Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Les Cahiers de l'Égaré

cahiers de l'egare

La Pente / François Carrassan

20 Juin 2020 , Rédigé par grossel Publié dans #cahiers de l'égaré, #philosophie, #pour toujours, #écriture

le cycliste, Henri Cartier-Bresson, Hyères, 1932, avenue Edith Wharton

le cycliste, Henri Cartier-Bresson, Hyères, 1932, avenue Edith Wharton

La Pente

François Carrassan

ISBN 978-2-35502-105-3

112 pages, format 13,5 X 20,5, papier ivoire

4° de couverture

C’était en 1932 à Hyères. Un vélo sans intérêt descendait de la colline du château. Cartier-Bresson l’a vu venir du haut d’un escalier en surplomb de la rue. En un éclair le cycliste inconnu est devenu l’image de chacun de nous dévalant sa vie sur la pente du temps. Le plomb de la réalité avait donné l’or de la photo.

Le château, au sommet de la colline, a été rasé sur l’ordre d’un roi vengeur il y a quatre siècles et nulle image n’en est restée. Seuls des remparts font encore signe en son absence. On peut seulement lire qu’il était majestueux et s’imposait au paysage.

En 2014, une fouille archéologique de son site originel allait être entreprise pour la première fois. La photo s’installa dans mon esprit. Et, comme on allait descendre dans le temps, j’eus l’idée, m’inspirant du photographe, d’en sortir un instant et de le regarder passer.

François Carrassan

extrait

I

La rue des Porches, à Hyères, comme une brèche dans le passé de la ville, passe, large et sombre, sous de très anciennes maisons. Elle longe la dernière enceinte urbaine de la cité médiévale, quand celle-ci s’agrandissait sur les pentes de la colline au sommet de laquelle se dressait le château des seigneurs de Fos. Des meurtrières parsèment encore sa muraille.

Elle s’ouvre toujours au vent qui, sitôt levé, s’y engouffre comme dans une course folle. C’est le bon moment. Des paquets de poussière tourbillonnent sous les voûtes et, d’un pas de côté, vous vous mettez à l’abri dans le chambranle d’une porte qui se pourrait d’époque. Dans un rai de lumière qui tombe de la ruelle voisine, vous voyez la poussière jouer avec les pierres. On dirait le passage du temps.

 

Oui, comme si, sorti à cet instant du cours des choses et doté du pouvoir de le contempler, vous voyiez devant vous passer le temps.
Un peu, me suis-je parfois dit, à la façon d’Apollinaire marchant le long de la Seine, un livre ancien sous le bras, tandis que le fleuve s’écoule et ne tarit pas.

un retour de lecteur en date du 20 juin 2020

Cher François
Un grand, très grand merci pour ton livre sur " La pente....du 
temps"..et ta chaleureuse dédicace... Je l'ai lu d'une traite dès que je 
l'ai reçu et j'y ai pris un immense plaisir...D'abord d'y retrouver ma 
chère ville de Hyères dont je suis exilé depuis notre déménagement 
calamiteux et la perte de ma bibliothèque.....Je t'avoue que dans ta 
déclaration d'amour à Hyères j'en ai découvert non seulement l'histoire 
que tu racontes par petites touches, mais surtout un "je ne sais quoi" 
comme dirait Jankélévitch, qui n'est sans doute sensible qu'à quelqu'un 
comme toi qui le ressent avec ses racines, avec ses pores..Le " je ne 
sais quoi'" qui fait le charme d'un paysage à travers le passage du 
temps que tu perçois si bien dans le cycliste de Cartier Bresson...
J'en ai conçu aussi une certaine amertume envers ma propre impuissance à 
adhérer comme toi à ce génie du lieu... étant données les difficultés que 
j'ai connues dans mon passé familial, malgré tout ce que mes merveilleux 
parents, que tu as connus, ont fait pour moi... Ils étaient de vrais 
Hyérois, et avaient le même amour que toi pour leur ville dont ils ne 
seraient jamais séparés...
Mon sort a été différent et je me suis vraiment réalisé quand je suis 
venu à Paris pour mes études, à une époque où Paris était encore Paris 
et où la France était encore la France..
Mais ton livre n'est pas seulement attachant par cette magnifique 
évocation de Hyères, tu y exposes des réflexions à la fois légères et 
profondes sur la fuite du temps, sur l'éternité dans l'instant et sur le 
mystère de la mort que tu abordais déjà dans un livre précédent...Tu 
t'appuies sur une érudition qui apporte des fondements à ta promenade à 
travers le temps, mais qui ne se montre pas et à certains égards, j'ai 
retrouvé dans ton style, dans ta manière l'esprit du XVIII ème siècle 
dans ce qu'il a pour moi de mailleur...qui est celui de Diderot dans ses 
lettres à Sophie Volland, que j'ai malheureusement larguées avec ma 
bibliothèque du Portalet...un naufrage que j'aurais pu certainement 
éviter si je n'avais pas céder à l'urgence et à la panique.
Ce que tu écris sur le patrimoine est très juste et sort des lieux communs.
A propos des Noailles tu cites Igor Markevitch qui a raconté dans ses 
mémoires, "Etre et avoir", l'histoire mouvementée de sa romance avec 
Marie-Laure. Et parmi les amoureux de Hyères, il y a Stevenson qui a 
vécu dans le quartier du Continental et dont sa femme a dit qu'il avait 
passé à Hyères la plus belle année de sa vie.
Ces retrouvailles avec toi et avec Hyères à travers ton livre 
tombent bien parce que je doit faire en novembre une conférence à la 
médiathèque dans le cadre d'un projet dont ma fille a donné récemment le 
dossier au docteur Roux, un vieil ami de ma famille. Elle voulait aussi 
te voir mais a été débordée par son programme et n'avait pas pu te joindre.
Elle va te l'envoyer.
Je ne sais pas encore quel sujet je vais traiter, sans doute sur Tolstoï 
dont le frère est mort à Hyères, où il a passé lui-même plusieurs mois. 
Ce sera aussi l'occasion de faire mieux connaître la soeur de Tolstoï, 
qui aimait beaucoup Hyères. Personnellement je m'intéresse davantage aux 
livres et aux idées qu'à des aspects biographiques mais il est important 
d'ancrer une oeuvre dans une vie et un terroir.
Si le sujet t'intéresse tu pourrais y participer. Ce serait bien aussi 
d'inviter Jean-Claude Grosse qui a beaucoup aidé ma fille quand il 
dirigeait son théâtre au Revest.
A propos, je vais le féliciter pour le bel écrin qu'il a offert à ton 
texte, avec une typographie adaptée à ma vue ce qui m'a facilité la 
lecture. 
Gérard Conio
PS Il se trouve que j'ai écrit sur l'instant qui nous sauve du 
sarcophage du temps dans une étude sur " La dialectique du double chez 
Dostoïevski" que j'ai retrouvée à l'occasion d'un entretien sur le 
nihilisme dans une émission de Radio Courtoisie. Je te l'envoie en pièce 
jointe.

