροφή
Ἀπό τά Κυριελέησον καί τά Δόξα Σοι
Καί μέ λίγο Βοριά λίγο Λεβάντε
Κύμα το κύμα νά γυρίσεις πίσω
Μικρή πράσινη θάλασσα δεκατριῶ χρονῶ

Γιά νά σέ κοιμηθῶ παράνομα
Καί νά βρίσκω βαθιά στήν ἀγκαλιά σου
Κομμάτια πέτρες τά λόγια τῶν Θεῶν
Κομμάτια πέτρες τ' ἀποσπάσματα τοῦ Ἡράκλειτου4.

(Το Φωτόδεντρο και η Δέκατη Τέταρτη Ομορφιά, Ίκαρος, 1971)

Οδυσσέας Ελύτης (1911-1996)

 

Petite mer verte 
Joli brin de mer si verte à treize ans
Je voudrais de toi faire mon enfant
T’envoyer à l’école en Ionie
Approfondir absinthe et mandarine
Joli brin de mer si verte à treize ans
À la tourelle du phare à midi tapant
Tu ferais tourner le soleil en sorte d’entendre
Comment le destin s’agence et comment
Savent encor l’art d’entre eux se comprendre
De crête en crête nos lointains parents
Qui telles des statues résistent au vent
Joli brin de mer si verte à treize ans
Avec ton col blanc et tes longs rubans
Tu rentrerais par la fenêtre à Smyrne
Me calquer au plafond ce qui l’enlumine
Reflets de Glorias Kyrie Matines
Puis un peu la Bise un peu le Levant
Vague à vague retournant au loin
Joli brin de mer si verte à treize ans
Nous irions dormir hors la loi tous deux
Pour que je découvre au fond de ton sein
Éclats de granite les propos des Dieux
Éclats de granit les fragments d’Héraclite

Odysseus Elytis
L’arbre lucide et la quatorzième beauté
traduction Xavier Bordes et Robert Longueville,
Poésie-Gallimard
 
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Petite mer verte de treize ans

Toi que je voudrais adopter

Pour t'envoyer à l'école en Ionie

Apprendre la mandarine et l'absinthe

Petite mer verte de treize ans

Dans la tourelle du phare en plein midi

Pour tourner le soleil et entendre

Que le destin peut se défaire et que

De colline en colline encore

Nos parents lointains se parlent

Qui retiennent le vent telles des statues

Petite mer verte de treize ans

Avec ton col blanc ton ruban

Pour que tu entres par la fenêtre dans Smyrne

Et recopies pour moi les reflets au plafond

Du Kyrie du Gloria et puis

Vent du nord et vent d'est aidant

De vague en vague reviennes

Petite mer verte de treize ans

Pour te mener dormir en douce

Et trouver au profond de tes bras

Pierres en morceaux les paroles des dieux

Pierres en morceaux les fragments d'Héraclite.

traduction Michel Volkovitch

kakémono d'Aïdée Bernard
kakémono d'Aïdée Bernard

kakémono d'Aïdée Bernard

à Odysseus Elytis et Xavier Bordes

pour Marie des Brumes et pour Avant Tout

–3–

Quand je la vis

le boléro blanc laissait apparaître

un peu de son ventre plat bronzé

avec un nombril de cliché

Un étonnement me vint comme éveil de printemps

Par l’échancrure du corsage

je vis le début de sa poitrine

lourde déjà de désirs d’enfants

Ma main à s’y poser

tremblerait d’une tendre maladresse

Au-dessous des seins commence

le cruel espace à caresses

lieu de vacuité et de plénitude

d’angoisse et d’ivresse

de refuge et d’expansion

où errer sans fin ni repos

jusqu’à l’oasis fertile accrochée à hauteur des cuisses

construites solides pour l’accueil des gros chagrins

Cheveux de paille longs frisés

Un mouvement de tête pour dégager les yeux

bleus pâles distillant des voluptés d’écumes

Quelquefois des lunettes

sans doute un peu de myopie pour approches de surface

Lèvres rondes qui se gonflent comme mappemonde

lorsqu’y passe une langue gourmande

Les dents blanches d’une pure carnassière

Des mains de cerfs-volants

pour jeux d’altitude sans prises

Des poses musicales

comme si immobile elle dansait

Sait-elle déjà

que la pensée est un chant

la vie un sentiment

On a envie de la parcourir

Mais vive elle s’esquive

Algue elle est

très aquatile pour des plaisirs d’effleurements

Quand elle rit

ses rires en mal d’envol

sont lourds de l’ambiguïté insondable

qui s’installe en elle les jours d’érotique tristesse

Des confidences enfouies

viennent s’enrouer dans sa gorge

Elle saura me les confier

lorsqu’insaisissable elle viendra à moi

certains soirs

Elle va et vient

ne coupe aucune fleur du monde

les chante toutes

j’aime qu’elle dédie leur parfum à qui l’émeut

elle se prend de grandes claques en rit et remet ça

C’est une fille odeur à respirer instant à danser

chambre d’échos pour désirs inouïs

une fille pour aujourd’hui

où tout nous fait souffrir et rien mourir

Quand je l’ai vue pour la première fois

une dépression m’a envahi

dont toute la Méditerranée a eu vents

Serai-je avec elle un ouvreur de voix

jusqu’à ce jour où l’amour se fera

(La parole éprouvée, JCG, Les Cahiers de l'Égaré, 2000, pages 28-29)

il y avait du Bobin dans l'atmosphère du côté du fort de la Repentance à Hyères, aux printemps-été 1988;

ce 24 juin 2023 c'est son anniversaire, 51 ans; c'est l'anniversaire aussi de 35 ans de complicité, d'accompagnement de son travail d'artiste du papier végétal ou des plantes au papier et à la camigraphie expressive

"Dehors a pris ma forme quelque part, au milieu d'une mer dont l'élan lumineux soudain s'installe entre le muret blanchi de chaux d'une église et une jeune fille pieds-nus dont le vent soulève la jupe, un instant de grâce que je m'efforce de capturer en tramant à son intention, une embuscade de mots grecs."

Le cerf-volant de l'égaré N°1
Le cerf-volant de l'égaré N°1
Le cerf-volant de l'égaré N°1
Le cerf-volant de l'égaré N°1
Le cerf-volant de l'égaré N°1
Le cerf-volant de l'égaré N°1

"Dehors a pris ma forme quelque part, au milieu d'une mer dont l'élan lumineux soudain s'installe entre le muret blanchi de chaux d'une église et une jeune fille pieds-nus dont le vent soulève la jupe, un instant de grâce que je m'efforce de capturer en tramant à son intention, une embuscade de mots grecs."

4 poèmes parus dans Donjon Soleil
4 poèmes parus dans Donjon Soleil
4 poèmes parus dans Donjon Soleil
4 poèmes parus dans Donjon Soleil
4 poèmes parus dans Donjon Soleil
4 poèmes parus dans Donjon Soleil

4 poèmes parus dans Donjon Soleil

un collage d'Elytis dans son Sappho

un collage d'Elytis dans son Sappho

ELYTIS LE  « SOLEICULTEUR »

 

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Elytis est un poète global et c’est pour moi façon de dire que sa poésie contient le Tout. Il part de la terre grecque et de la mer grecque, qui est mer ouverte, notre mer, de la langue grecque en ses deux versants, le scolastique et le démotique, et entre ces deux pôles toutes les variations possibles et toutes les inventions surgissantes. Au-delà de ce premier espace où son poème s’installe et auquel il s’agrippe de toute sa violente vie, d’autres espaces s’ouvrent à la parole elytéenne qui est une parole-monde et cela non parce qu’Elytis amasse de l’extériorité, annexe les étrangetés inévitables à qui se quitte et s’en va loin de lui-même, non plus parce qu’il veut ajouter d’autres domaines à son domaine propre (comme le firent les poètes « cosmopolites » et comme à un niveau plus significatif le firent à leur tour le poète américain Ezra Pound ou, comme Elytis lauréat lui aussi du Prix Nobel, le poète russe Joseph Brodsky), mais parce que le domaine d'Elytis, c’est la Grèce, mère de toute intelligence, de toute sensibilité et de tout art et, en outre, parce que le monde entier – terre, ciel et cosmos – vient se prendre à la mesure immense de la Grèce, démesurée mesure. Sans aucun nationalisme étriqué, le poète grec respire naturellement l’air de sa patrie comme étant l’air de tous et de chacun. Et s'ouvre à lui l'ensemble des espaces, parce qu’il est Grec justement et que c’est son pays qui a donné naissance à la pensée philosophique et à la plus haute poésie épique et lyrique, en sachant accueillir en leur temps tous les dons qui lui furent proposés par l’Orient ancien, pour être repensés à leur tour, dons qui, ainsi renouvelés et revivifiés, seront offerts par l’Hellade à l’univers. Elytis, en fixant les racines premières de sa poésie, et de la pensée l’accompagnant, dans le sol grec, a le sentiment, étant à la source, d’être rivière et fleuve et mer partout, pour tous, – cela dans l’honneur d’exister et dans la gloire simple de dire : en somme d’exister pour dire. De dire en grec justement, la langue-mère, langue de toute mémoire. Eluard qu’Elytis a rencontré quand il a été brièvement surréaliste, Eluard qu’il aima d’ailleurs parce qu’il n’était pas entièrement surréaliste – mais contrôlé, conscient, maîtrisé – disait en 1946, à la suite de son seul voyage en terre hellénique : « J’ai trouvé en Grèce une mémoire qui va toujours de l’avant. » Elytis actualise cette mémoire, voire l’éternise quand, de son côté, il écrit : « Les îles de l’Égée flottent sur les mers du monde entier. » Il le fait activement, dressant une basilique de métaphores dans son œuvre. Toutefois, et moins métaphoriquement, le poète dit aussi dans son grand poème symphonique Axion esti :

Grecque me fut donnée ma langue ;

Grecque mon humble maison sur les sables d’Homère,

Unique souci ma langue sur les sables d’Homère

Unique souci ma langue, parmi les toutes premières louanges !

Unique souci ma langue parmi les premières paroles de l’Hymne !

 

Je me suis arrêté, indiquant l’échelonnement des limites de cette œuvre, chercheuse d’illimité, à ses frontières cosmiques. Mais c’est beaucoup plus loin qu’il faut aller car, avec ce grand poète qui est comme un puissant arbre de mots, feuillu d’images, de réalités, d’idées, de sentiments, de symboles, de mythes, et capable d’étendre sa prise de parole sur toutes les horizontalités du verbe et sur toutes les verticalités de la vie, de la vue et de la vision, c’est l’ontologie qui constitue le lieu sans lieu de la création. Son temps n’a pas le temps : il est temps retrouvé au sens où Rimbaud, qu’il admirait de toute sa force complice, s’écriait : « Elle est retrouvée. / Quoi ? L’Éternité. » La suite, d’ailleurs, pourrait être cosignée par Elytis : « C’est la mer mêlée / Au soleil. »

La mer, le soleil … Comme le poète français, le poète grec est un « fils du soleil » et, pareil à son astre propre, il est magnifiquement un « soléiculteur », l’accompagnateur du soleil (disons mieux : son compagnon), traversant tous les niveaux de l’Être, qui sont autant d’antinomies opposables par définition mais convergentes par leur infinition, niveaux dont se détachent particulièrement la lumière, la transparence, la pureté, la nuit. Et s’il est vrai que dans son itinéraire Elytis a été provisoirement fasciné par le surréalisme, c’est peut-être, et seulement, à la manière de cette rhétorique profonde et point seulement verbale dont Gérard de Nerval, à qui il lui arrive de me faire penser, évoque ce qu’il appelle, parlant de son travail, son surnaturalisme, autrement dit l’accomplissement de la nature à travers et au-delà de tout ce qu’elle rassemble en elle d’objets pour les projeter, ces objets, dans une réalisation spirituelle qui rend soudain cette nature plus grande, plus invraisemblable, plus mythique, plus mystique et finalement vraie.