quelques titres de et avec François Carrassan
quelques titres de et avec François Carrassan
quelques titres de et avec François Carrassan
quelques titres de et avec François Carrassan
quelques titres de et avec François Carrassan

quelques titres de et avec François Carrassan

Lire la suite

Orphéon Légende / Georges Perpes

30 Mai 2020 , Rédigé par grossel Publié dans #auteurs de théâtre, #cahiers de l'égaré, #pour toujours, #théâtre, #écriture

Orphéon Légende, une légende parmi d'autres sur la légendaire association Orphéon et ses 40 ans et sur la mythique bibliothèque de théâtre Armand Gatti et ses 20 ans

Orphéon Légende, une légende parmi d'autres sur la légendaire association Orphéon et ses 40 ans et sur la mythique bibliothèque de théâtre Armand Gatti et ses 20 ans

À la lectrice, au lecteur d'Orphéon Légende

Vous tenez entre vos mains un livre d’un genre particulier, c’est un livre de théâtre.
Ça existe encore ?
Quelle idée de lire du théâtre ?

Aussi saugrenue que celle de lire un scénario de film !

Peut-être n’avez-vous plus lu de pièce de théâtre depuis l’école ? le collège ? le lycée ?
Peut-être est-ce la première fois que vous en lisez une ?

Rassurez-vous, vous n’êtes pas seul.e, vous êtes des millions, la majorité.

Pour les autres, la minorité,
salut les frangines, salut les frangins,
vous pouvez sauter cette adresse et passer directement à la pièce.

Peut-être ne lisez-vous plus, fatigué d’avoir lu trop de livres ?
Peut-être ne lisez-vous jamais ?
Pas un roman, une BD, un poème, une nouvelle. Pas un journal. Même un gratuit ?

Vous ne souvenez pas de la dernière fois où vous êtes entré.e dans une librairie.

Une bibliothèque ?

Vous n’avez jamais franchi la porte d’un théâtre. Pas le temps, l’argent.
Pas même le jour où il pleuvait à verse, il faisait si froid, pour vous mettre à l’abri dans le hall d’accueil.

Vous préférez courir dans la colline, sauter d’un rocher dans la mer, faire du parapente, de la grimpe, du vélo, du Pilates, du yoga, l’amour, de la musique, de la peinture, cuisiner un bon petit plat, aller au cinéma, envoyer des textos, voyager, chatter, regarder la télé, boire un coup avec les copains, arroser vos plantes, danser le tango, fumer un pétard, caresser votre chat, voir un match de rugby, taguer un mur la nuit dans une friche...

Vous n’êtes jamais monté sur scène.
Peut-être en primaire lors de la fête de l’école, je ne me souviens pas.
Vous n’avez jamais croisé la route, d’un prof, d’une amie qui vous a dit : tu devrais faire du théâtre.
Peut-être l’avez-vous croisé.e et vous n’avez pas osé sauter le pas ?
Vous n’avez pas rencontré l’hermaphrodite qui ne dit qu’un seul mot : v.i.t.r.i.o.l.u.m.

Si vous vous reconnaissez dans au moins une de ces lignes, c’est à vous que ce préambule s’adresse.

Dans tous les cas, ouvrez le livre où vous voulez. Au début, à la fin, au milieu.
Au hasard.
Un texte se défend tout seul. Il résiste même parfois.

Lisez-le seul.e silencieusement. Ou mieux à haute voix.
Ou mieux encore, partagez-le avec d’autres.

Une pièce de théâtre est traversée de multiples voix, où dialoguent celles de tous les vivants et de tous les morts.
Une pièce de théâtre ne s’embarrasse pas de description, elle suggère.

Un livre de théâtre n’est pas un cahier de régie, il attend la lumière de son lecteur.
C’est un matériau pour la scène, tout d’abord pour votre scène intérieure.

Un germe en attente de s’incarner.
Sans vouloir vous commander : Rêvez ! Faites votre lecture, elle est unique.