On se souvient qu’au dire d’Aristote dans sa Poétique, « Bien user de la métaphore, c’est voir le semblable », le philosophe voulant signifier par là que le langage, pour médiateur qu’il soit, possède en poésie et par l’acte de celle-ci une capacité de formulation (d’atteinte au centre) immédiate et que la métaphore apporte la visibilité (la vision) originelle, abolissant l’image pour refléter l’être. Ce qu’exprime Elytis lui-même dans un propos qu’il tint à l’un de ses traducteurs français (Xavier Bordes) : « Le vrai mystère, lui dit-il, est celui qui continue à être mystère même dans la lumière la plus absolue. On constate que l’apparition merveilleuse persiste et qu’elle devient plus lumineuse et plus diaphane. On peut, alors, être sûr qu’on a devant soi le surnaturel qui se présente simultanément sous les espèces du naturel. C’est là un secret et une clé pour la compréhension de mes propres poèmes. » De plus, comme Mallarmé, Elytis a la tentation de « céder l’initiative aux mots » : « L’écriture est une expérience, dit-il, et souvent la langue elle-même me conduit à formuler des choses auxquelles je n’aurais pas pensé autrement. » Les antinomies, je l’ai dit, finissent par disparaître dans la formulation poétique qui les annule pour fonder l’espace de sa propre liberté, qui est celui où seulement elle souhaite respirer, car, pour le poète grec, comme pour tous les vrais poètes, poésie égale liberté : « liberté libre », dit Rimbaud, – liberté individuelle, personnelle autant que politique. Parlant de cette refondation des choses par la complémentarité et l’unité que leur procure la plénitude du poème, Elytis ajoute, poussant la chose à l’extrême : « Il n’y a aucun rapport entre le soleil et la clarté, entre la mer et la barque, entre la mort et le néant, entre l’univers et l’infini, en d’autres mots : entre la nature et le culte de la nature, entre des prises de position révolutionnaires et la révolution elle-même. Avec des filets, on attrape l’oiseau, pas son chant. »

Le soleil, un dieu, est l’un des dieux de l’Olympe, de l’Olympe dont Elytis adopte toute la divine tribu, ce qui ne l’empêche pas de conserver à sa droite et à portée de main en quelque sorte l’archange de l’Orthodoxie, celui chrétien et byzantin qui fait partie également de sa nostalgie, comme en font partie la Vierge Marie, l’un des avatars de Maria Nefeli, ou le Christ, ou le Jean – « surréaliste », affirme-t-il – de l’Apocalypse, texte majeur. Entre le soleil et l’archange, tout l’arc des possibles, je l'ai dit, tout le créé, tout l’inventé, irruption de l’imaginaire de Nature et de l’imaginaire de Parole : le monde infime, le monde immense, en opposition l’un à l’autre, mais aussi en complétude et plénitude. Le leitmotiv de « La Genèse » dans Axion esti, celui sur quoi s’achève chacun des hymnes, est « Lui / le monde infime, immense ! » Voici les derniers mots du dernier hymne, dans la belle traduction française de Réa Karavas :

 

Le soleil a pris forme L’archange à ma droite depuis toujours

 

Lui moi, donc

et le monde infime

immense !

 

Infime, immense, l’un dans l’autre : vision parménidienne, vision héraclitéenne, vision pascalienne, vision einsteinienne. L’infiniment petit et l’infiniment grand au miroir l’un de l’autre. L’homme est microcosme ; l’univers, macrocosme. Toutes les théories philosophiques, tous les systèmes, toutes les idées, fussent-elles les plus abstraites, traversent la tête et le cœur d’Elytis et, à cette traversée, deviennent lyres, deviennent harpes. Le poète s’adresse à la poésie, à « l’immuable / illumination » :

 

Tu es partout Tu partages

Avec nous les harpes ténébreuses

Immatérielle enveloppe

 

Et parce que tout et le contraire de tout convergent et se dissipent en fumées et en souffles, la fumée, chez Elytis, a une densité métaphysique. « Des souffles […] viennent à moi très souvent et me ressuscitent », écrit-il dans un merveilleux petit essai, Voie privée, que j’aurais voulu citer en entier. « Quelque part dans l’espace, poursuit-il, où continuent de s’écouler les choses vues, il se pourrait que se lèvent de petits vents qui vont à l’encontre du courant ou qui sont, simplement, plus forts, telles les rafales, et qui nous restituent de semblables instants d’extrême humilité et de beauté, comme devaient être les règles de notre vie. Où l’artiste aussi puisse avoir sa place, sans se sentir opprimé. Frapper les touches de son instrument et produire une euphonie ; c’est-à-dire sa justice à lui. » Et quelques lignes plus loin : « […] Une immortalité à travers la mort. Alors, si la qualité atteint le même sommet, les distances s’abolissent. Entre Ronsard et Fra Angelico et entre Mallarmé et Juan Gris n’intervient que le signal du chef de gare de notre sensibilité. » Je conclurai cette première approche en rappelant le finale de ce texte éclairant où l’on verra, une fois de plus, se manifester l’étonnant œcuménisme poétique de cet aède dont la seule religion est le vivre, le seul credo « le mensonge si véridique qu’il brûle encore [ses] lèvres », la seule morale « prendre une position correcte, ne fût-ce que devant une fleur, pour que le destin d’un homme soit différent », et de qui la mer est « comme une deuxième terre qu’il faut cultiver » ou « comme un jardin qui nous accompagne partout. » Pour qui enfin « la poésie commence là où la mort n’a pas le dernier mot. »

Le dernier mot, c’est lui, Odysseus Elytis qui l’aura, et je le lui laisse volontiers, – avec bonheur :

« Ô béni soit mon ange gardien, celui qui est descendu de quelque iconostase, à la fois divinité du vent, Eros et Gorgone – on dirait que j’en avais fait spécialement la commande avant que de naître. Avec sa bénédiction, j’oscille plus aisément au gré de mes propres tourmentes, et j’avance dans les régions dangereuses, parmi les écueils et les eaux profondes, minuit passé, les deux signaux lumineux allumés, en avant toute. »

Un ultime mot pourtant, que je me permets d’ajouter : deux signaux allumés, et de la lumière pour tout le temps qui reste.

*

* *

 

Je voudrais en seconde partie de cette évocation rappeler, fût-ce brièvement, l'état de la notoriété d'Elytis dans le monde arabe d'abord, ensuite en France. Pour ce qui est du monde arabe, il ne semble pas que le grand poète grec ait eu droit à des traductions autres que partielles, comme ce fut d'ailleurs le cas pour Séféris. L'un et l'autre sont connus bien évidemment des poètes, notamment au Liban où, en raison de la prédominance du français en qualité de langue de culture, ils peuvent être accessibles soit directement en français pour les amateurs francophones soit à partir de leur traduction en arabe à partir du français (ou même de l'anglais) pour les arabophones. Les Arabes en général, les Libanais en particulier, sont des lecteurs de poésie et c'est au Liban que, depuis une soixantaine d'années, le grand mouvement de renaissance et de renouvellement de la poésie arabe – l'une des plus anciennes du monde – a vu le jour avec de grands noms tels celui d'Adonis pour la langue arabe ou celui de Georges Schehadé pour la francophonie. Georges Schehadé, aujourd'hui disparu, avait quelques vingt-cinq ans de plus que moi : il n'empêche que dans ma jeunesse nous étions inséparables et liés aux poètes de bien des pays du monde : Schehadé était aimé et admiré par Saint-John Perse qu'il aimait et admirait, par Supervielle, par Paul Eluard, par André Breton et par d'autres ; j'étais, quant à moi, lié à Pierre Jean Jouve, à Yves Bonnefoy, à André du Bouchet, à André Pierre de Mandiargues, à David Gascogne, etc. Adonis, pour en revenir à lui, était très proche de Yannis Ritsos, qu'il traduisit en arabe et qui le traduisit en grec. Ritsos était à l'époque, dans les années 60 à 70, beaucoup plus connu dans le monde arabe que Séféris ou Elytis à cause de ses engagements politiques, les pays arabes étant saisis alors d'un vif accès de fièvre politique à cause de l'impasse palestinienne, qui est aujourd'hui toujours en place, et des trois guerres israélo-arabes de 1956, 1963 et 1973, ainsi que de la révolution nationaliste nassérienne et, aussi, de la terrible guerre franco-algérienne qui fit un million de morts du côté des colonisés avant l'accession de l'Algérie à l'indépendance. Les opinions publiques des pays arabes se situaient généralement à gauche, la poésie y était nationaliste et, bien que hautement lyrique, elle était anti-américaine et chantait le chant des libérations, d'où l'impact de Ritsos qui poursuivait le même chemin conquérant. Séféris et Elytis, dans leurs œuvres majeures, étaient l'un et l'autre attachés à une idée plus intemporelle de la poésie et on ne sait à quelle jointure entre celle-ci et l'éternel : ils étaient l'un et l'autre, chacun à sa façon et selon son style, les témoins et les chantres d'une grécité qui puisait aux sources de l'idée pure et de la mer ulysséenne de toujours et, tels des aigles des mots, ils planaient dans le vent de l'Histoire mais comme au-dessus d'elle. Cela n'empêchait ni Georges Schehadé ni moi-même d'aller dîner quelquefois dans l'intimité chez le très chaleureux Séféris : il était alors ambassadeur de Grèce à Beyrouth. À Beyrouth qui comptait une importante communauté grecque constituée de deux sous-communautés, l'une très aristocratique installée au Liban depuis le XIXe siècle, l'autre plus mélangée et plus récente, arrivée au Liban venue d'Alexandrie (l'Alexandrie de Lawrence Durrell) et fuyant la montée du nassérisme.

Pour ce qui est de la rencontre entre Elytis et la France, il me semble qu'elle n'a pas dû poser de problèmes particuliers. Si, un seul problème, d'importance, je le dis une fois pour toutes pour n'avoir pas à y revenir : bien des traductions en français de ce poète, celles de Xavier Bordes et de son complice Robert Longueville notamment – lequel Xavier Bordes se présente comme le traducteur autorisé du grand poète grec – ne me paraissent pas satisfaisantes, qu'elles fussent prose mais surtout poésie. Le texte sort de cette épreuve exténué. Torturé, alambiqué, surchargé de métaphores inutilement précieuses, de formulations souvent amphigouriques, de mots recherchés qui excluent l'émotion de la version originelle et sa simplicité souveraine. Pourquoi ces déformations, ces mutilations, ces stupides dérives labyrinthiques ? Par un défaut souvent présent chez les transmetteurs et qui tient du péché originel de toute traduction point suffisamment exigeante : faire mieux que le texte d'origine. Le faire briller de feux supplémentaires qui sont feux inventés, feux supposés. Même de très grands traducteurs qui se trouvaient être aussi de très grands poètes ont cédé à cette faiblesse : Mallarmé, l'immense Mallarmé, traduisant Edgar Allan Poe, a, par excès d'admiration, tenté de faire mieux que son idole. Résultat inattendu : les amateurs américains d'Edgar Poe préfèrent, s'ils sont également francophones, le lire en version mallarméenne, ce que le poète d'Hérodiade et du Faune n'a jamais voulu. La traduction c'est quoi ? Comme me le dit une fois Adonis : « C'est cueillir la rose sans tuer son parfum ». Heureusement, il y a d'Elytis en français d'autres traductions que celles de Bordes et qui transplantent la rose sans la dénaturer, sachant en préserver le singulier, l'inégalable parfum. Je cite quelques-unes de ces traductions qui m'ont comblé, me donnant l'impression simultanée d'une vérité du texte et seconde et première : celles de François-Bernard Mâche, de Chantal et Jacques Bocquentin, de Béatrice Stelio-Connolly, de Jacques Phytilis, de Réa Karavas, de Malamati Soufarapis et de quelques autres. Aucun de ceux-là n'a osé reprendre à son compte l'étrange profession de foi de Xavier Bordes en tant que traducteur dans la conférence qu'il a faite à l'occasion de l'exposition consacrée à Odysseus Elytis au Centre Georges Pompidou à Paris en date du 14 décembre 1988 : « Est-ce à dire, s'interroge-t-il, que, par rapport à l'œuvre d'Elytis, dans une paranoïa aigüe, je me prends pour Baudelaire ? Ou que je veux m'approprier l'œuvre d'un autre ? » Et de s'écrier : « La réponse est évidemment : oui ! Oui ! Cent mille fois oui ! Tous les traducteurs qui se lancent dans la tache ingrate de traduire des poèmes se prennent pour le Baudelaire de l'auteur auquel ils se vouent [...] Aveu difficile à faire ! Celui d'une sorte d'osmose dépassant peut-être les bornes de ce qu'autorise la bienséance sociale. » Cet aveu est pénible parce que, prétentieusement, il veut justifier par la préhension amoureuse la dénaturation advenue d'un original saisissant. Arrêtons là cette affaire qui ressemble fort à une forme d'usurpation d'identité dont le résultat est la corruption de deux chefs-d'œuvre d'un grand poète, Axion Esti suivi de L'Arbre lucide et la quatorzième beauté. Suis-je trop sévère ? Oui, je le suis. Mais on ne l'est jamais assez quand il s'agit de la translation d'une langue à l'autre des merveilles de l'inspiration humaine. L'esprit, l'affectivité poétique ne sont faits que de nuances parfois difficilement captables parce que trop ténues, les textes étant pris et comme irisés dans des mots-prismes. Il faut, du moins en poésie, respecter l'arc-en-ciel. Il ne faut pas, comme c'est le cas avec Xavier Bordes, que Maria Nepheli, “Marie Nuage”, devienne “Marie des Brumes”, une fille du Nord, elle, l'héroïne d'une poésie que la lumière de Méditerranée baigne de toutes parts, même si c'est parfois lumière noire.