Une pièce de théâtre n’est pas une BD : je fournis les phylactères, vous les images.
Une pièce de théâtre est comme une chanson : j’écris les paroles, vous la musique.

Une pièce de théâtre, comme une BD ou un disque, n’est généralement jamais très longue : la lire ne vous prendra pas plus d’une heure.

Une précision encore : contrairement à l’usage, vous ne trouverez pas de liste des personnages. De plus, petit jeu, parfois simple, parfois plus compliqué, aucun nom de locuteur n’apparaît en face des répliques : aucune réplique n’est attribuée, si bien qu’au premier abord, on peut en conclure hâtivement qu’on ne sait jamais vraiment qui parle. À vous de faire votre distribution.

Si vous décrochez, c’est que le moment n’est pas venu.
Attendre une autre heure, d’un autre jour, d’une autre nuit, plus favorable, plus tard lorsque vous serez disponible. Laisser reposer. Parfois ça demande du temps, un certain temps. Finalement, peut-être que la nourriture ne sera pas à votre goût, insipide ou trop pimentée, trop légère ou indigeste, que ce n’est pas ce dont vous avez besoin maintenant, que le livre vient trop tôt ou trop tard.

Si c’est le cas, que vous vous résolvez à abandonner le livre, prenez-en soin, mettez-le de côté, à l’abri, en attendant... On ne sait jamais.page13image5773200 page13image5773408 page13image5773616

Ou alors, offrez-le, refourguez-le aux Puces, à un bouquiniste. Libérez-le dans un espace public. Merci pour lui.

Merci aussi à tous les copistes, anonymes ou connus, qui, depuis la nuit des temps, ont transmis les pièces du puzzle qu’est cette histoire.
Merci à mon éditeur, le seul que je connaisse capable d’accueillir un livre, sans savoir de quoi il traite, sans en avoir lu une seule ligne. Merci à sa confiance, à son amitié qui me permettent de rejoindre la foule de tous les autres égaré.e.s. Ce livre est pour eux & elles.

Et maintenant, bonne lecture.

Georges Perpes

Lire la suite

Histoire de places / JC Grosse

5 Mars 2020 , Rédigé par grossel Publié dans #JCG, #cahiers de l'égaré, #théâtre, #spectacles, #écriture

Estimado autor-editor,
Merci infiniment pour cette œuvre, HISTOIRE DE PLACES. Quelle audace. J’ai aimé. C’est aussi dans ces palettes-là qu’il me vient, parfois, d’écrire, de lire et de jouer. Je vous en remercie. Cet envoi qui était inattendu. Le style que vous avez développé me ressemble à plusieurs niveaux. Ce n’est pas d’aujourd’hui. 
Je dois en ces temps-ci rester plus qu’avant concentrée sur le projet dont je vous ai parlé, peut-être ambi’cieux, peut-être ode’à’cieux. Je travaille actuellement d’arrache-pied et je sais très bien que je ne suis qu’à ses débuts. 
Je salue votre plume. Cette manière de dire et de faire jouer me paraît juste. N’importe quelle écriture des pays francophones sera pour moi toujours une étrangeté… apprivoisée, oui, que je chéris de jour en jour à une vitesse grandissante qui va de trop en trop vers la légèreté qui gouverne toutes mes lourdeurs pour écraser la gravité mais glisse dessus ! 
Je vous fais ce retour parce que je peux vous dire que la matière de votre livre est faite pour ce qu’elle a été conçue. Une réussite en soi. On ne s’invente pas du métier. Le bonheur d’avoir vu cette lenteur s’installer grâce aux rythmes de l’écriture et les didascalies, fabuleuses, qu’il vous est venu à l’idée d’ajouter souvent pour saupoudrer l’œuvre et condimenter ainsi les paroles dites, et relevées. 
Que Dieu bénisse votre plume encore longtemps. Vos images m’ont paru si simples et belles… traînées, justement, par cette simplicité-là, époustouflante. 
Je reprends mon travail. Les autres livres, évidement, ce sera pour un après dans le temps. 
Recevez ma gratitude pour vos dons,
Virginia 
Histoire de places / JC Grosse
NOTE DE LECTURE : by Fab Ricienne
Histoire de places. Jean-Claude Grosse. 2016
On entre dans le texte accompagné par l'auteur Jean-Claude Grosse qui nous en fait la présentation / genèse. 
On entre dans la scène avec les deux comédiens, elle / la coach et lui / le stagiaire, et tout le public interpelé et engagé par ce dialogue interactif. 
On entre dans l'absurde avec les dialogues savoureux (j'ai pensé à Raymond Devos) de ces deux clowns sans nez, leurs questions sans réponses, leurs tâtonnements sans doute. 
On entre avec eux dans l'essentiel, le sens de la vie, le bon sens, le sens propre et le sens figuré, parfois le sens critique (voire politique), ce qui finalement est tellement plus important que la place. 
Je pense alors au proverbe qui dit : "Le but, c'est le chemin." C'est un peu de cette démarche que l'auteur et les comédiens nous invitent à faire avec eux, en se décentrant, en commençant par le "pas de côté" avant de pouvoir peut-être se lancer dans le tango...
une pièce dépassée, déplacée sur l'échiquier du merdier global
une pièce dépassée, déplacée sur l'échiquier du merdier global
une pièce dépassée, déplacée sur l'échiquier du merdier global
une pièce dépassée, déplacée sur l'échiquier du merdier global
une pièce dépassée, déplacée sur l'échiquier du merdier global
une pièce dépassée, déplacée sur l'échiquier du merdier global