Autre question que je pose brièvement : quelle fut l'influence de la poésie française, celle de son temps notamment, sur Elytis ? Un texte en langue française de 1961, dû à la plume d'Elytis lui-même, nous renseigne à ce sujet. Il a paru dans “Le Mercure de France” dès 1962 et a été repris ensuite par le poète dans Anichta Kartia(“Pages volantes”) en 1974. Son titre : “Pierre Reverdy entre la Grèce et Solesmes”. Il y est dit admirablement : « […] Nous avons accoutumé de penser que le vent est en faute, qui de son souffle a défloré les jardins printaniers, en oubliant purement et simplement que la puissance mise en jeu pour parfaire une rose dépasse de beaucoup la vigueur du vent le plus déchaîné. »

On le voit : Elytis connaissait parfaitement la langue française et c'est à Paris qu'il choisit naturellement d'effectuer ses deux plus longs séjours à l'étranger, chacun de plusieurs années, l'un entre 1948 et 1951, l'autre, plus court, de 1969 à 1971. Or ce n'est pas la poésie seulement qu'il quête à Paris, une poésie qui fut en toutes ces années-là à son zénith, c'est aussi la peinture, puisqu'il est aussi critique d'art et qu'à Paris il est piloté par son merveilleux compatriote Tériade, éditeur d'art et pratiquant de poésie. Aussi bien, s'il cherche à rencontrer Jules Supervielle, André Breton, Paul Éluard, René Char, Pierre Jean Jouve et Pierre Reverdy, il va également vers Picasso, vers Picabia, vers tous les cubistes qu'il admire et dont il place très haut la théorie et la pratique picturales. Cela ne l'empêche pas d'aimer aussi profondément Ungaretti qui pourtant ne le détourne pas du culte absolu qu'il voue – bien au-delà du surréalisme qui l'a occupé quelque temps – à Mallarmé, à Rimbaud, à Lautréamont, au détriment de Baudelaire qui ne semble pas faire partie de sa famille. Reste que, parmi ses contemporains, c'est Reverdy qui est son voisin de cœur et, d'une certaine façon, celui qui à ses yeux porte le mieux les mots de l'avenir : présent dans le présent, futur dans le futur. Il le dit clairement dans cette remarquable étude sur l'auteur de Gant de crin, que j'ai déjà évoquée : « Pierre Reverdy, – écrit-il – le seul poète contemporain qui parle exclusivement à partir du présent. » Il ajoute, et ces derniers mots s'ils s'appliquent à Reverdy me semblent pouvoir s'appliquer à Elytis lui-même : « L'important est qu'il ait assumé, les dents obstinément serrées, le fardeau d'une vie exemplaire, et qu'il ait envers et contre tout sauvé la minuscule parcelle du “plus précieux” qui échoit à tout mortel. » Ce “plus précieux”, Elytis le définira en conclusion à son essai Avant tout : « Voilà en quoi consiste ce que j'attends au fil des années : une ride de plus à mon front, une ride de moins à l'âme : la réversion complète, l'absolue transparence. »L'absolue transparence – poétique, esthétique, morale, métaphysique – c'est elle qu'il convient de saluer à l'aboutissement de ce grand destin.

Salah Stétié

Odysseus Elytis, Axion esti – La Genèse, traduit du grec par Réa Karavas, La Nouvelle Revue Française, numéro 329, 1er juin 1980.

Id., Orientations, traduit du grec par François-Bernard Mâche, Argile VIII, automne 1975, Maeght Éditeur.

Id., Voie privée, traduit du grec par Malamati Soufarapis, L’Échoppe, 2003.

Conférence reprise en conclusion de la traduction par le même Xavier Bordes en collaboration avec Robert Longueville de l'essai d'Elytis sur la poésie Avant tout, paru dans un cahier spécial de la revue Aporie, le Revest-les-Eaux, 1989.

Il s'agit de Baudelaire traducteur d'Edgar Poe avant Mallarmé et qui s'autorise les libertés du grand poète traduisant un autre grand poète.

Le cerf-volant de l'égaré N°1
Le cerf-volant de l'égaré N°1
Le cerf-volant de l'égaré N°1
Le cerf-volant de l'égaré N°1
Le cerf-volant de l'égaré N°1
Le cerf-volant de l'égaré N°1
Le cerf-volant de l'égaré N°1
Le cerf-volant de l'égaré N°1

"Dehors a pris ma forme quelque part, au milieu d'une mer dont l'élan lumineux soudain s'installe entre le muret blanchi de chaux d'une église et une jeune fille pieds-nus dont le vent soulève la jupe, un instant de grâce que je m'efforce de capturer en tramant à son intention, une embuscade de mots grecs."

LE POETE des brumes et des flots d’écume au fond de moi sommeille !
  Mamme de la tempête obscure entre ses lèvres d’encre 
  et son âme sans fin livrée aux  ruées lascives de la mer
   qui vont grêler sur ses pieds-monts
   Déracinant même le chêne âpre s’abat le vent de Thrace.
De tout petits voiliers en contournant le cap soudain claquent au vent et s’éclipsent
Puis reparaissent là-haut dans les nuages de l’autre côté du gouffre amer.
Aux diamants des ancres il s’est collé des algues 
   barbes de saints mélancoliques.
De splendides rayons issues de leur face
   font vibrer la rade éblouie.
A jeun, par ici se tournent les yeux vides des vieillards
   Tandis que les femmes profilent leurs silhouettes
noires sur la chaux immaculée.
    Au milieu d’eux, moi j’active ma main
Poète des brumes et des flots d’écume !
   Dans l’humble boîte de couleurs je trempe bien
ma brosse au milieu d’eux et puis je peins : 
   Récemment en chantier
les ors fauves et les noirs des saintes Icônes !
   Aidez-nous protégez-nous saint Canaris !
 Aidez-nous protégez-nous saint Miaoulis !
    Aidez-nous protégez-nous sainte Manto !

"Dehors a pris ma forme quelque part, au milieu d'une mer dont l'élan lumineux soudain s'installe entre le muret blanchi de chaux d'une église et une jeune fille pieds-nus dont le vent soulève la jupe, un instant de grâce que je m'efforce de capturer en tramant à son intention, une embuscade de mots grecs."

“J’ai souvent dit que pour moi, Grecque de la diaspora, ma vraie patrie, c’est ma langue. En effet, je crois que si la poésie n’existait pas, je ne serais pas devenue musicienne.” Dans cette inscription, le poète grec Elytis aura joué un rôle fondamental.
 
Angélique Ionatos raconte.
Grecque me fut donnée ma langue ; humble ma maison sur les sables d’Homère. Mon seul souci ma langue sur les sables d’Homère.
ODYSSEUS ELYTIS

1La nature crée ses propres parentés, parfois bien plus puissantes que celles que nous forge le sang. Deux mille cinq cents ans en arrière, à Mytilène, je crois voir Sappho comme une cousine lointaine avec qui je jouais dans les mêmes jardins, autour des mêmes grenadiers, au-dessus des mêmes puits. A peine plus âgée que moi, brune, avec des fleurs dans les cheveux et un cahier plein de poèmes qu’elle ne m’a jamais permis de toucher.

2Il est vrai que nous avons vécu sur la même île. Avec cette même sensation de la nature qui depuis les temps anciens jusqu’à aujourd’hui continue à suivre les enfants d’Eolie. Mais, avant tout, nous avons travaillé – chacun à sa mesure – avec les mêmes notions, pour ne pas dire avec les mêmes mots : avec le ciel et la mer, le soleil et la lune, les végétaux et les jeunes filles, l’amour.

3Ne m’en veuillez pas si je parle d’elle comme d’une contemporaine. Dans la poésie comme dans les rêves, personne ne vieillit.”

4C’est ainsi qu’Odysseus Elytis commençait son introduction au livre qu’il consacra à Sappho de Mytilène [1][1]Sappho, recomposition et réstitution d’Odysseus Elytis, Ikaros,…. Dans cet ouvrage, il nous offre non seulement une magnifique traduction en grec moderne, mais il prend surtout la liberté de “recomposer” des fragments en poèmes. C’est sa manière de “toucher” à ce cahier interdit.

5En reconstituant, en restaurant les poèmes de Sappho, il nous la rend si familière, si vivante, si touchante, qu’on ne peut que ressentir de la reconnaissance pour son audace.

6C’est grâce à lui que j’ai eu envie de composer sur les vers de Sappho. C’est lui qui m’a rendu proche cette “cousine lointaine”. Voilà aussi pourquoi, à mon tour, j’ai eu envie de traduire en français les poèmes d’Elytis. Non seulement parce que c’est le poète que j’ai le plus mis en musique, mais surtout parce que je crois qu’il s’agit d’un des plus grands poètes de notre temps. Et j’ai eu la chance, comme lui, de dire :

7“J’ai habité un pays surgissant de l’autre, le vrai, tout comme le rêve surgit des événements de ma vie. Je l’ai aussi appelé Grèce et l’ai tracé sur le papier pour le regarder. Il semblait tellement petit, tellement insaisissable.

8Le temps passant je le mettais sans cesse à l’épreuve : tantôt avec de brusques tremblements de terre, tantôt avec de vieilles tempêtes.

9Je changeais les choses de place pour les débarrasser de toute valeur. J’étudiais les Insomnies et l’Ascèse du Désert pour être capable de façonner des collines brunes, des petits monastères, des fontaines. J’ai même réussi à faire un petit jardin plein d’agrumes qui sentaient l’Héraclite et l’Archiloque.

10Mais il embaumait tant que j’ai pris peur. Alors je me suis mis, petit à petit, à broder des mots comme des pierres précieuses pour couvrir ce pays que j’aimais.

11De peur que quelqu’un ne voie sa beauté. Ou qu’il ne soupçonne que, peut-être, il n’existe pas. [2][2]Odysseus Elytis, O mikros naytilos (Le Petit Marin), Ikaros,…

12J’ai souvent dit que pour moi, Grecque de la diaspora, ma vraie patrie, c’est ma langue. En effet, je crois que si la poésie n’existait pas, je ne serais pas devenue musicienne. Cela semble un paradoxe, mais il n’en est rien. C’est la poésie qui a engendré mon chant. Et je suis convaincue que tous les arts, sans exception, sont les enfants de la poésie. “Au commencement le Verbe”, et comme le dit Elytis dans ses Autoportraits[3][3]Autoportraits, Fata Morgana, 2002. Traductions de Béatrice… : “Un paysage, c’est la projection de l’âme d’un peuple sur le terroir qu’il occupe. Je crois profondément – et cette croyance est bien plus profonde en moi que toute certitude fondée sur la raison – que, de quelque manière qu’on l’examine, la présence de l’hellénisme au cours de tant de siècles sur les terres de l’Egée y a imprimé une véritable orthographe, où chaque oméga, chaque epsilon, chaque iota n’est que la transcription d’un petit golfe, d’une légère pente vers la mer, d’un à-pic de rocher au-dessus de la courbe arrondie d’une coupe de bateau […].