une pièce dépassée, déplacée sur l'échiquier du merdier global

texte non retenu dans la pièce

Une histoire de place, le monologue de l'homme qui rit

pardon, excusez-moi, je viens de me rendre compte que je ne suis pas à ma place, excusez-moi de vous déranger, c'est peut-être votre place que j'occupe, attendez, je la libère pour que vous puissiez poser votre derrière sur votre chaise, là, à la bonne place, votre place si méritée, depuis toujours attribuée, de naissance, d'avant votre naissance car il n'y a pas de hasard, si vous êtes là aujourd'hui, à votre juste place c'est que vous deviez y être depuis toujours ; il y a une juste place attribuée pour chacun d'entre nous, depuis toujours

j'ai un peu de mal avec la place, je ne me sens jamais à ma place comme si j'étais déplacé sans cesse, dépassé c'est sûr, déplacé, c'est moins sûr car en réalité, je vais de place en place qui ne sont pas les miennes, je me déplace, je ne suis pas déplacé, pas déporté quoique tous les miens l'ont été, il fut un temps quand on déportait

parce que voyez-vous, je ne sais pas comment vous présenter ça, je ne comprends pas bien comment j'ai osé prendre la parole là maintenant, devant vous, je suis si réservé d'habitude, je rentre mon cou dans mon col, je rentre mes épaules mon ventre, je respire le moins d'air possible, non, je n'ai pas peur de la pollution, je crois simplement que je vole l'air de quelqu'un, ça fait une drôle d'impression de se croire un voleur d'air 

Note d’intention

Peut-on porter un regard naïf et lucide sur nous et le monde dans lequel nous vivons ?

Cette question m’a amené à me demander quel type de personnage pouvait avoir un tel regard. C’est nécessairement quelqu’un à la vie minuscule, un obscur, un sans-grade, un déclassé, un marginal mais pas complètement exclu, un débrouillard usant de ses faiblesses comme d’une force, un qui sait esquiver, s’esquiver, mettre à distance par l’humour, la politesse, pour faire tomber l’agressivité, la violence latente, un qui ne cherche pas l’affrontement, ne prend pas frontalement les gens. Pour obtenir, il faut bien connaître les façons d’obtenir. Notre personnage est un clown sans nez de clown, un Charlot d’aujourd’hui sans la bougeotte de Charlot qui ne tient pas en place, parce que les situations dont il se tire sont multiples. Notre personnage minuscule va être placé dans une situation qui est celle de beaucoup. Il doit se recycler pour se recaser. C’est par un stage qu’il compte changer d’orientation et récupérer une place. Stagiaire, il a donc un coach qui l’initie aux méthodes du management humain.

Ayant fait des études, ayant peut-être été cadre, notre personnage s’interroge pendant ce stage. D’où vient-il ? Comment et par qui a-t-il été éduqué ou formaté ? D’où lui vient cet attachement à la place ? Pourquoi la veut-il fixe ? Pourquoi veut-il la stabilité ? Il s’interroge aussi sur le monde. Pourquoi des marchands, la guerre, la lutte des places...?

Comment rendre sensible cette lutte des places impitoyable qui nous met en concurrence, en compétition, nous empêche de voir que peut-être d’autres vies, d’autres voies sont possibles ?

C’est à travers sa relation avec le coach, une femme, qu’il va tenter comme il dit de se récurer du cortex au cervelet. Vont-ils pouvoir changer de vie, rêver du bonheur ?

page9image3674384Synopsispage10image3729088 page10image3675840

Un stagiaire se prépare à un master en occupation de l’espace et du temps sous la conduite d’un coach réputé, une femme. Faisant un exposé sur la notion de place, le stagiaire est amené à se poser des questions à la fois personnelles et générales. D’où lui vient son besoin d’une place fixe pour la vie ? D’où vient ce monde qui chasse le plus grand nombre de sa place ? Comment se fait-il qu’on ne soit jamais assuré de sa place? Il s’interroge sur son héritage familial, sur l’influence de la religion, des modes. Il s’interroge sur la place des marchands de rêves et d’illusions, exploitant les rêves de meilleur, d’ailleurs du plus grand nombre. Sommes-nous obligés de vivre la vie que nous menons ou pouvons- nous nous en libérer au moins partiellement? La sonnerie retentit. L’exposé tire à sa fin. Le stagiaire joue de moins en moins son rôle. Il comprend que l’enjeu n’est pas la place mais quelle vie vivre. Peut-il vouloir le bonheur ? Il tente une relation avec le coach, une femme qui l’attire depuis la première poignée de mains. Il décide d’être lui-même. Quelle meilleure façon d’être soi-même que de vouloir une relation vraie avec l’autre si l’autre le veut aussi. La fin reste ouverte. Il ose. Sera-t-il entendu ?

Jean-Claude Grosse

Histoire de places

4 spectateurs seront photographiés à leur insu, à l’entrée, et on retrouvera leur photo durant le spectacle sur un tableau mobile avec des cases.

Un carnet, une cravate ? Une spectatrice s’adresse à un spectateur assis attendant le début du spectacle.

elle : Pardon excusez-moi. 

lui : Oui ?
elle : C’est ma place ici.

lui: Ah bon ? Placement libre a dit l’ouvreuse quand on est entré dans la salle. J’ai pris cette place, au premier rang.
Elle était libre quand je me suis assis.