13Cette langue que j’évoque ici possède une grammaire rigoureuse, que le peuple a fabriquée tout seul avant même qu’on ne l’envoie à l’école. Et qu’il a su préserver avec un soin presque religieux et une résistance admirable de l’usure du temps, jusqu’à ce que nous arrivions, nous, les hommes d’aujourd’hui, avec nos lois, nos certitudes, nos diplômes, et la prétention de vouloir lui venir en aide.”

14Et dans son recueil L’Arbre de lumière et la quatorzième beauté[4][4]Odysseus Elytis, 1986, op. cit., il dit : “Je sais que cette langue n’a pas d’alphabet ; puisque aussi bien le soleil que les vagues ne sont qu’une écriture syllabique qu’on ne déchiffre qu’au temps de la tristesse et de l’exil.”

15L’œuvre d’Elytis est immense. Je n’ai pas l’intention (ni la capacité) de parler de lui en exégète, ni même en tant que Grecque, mais simplement en amoureuse de sa poésie.

16J’aimerais vous raconter notre première rencontre, en 1984, parce qu’elle est à la fois amusante et belle. J’étais alors à Paris, et je lui avais écrit pour lui demander l’autorisation de mettre en musique son poème scénique Maries des Brumes (1979), qui était un livre très à part dans l’univers élytien et pour lequel j’avais eu un véritable “coup de foudre”. Il s’agissait de poèmes sous forme de dialogue entre une jeune femme contestataire radicale de notre temps, belle et irrévérencieuse, du nom de Maria Néféli, et le Poète (l’antiphoniste). Je travaillais depuis plusieurs mois sur cette œuvre. C’était ma première grande réalisation et elle marquait un véritable tournant dans ma vie de musicienne. J’avais enfin abandonné ma solitude sur scène et avais sollicité la présence du baryton Spyros Sakkas comme antiphoniste et de notre compatriote Alexandre Myrat pour diriger le petit orchestre de chambre.

17Alors que les répétitions étaient presque finies, je reçois une lettre d’Odysseus Elytis me refusant sa mise en musique. Il avait, disait-il dans cette lettre, d’autres engagements scéniques concernant Marie des Brumes.

18J’étais anéantie et décidai sur le champ de prendre l’avion pour le rencontrer à Athènes et le faire changer d’avis. Il m’avait fixé un rendez-vous chez-lui, dans son petit appartement de la rue Skoufa, et sa voix au téléphone était froide et austère. Je crois qu’en allant à ce rendez-vous, j’avais le trac le plus terrifiant de ma vie. Rencontrer Odysseus Elytis était pour moi aussi improbable que rencontrer Homère lui-même…

19Je ne me souviens plus combien de temps a duré cet entretien, je sais seulement que la force de mon désespoir m’a donné les mots justes pour le convaincre. C’était pour moi comme une question de vie ou de mort. Pas tant le fait de devoir renoncer à cette œuvre et au travail de longs mois, mais le fait que son refus était une sorte de rejet de ma personne. Comme si mon père spirituel allait me déshériter, moi qui vivais avec sa poésie depuis mon enfance.

20Depuis cette première rencontre beaucoup d’autres ont suivi (bien plus heureuses et sereines), car ayant appris la leçon, chaque fois que je mettais en musique l’un de ses poèmes, j’allais le voir pour lui en parler. Je me souviens de lui me disant : “Mais pourquoi tu t’attaques toujours à mes poèmes les plus difficiles ? J’en ai écrit d’autres beaucoup plus faciles à mettre en musique !” Et je lui répondais : “Mais c’est ceux-là précisément qui m’inspirent ! Croyez-moi, ce n’est pas pour le plaisir de vous contrarier…” Et il souriait. C’est ainsi que peu à peu la confiance s’est installée, et c’est lui-même qui m’a dit un jour, voyant sa Sappho entre mes mains : “Je pense que tu devrais mettre en musique ces poèmes d’amour. Ils t’inspireront.” Et voilà comment j’ai mis en musique les fragments de Sappho en 1992. Quelques années plus tard, au printemps 1996, je m’apprêtais à lui envoyer un enregistrement de la musique que j’avais composée sur son magnifique poème “Parole de Juillet”, extrait de son recueil Les Elégies de la pierre tout au bout[5][5]Ta eleghia tis oxopetras, Ikaros, 1991.. C’était, je me souviens, quelques jours après la première au Théâtre de la Ville ; je lui téléphonai pour lui dire ma joie et l’accueil du public et de la critique à “notre” “Parole de Juillet”. Il semblait heureux, et le ton de sa voix ne m’avait jamais semblé aussi amical et tendre.

21A la fin de notre conversation, il m’avait donné sa bénédiction pour la suite et m’avait dit qu’il attendait impatiemment l’enregistrement. Quelques jours plus tard, Odysseus Elytis est mort.

22“Dans la poésie comme dans les rêves, personne ne vieillit”, disaitil en parlant de Sappho. Les poètes ne meurent pas, bien sûr. Nous en avons tous la preuve. Ils nous accompagnent et donnent un sens à notre vie. “Utopie ?” demande encore Elytis dans ses Autoportraits. “Peut-être, et alors ? Utopique ne veut pas dire forcément impossible. On dénigre les poètes en disant qu’ils n’ont pas la force de faire face à la réalité, et qu’à cause de cela, ils se contentent de rêver. Mais ils ont raison d’être ainsi. Pour imaginer des choses qui choquent notre sensibilité et en plus être capable de les présenter sous un tout autre jour ne faut-il pas de la force ! Et la nature elle-même, quand elle nous plonge dans le malheur, n’est-elle pas aussi indifférente et cruelle ? N’arrive-t-il pas que cette nature exige de nous des choses impossibles, sans se laisser ébranler par les battements de notre cœur ? [6][6]Autoportraits, op. cit.