Silence.

C’est votre place ?
Si c’est la chaise que vous avez choisie, bien sûr vous devez vous asseoir dessus. Mais... je l’avais choisie aussi.

Silence.

Est-ce que quelqu’un peut nous départager ?

elle : Nous départager ? C’est ma place.

lui : Je ne vais pas me disputer avec vous, je libère... « notre » place.

Elle prend sa place.

Me voici sans place.

Il cherche à s’asseoir ailleurs. Au public.

Vous êtes venus pour le stage vous aussi ?

Silence.

C’est quand même mieux quand les places sont numérotées.
Je suis contre le placement libre. On se dispute pour une place.

Je préfère le placement numéroté avec pourboire à l’ouvreuse bien sûr.
Ah ben oui avant ça se faisait... Ah ben oui avant maintenant.

Y’avait différents types de places où l’ouvreuse nous plaçait :
Au balcon, à l’orchestre... dans la fosse.

Elle le disait à chaque représentation :
« Vos places sont numérotées, réservées. »

Les diseuses de bonne aventure, elles, attendent que l’histoire passe, pour nous dire: «il n’y a pas de hasard.»
Les Saintes Écritures : « c’était écrit. » C’est pas bête tout ça.

Vous mourez brusquement, vos proches s’écrient : « c’était écrit. »

Elle, le coach, se lève.
Sonnerie. Elle dit :

elle: Bonjour / Bonsoir messieurs dames.

Merci d’être venus pour ce stage:

« comment trouver et garder sa place ?... »

Au stagiaire.

Vous avez 55 minutes pour présenter votre sujet: pourquoi et comment la notion de place doit occuper la première place dans votre vie ?

____________________________________________________________________________-

Silence. Il enlève sa cravate.

le coach : Gardez votre cravate s’il vous plaît.

lui : Je n’en ai plus besoin. Je ne veux plus être coaché.
Je veux devenir moi-même. C’est ce que je découvre avec toi. Changer là maintenant. J’aimerais aussi te faire changer d’avis et changer ta vie ?

le coach : Je ne vous permets pas. Pas devant tout le monde.

Temps.

Tu n’as pas le droit. C’est ma vie privée.

lui : Une vie privée d’amour, t’appelles ça une vie ?

le coach : Que savez-vous de ma vie ?

lui : Ta vie de coach: un costume qui ne te va pas. Qui ne va pas avec ton rêve.
Ta vie de femme : en attente d’une...

le coach : d’une quoi ?

lui : D’une place... pour nous deux ? Silence. Il la regarde intensément.

Je te cherche. Ça s’éclaire pour moi tout d’un coup.
Je nous cherche.
Et toi ?

On continue le jeu :
Qui le chat, qui la souris ? Ou on tombe les masques ?

Tombe le demi-masque du visage du coach.

Vivre vraiment cet instant, c’est ce que je voudrais.
Je te vois.
Ton chemisier ne laisse apparaître aucun centimètre de ta peau.

Un réveil du printemps, un éveil des sens. C’est possible ? Quelques pas de tango... avec moi, tu voudrais ? Il suffirait d’un petit pas de côté et nous serions ailleurs.

elle : Mais tu divagues. Avec les autres stagiaires comme témoins. Ne l’écoutez pas, il fantasme.

lui : Tu serais pour moi odeurs à respirer, instants à danser.

elle : Au public. Un stagiaire poète, c’est la première fois qu’on me fait le coup !...

Elle rit d’un rire moqueur.

J’ai du mal avec la poésie.

Au public.

Vous croyez que ça rend heureux, la poésie ?

lui : Pourquoi pas ?
«Si ma po...ésie rime avec ta peau... aussi. » (Claude Nougaro) 

elle : Au public. Il est fou. Arrête. Tu vois pas que tu es ridicule ?
Excusez-le, il se perd... Cette histoire de places le perturbe.

lui : Tu nous as dit: «servez-vous de votre liberté. À l’américaine. »
Je me libère, je me déclare.
Redeviens libre toi aussi.

Silence.

Je voudrais nous installer dans le temps. T’aimer au jour le jour jusqu’à ce que ça fasse toujours.
Cheminer vers toi, vers ton mystère... vers ce que tu as commencé à me montrer. Et toi, tu le veux?

elle : Vous êtes cruel de me dire ça en public. Tu me tétanises.

lui : Ce qui te tétanise, c’est peut-être un manque de tendresse autrefois ? Des mots qui t’ont blessée... et tu t’es fermée... ?

elle : Pourquoi entrez-vous dans mon intimité ? Je ne t’ai pas fait de confidences.

lui : Ton rêve de tout à l’heure: être heureuse...c’était pas déjà une confidence ?

Silence. Il la contemple.

Je suis à quarante centimètres de toi.
Tu crois que tu ne me dis rien ?
C’est fou ce que j’entends à cette distance. Attends, je change la distance...

Il joue avec la distance qu’il peut y avoir entre elle et lui.

Je ne prendrai aucun raccourci pour t’aimer.
Mes caresses...

Il prend tout son temps en respirant calmement.

Ce sera amour... au bout des doigts... un soir... par hasard...

Silence.

Philippe, tu peux nous mettre un tango s’il te plaît ?
Uno c’est le titre. Tu l’as dans ta régie ?

Il chantonne :

« Quelqu’un cherche rempli d’espoir le chemin que ses rêves lui ont promis. »

(Enrique Santos Disepolo) Il peut devenir notre tango.