23J’aimerais, pour finir, laisser la parole au poète, cette “cigale abandonnée” qui choisit de vivre dans la forêt des hommes et continue à chanter dans la cacophonie de nos cités. Son chant n’est pas toujours perceptible (mais est-ce qu’on entend le pouls qui bat dans nos veines ?). Ce n’est que lorsque son chant s’arrête qu’on s’aperçoit que la cigale s’est tue.

Elytis recomposant en grec ancien, les fragments de Sappho et retraduisant en grec moderne; ce livre magnifique, illustré de collages d'Elytis, m'a été offert par le poète

Elytis recomposant en grec ancien, les fragments de Sappho et retraduisant en grec moderne; ce livre magnifique, illustré de collages d'Elytis, m'a été offert par le poète

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Théâtre de la jeunesse #8

12 Juin 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #album, #auteurs de théâtre, #cahiers de l'égaré, #collection théâtre de la jeunesse, #lecture, #écriture, #théâtre, #pour toujours

Théâtre de la jeunesse #8
Théâtre de la jeunesse #8
Théâtre de la jeunesse #8 est arrivé le 1° juin à la Bibliothèque de théâtre Armand Gatti à La Seyne-sur-Mer, et chez moi, le 6 juin, enveloppe avec 5 exemplaires d'archives
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5 textes, fruits de la rencontre d'auteur.es et de jeunes élèves de CM2 de la Seyne sur Mer et d'élèves du Conservatoire Toulon Provence Méditerranée - CRR , ils nous parlent d'eux, de notre société, de contes, et de théâtre......
Un immense merci à Nathalie Papin, Julie Rossello Rochet , Laurent Contamin , Vanessa Moskovosky et Marie Dilasser 
Grande joie de les avoir vus ce matin 2 juin, sur le plateau de l'auditorium du conservatoire de la Seyne sur mer et merci à Fanny Prospéro, Marie Laure Fourmestraux, Benjamin Lull et Hélène Megy pour la mise en scène.
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Ce 2 juin, dans le cadre du 1er juin des écritures théâtrales jeunesse, nous avons organisé la restitution du projet « un auteur dans ma classe », à l’auditorium du conservatoire de La Seyne-sur-Mer, Métropole Toulon Provence Méditerranée.
Les élèves ont joué les pièces qu’ils ont écrites avec les auteur.e.s accueilli.e.s en résidence d’écriture à la Bibliothèque de théâtre Armand Gatti, tout au long de l’année : Julie Rossello Rochet, Marie Dilasser, Laurent Contamin, Nathalie Papin.
Nous leur avons également remis un exemplaire de l’ouvrage qu’ils ont écrit avec les auteur.e.s, recueil édité dans la collection « théâtre de la jeunesse » des Cahiers de l’Egaré. Une belle matinée de théâtre !
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Tout le week-end des 3 et 4 juin, la Bibliothèque de théâtre Armand Gatti est à La Chartreuse Cnes de Villeneuve lez Avignon pour Les nuits de juin.
Découverte de textes autour du bivouac junior, les élèves du Conservatoire Toulon Provence Méditerranée - CRR rencontrent les élèves du conservatoire d'Avignon, de Toulouse et du cours Florent de Montpellier pour partager un merveilleux moment de lecture, textes de Vanessa Moskovosky, de Claire Rengade, Stéphane Bientz et Valérian Guillaume 
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Le projet Théâtre de la Jeunesse initié par Georges Perpès (4 titres), se poursuit et s'amplifie avec Cyrille Elslander (déjà 4 titres) 
Ce dispositif qui donne la parole à des enfants au contact d'un auteur dans leur classe se déroule y compris pour la restitution sur scène entre les enfants seulement, loin du regard des parents et des adultes sauf la maîtresse. Expérience exemplaire. 
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La diffusion du livre : 1 exemplaire par élève, les auteurs, un réseau de bibliothèques favorables au théâtre de et pour la jeunesse
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Dispositif complété par Le Prix de la Pièce de théâtre contemporain pour le Jeune Public
Organisé par la Saison Gatti et l’Inspection académique du Var (Rectorat de Nice), ce prix soutenu par la DRAC et créé en 2003 par la compagnie Orpheon, vise à promouvoir auprès des jeunes, la lecture de textes contemporains de théâtre, à favoriser la rencontre avec leurs auteurs, à contribuer progressivement à la constitution de rayons de théâtre contemporain dans les bibliothèques de l’Éducation nationale. 
Lauréats 2023 :
20ème édition du Prix de la Pièce de théâtre contemporain pour le Jeune Public.
À la fin du mois de janvier, les quelques 1200 élèves ayant participé au PPJP dans le Var et les Alpes-Maritimes, ont voté pour élire les deux lauréat(e)s de cette 20ème édition. 
Dans la sélection CM2-6ème : Gwendoline Soublin avec la pièce « Fiesta », aux Editions Espaces 34
Dans la sélection 3ème-2nde : Samuel Gallet avec la pièce « Mon visage d’insomnie », aux Editions Espaces 34
Innovation de l'année 2023, l’équipe de la Bibliothèque de Théâtre Armand Gatti (Cyrille Elslander, Hélène Megy, Fanny Massi) a rencontré les 18 et 19 avril, les partenaires pour la mise en place du Prix de la Pièce de Théâtre Contemporain pour le Jeune Public dans les écoles européennes de Bruxelles. Avec Sabine Jean
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avant la collection en cours du Théâtre pour la jeunesse (2016-2019 puis 2020-2023...), il y eut en partenariat avec la BAG : Le corps qui parle (2001), Rêver le monde (2002), Des Lendemains qui dansent (2004)
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en partenariat avec les EAT MED, Gabrielle Russier-Antigone (2009), Envies de Méditerranée, (2010) Marilyn après tout (2012), Diderot pour tout savoir, (2013), Cervantes-Shakespeare (2016), Pour Agnès M. (2016), Le passage du temps (2018)
Théâtre de la jeunesse #8
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