Tu veux ?

On entendra ou pas quelques mesures d’un tango.

le coach : Décontenancée. On arrête la séance. Philippe, tu peux allumer la salle s’il te plaît ?

FIN, noir

Lire la suite

Dans la tête de Gabriel Matzneff / Chantal Montellier

13 Février 2020 , Rédigé par grossel Publié dans #cahiers de l'égaré

Dans la tête de Gabriel Matzneff / Chantal Montellier

À Vanessa Springora, dont la lecture du témoignage

a déclenché le processus de création de ce texte pour moi libérateur.

Avec mes remerciements et mon respect pour son courage, son talent, et sa force.

Solidairement. C.M.

 

Je suis Gabriel Matzneff, je suis un écrivain célèbre paraît-il. J’ai 13 ans et ILS m’ont mis à l’HP car ILS disent que je suis fou et que j’ai des « pulsions patho- logiques » irrépressibles. Cela à cause de cet homme, un ami de la famille ? un parent ? qui m’aurait initié à ces... « choses »C’est le psychiatre, Laurent Goris, qui me l’a dit... Il appelle ce mystérieux personnage L’Initiateur ou Le Prédateur.

 

Récit de 52 pages écrit par Chantal Montellier, et illustré par 5 dessins de l'auteur, créatrice par ailleurs de BD.

ISBN : 978-2-35502-109-1

PVP : 12 €

Diffusion-distribution : Soleils diffusion, 23 rue de Fleurus, 75006 / 01 45 48 84 62

Livre référencé sur tous les sites de ventes en ligne 

Commandes à passer à votre libraire habituel via Soleils diffusion

https://www.facebook.com/soleilsparis/

Chantal Montellier sera accueillie à l'occasion de la 4ème édition de l'Ecrit des Femmes du 19 au 21 mars prochain à Périgueux par l'association Femmes solidaires Dordogne.

5° dessin réalisé par Chantal Montellier

5° dessin réalisé par Chantal Montellier

Dernières publications de chantal Montellier depuis 2015 :

– Actes Sud, La Reconstitution, livre 1, autobio-graphic
– Les Impressions nouvelles, Shelter market 
(en cours d’adaptation chez Kien production) BD dystopique
– Éditions Goater, Les vies et les morts de Cléo Stirner, roman

– Édition Helvétius, 68’Art, nouvelles et dessins sur mai 68
– Dessins politiques (hebdomadaires) pour communisteS

En projet, aux Impressions nouvelles: l’adaptation et la modernisation de Wonder city, BD dystopique

 https://bd-chroniques.be/index.../2018/01/03/shelter-market/

 

Chantal Montellier sera accueillie à l'occasion de la 4ème édition de l'Ecrit des Femmes du 19 au 21 mars prochain à Périgueux par l'association Femmes solidaires Dordogne.

Chantal Montellier sera accueillie à l'occasion de la 4ème édition de l'Ecrit des Femmes du 19 au 21 mars prochain à Périgueux par l'association Femmes solidaires Dordogne.

Mini-Biographie

Le moment Matzneff et le moment Potemkine

Ma mère avait été mal dessinée par la sienne, juste un détail minuscule, deux doigts légèrement atrophiés. Une honte quand même. Une peur, aussi. Elle a tout de même trouvé preneur, et même un très beau garçon, mon père.

Elle était la seconde et c’est elle qui était « marquée ». Enceinte juste après ma naissance, des représentations angoissantes la submergent, et elle décide d’avorter. L’avortement, trop tardif, se passe mal. Le fœtus a presque 5 mois! Ce n’est plus une simple IVG, c’est un meurtre. Ma mère ne s’en remettra pas. L’épilepsie la frappe.

« La maladie du Diable ». On les a brulées jusqu’à la fin du 18e siècle, les épileptiques...

Tout s’écroule. Adieu veaux, vaches, cochons, couvées... Enfin, adieu la maison, les terres, la « petite entreprise »... Bonjour tristesse. Je grandis dans les décombres. Je deviens une artiste, sinon, quoi d’autre, vu l’état de mon inconscient ?
Le médecin (DLacoste) et la sage-femme (Mme Rose Baudras) 
qui, contre un million de francs de l’époque massacrent ma mère et l’enfant qu’elle porte, abusant de la peur d’une femme et de la superstition de son entourage, gardent l’argent. Ils appartiennent à des familles puissantes. Des notables. Un stade, à Andrézieux, près de Saint-Étienne, porte le nom de l’avorteuse, le stade Roger Baudras...

Pot de fer contre pot de terre.

Quand je sors mon premier livre, Un deuil blanc, où je fais allusion à cette histoire, je suis instantanément couverte de boue. Un système de défense très efficace semble-t-il. Depuis, elle a séché, mais j’en porte encore les traces et j’espère toujours réparation.

Ce sont les mêmes gens, avec les mêmes mentalités, qui se régalent des turpitudes d’un Matzneff et ostracisent les artistes dans mon genre.

J’attends, avec des millions d’autres, « le moment Potemkine » après le moment Matzneff, et j’espère que ce livre-ci, aidera à son avènement.

Chantal Montellier (7 février 2020)

interview de Philippe Sollers, à propose de Désir, de #metoo, de Gabriel Matzneff

Didier Jacob : — Dans Désir, vous vous en prenez à #Metoo et à ce que vous appelez « l’Alliance féministe universelle ». N’est-ce pas risqué de prendre ce parti aujourd’hui ?

Philippe Sollers : — Mais non, #Metoo est une excellente nouvelle. Le fond du sujet, c’est que les questions sexuelles aujourd’hui débattues ne devraient tromper personne sur le but recherché qui est une intimidation générale. Ce qui est visé, c’est l’ensemble de la bibliothèque. D’ailleurs, j’ai prophétisé, dans Femmes, dès 1983, ce qui s’accomplit sous nos yeux.

Mais qu’est-ce qui s’accomplit selon vous en ce moment ?

— C’est la Révolution française qui continue de plus belle. Avec l’émancipation de la substance féminine. Comme a dit quelqu’un que je n’oserai pas citer, « la Révolution n’est pas un dîner de gala », et les dégâts collatéraux sont considérables. Mais Désir permet de prendre la distance révolutionnaire qu’il faut pour trouver que tout cela est finalement très positif. D’autant que cette libération de la parole féminine, qui est partie du cinéma américain, trouve à mon avis son impact majeur en France. Pourquoi ? Parce que la France, à travers sa littérature du XVIIIe notamment, a pris une avance considérable sur l’expérimentation des choses dites sexuelles. On peut d’ailleurs m’accuser vivement d’avoir été très partisan de la publication en Pléiade du Marquis de Sade…

Selon Adèle Haenel, le cinéma français n’a justement pas encore fait sa révolution…

— Moi, je soutiens à fond #Metoo. Je suis pour l’émancipation des femmes. Combien de temps a-t-il fallu pour qu’elles aient les droits élémentaires ? J’ai été fanatique de Simone Veil proposant l’IVG à la tribune de l’Assemblée nationale. C’est la moindre des choses. C’est un moment qu’il faut absolument soutenir, avec comme conséquence des dégâts considérables.

Vous voulez parler de la fin de ce que l’on pourrait appeler « l’horreur masculine » ?

— Ce qui m’intéresse, ce n’est pas qu’on fasse la chasse au mâle blanc hétérosexuel. La vraie question, que je pose dès le début du livre, c’est pourquoi maintenant ? La réponse la plus probable, c’est la régulation technique de la reproduction. Les femmes ont été obligées de subir pendant des millénaires des viols qui devaient consister à les faire engendrer pour les sociétés qui n’attendaient que ça. C’est une histoire terrifiante. « Mon corps m’appartient », c’est très récent. On n’en est qu’au début, ce sont les premiers pas. C’est de ça que je me préoccupe, et surtout à travers les écrivains, toujours meilleurs que les philosophes qui n’y ont jamais vu que du feu.

Pourquoi cette émancipation serait-elle forcément synonyme de contre-désir ?

— Elle peut l’être. Elle peut entraîner un violent mouvement de contre-désir, c’est ça que je condamne. Mais on ne peut pas me faire le procès de contester cette émancipation, si on veut être simplement correct avec moi. Après tout ce que j’ai écrit, tous les livres qui précisent mon amour pour les femmes, les lettres à Dominique Rolin, etc.

Vous avez été l’éditeur de Matzneff. Vous ne regrettez rien ?

— C’est vrai, j’ai publié La Prunelle de mes yeux. Il faut prendre ce livre et celui de Vanessa Springora et les lire ensemble pour savoir un peu qui est cette merveilleuse Springora. Elle-même dit maintenant qu’elle n’avait pas prévu tout ça. D’accord, tout ça, c’est très bien. L’histoire Matzneff est un épisode social français du plus grand intérêt. S’il n’avait rien écrit, rien ne se serait passé. À l’heure où je vous parle, il y a dix mille pédocriminels dans la nature en cours d’exercice.

Donc pas de regret ? VOIR L’article de Dominique Fernandez

— Ce que je trouve le plus étrange, c’est qu’on puisse accuser Matzneff de n’avoir aucun talent littéraire. Le seul qui a eu un peu de bon sens, c’est Dominique Fernandez qui a dit : « Attention à ce que tout ça ne produise pas un effet rétroactif. Baudelaire, etc. On va vous resservir toute la bibliothèque. » Alors Matzneff est-il un écrivain en très fâcheuse posture ? Il n’est pas Shakespeare, nous sommes d’accord, pas le Marquis de Sade non plus. Mais je trouve ce lynchage social extraordinairement préoccupant. C’est une leçon d’intimidation à l’américaine. Intimider tout le monde et surtout les maisons d’édition.

Est-ce que l’éditeur de Matzneff n’a pas sa part de responsabilité ?

— De responsabilité littéraire ?

Non, morale.

— Morale ! Et alors là on tombe dans la phrase de Pivot, autrefois la littérature primait sur la morale, maintenant c’est la morale qui primerait sur la littérature, et moralement c’est un progrès. Eh bien j’ai une attitude qui ne correspond pas à la morale. Mais c’est assez courant dans ce que je fais, il n’y a pas que Matzneff, j’ai publié beaucoup de choses, y compris mes propres livres. J’avais décidé de ne pas parler, mais Elisabeth Philippe [journaliste à « l’Obs »] m’a téléphoné pour me demander pourquoi j’avais arrêté de publier les Journaux de Matzneff. J’ai répondu « par saturation », et c’est vrai. Deuxièmement, et c’est vrai aussi, sa fantasmatique ne correspond pas du tout à la mienne, ce qui est le moins qu’on puisse dire.

Mais dire que l’on prend le risque, à terme, de disqualifier toute une littérature de la transgression, de Baudelaire à Genet, comme l’ont expliqué les soutiens de Matzneff, n’est-ce pas, à l’inverse, prendre le risque de légitimer la pédophilie, au prétexte qu’on serait écrivain et qu’on pourrait dès lors tout se permettre ? VOIR Physique de Genet Bataille, La littérature et le mal

— Un écrivain est toujours coupable. Une phrase de Genet, reprise par Sartre, m’a toujours parue hyper-lumineuse : « La société pardonne plus facilement de mauvaises actions que de mauvaises paroles. » Je crois que c’est vrai. Je crois, comme Flaubert, à la haine inconsciente du style. Attention, cette haine est là.

Mais, comme vous le dites, Matzneff n’est pas Shakespeare…

— Non.

L’affaire Matzneff, qui s’ajoute à l’affaire Moix…

— Maintenant c’est Griveaux…

Mais parlons des écrivains…

— Je vous rappelle que Pavlenski est un artiste russe…

Le milieu littéraire français, qui a été le milieu roi pendant des décennies, n’offre-t-il pas cependant, avec les affaires Moix, et maintenant Matzneff, une image consternante ? L’image d’un entre-soi intouchable où tout est permis, au nom de prétendues qualités littéraires ?

— L’entre-soi dont vous parlez n’a jamais été quelque chose que j’ai pratiqué…

Mais vous êtes au coeur du système !

— Je lis des textes, je les publie ou pas, avec plus ou moins d’accord. J’en ai publié beaucoup et ce que je remarque, c’est que je pourrais écrire encore trois chefs d’oeuvre, on ne m’en parlerait pas mais on me questionnerait sur ce qui pourrait avoir un rapport avec des symptômes sociaux.

L’intelligentsia française est en crise selon vous ?

— Je ne vais pas vous apprendre que la société est en pleine mutation que je crois révolutionnaire.

Mais ce milieu de grande influence, dont vous faites partie, il est en crise lui aussi ?

— C’était un milieu d’influence. Ça aura été. Prenez « l’Observateur » de Jean Daniel. Faisons-le parler d’André Gide. Après ce sera Camus. Et dans le journal, on fera parler des gens aussi étranges que Sartre, Foucault, Barthes, etc. Vous avez devant vous un survivant que l’on veut classer dans le futur antérieur et qui écrit un livre pour dire que le temps continue de plus belle, un temps révolutionnaire.

A l’époque, Denise Bombardier avait eu un certain courage, chez Pivot, pour dénoncer les pratiques de Matzneff. Et vous l’aviez traitée de « connasse »…

— Connasse. Elle a interprété ça comme si je l’avais traitée de mal baisée. Ce qui n’aurait jamais pu me venir à l’esprit. Jamais je n’aurais eu l’idée de traiter une femme de « mal baisée ». Je revois très bien la situation. J’étais en état d’ébriété. J’étais tout simplement bourré, cher monsieur.

Mais sur elle ? — Je n’en pense rien.

Elle a eu un certain courage ? — Qu’on la décore.

Pensez-vous qu’on pourra écrire, publier, avec autant de liberté dans les années qui viennent ?

— Ce n’est pas sûr. Il n’y aura plus de scandale puisque tout aura été contrôlé à la source. Je ne suis pas le seul à m’inquiéter de la liberté d’expression. Il y a une crise anthropologique formidable. Evidemment vous pouvez attaquer Freud, ça a eu lieu, ça continuera d’avoir lieu. Lacan me manque. J’aimerais bien aller le voir, qu’on aille dîner comme autrefois pour rire un peu de la stupidité humaine généralisée, de la névrose emblématique. Heureusement que je peux avoir des conversations un peu poussées sur tout ça, très calmes, avec mon épouse qui est psychanalyste [Julia Kristeva].

Vous êtes fatigué, inquiet ou serein ?

— Tout ça fait partie de la vie qu’on est obligés de mener. Je ne demande aucune commisération. C’est normal. C’est la guerre. C’est la France qui va mal.

En quoi votre personnage de Philosophe inconnu incarne la résistance ?

— Pas la résistance, la révolution. Ce n’est pas la même chose.

Une révolution continuée à l’échelle d’un seul homme ?

— Oui, il n’y a plus que lui.

Il n’y a plus que vous ?

— Ben ouais.

Propos recueillis par Didier Jacob, L’Obs du 19 mars 2020

Immersion dans la logique pédocriminelle
de Gabriel Matzneff 

21 février 2020 Par Antoine Perraud

N’y a-t-il que la police pour mettre le nez dans les écrits de Gabriel Matzneff ? Et pour en prendre la mesure ? La République des lettres n’a pas fait preuve d’une telle conscience professionnelle. Plongée dans des pages et des mots scélérats

 

L’aveuglement volontaire concernant Gabriel Matzneff eut cours jusque chez ses éditeurs. À La Table ronde – où, en 2007, fut mis fin à une mensualisation d’environ 600 euros de l’écrivain –, on se félicite de la décision de ne plus publier son journal que prit, voilà bientôt 30 ans, Denis Tillinac, l’ancien directeur de la maison ; et l’on avoue, avec une moue entendue, n’avoir jamais parcouru, sinon lu, que « deux ou trois romans pas plus » d’un tel auteur, pourtant historique.

Chez Gallimard, le silence, qui doit impérativement régner dans les lieux, est rompu avec parcimonie sous le couvert de l’anonymat : « Matzneff, ce sont les affaires de Philippe Sollers et je n’ai jamais eu le temps ni l’envie d’y jeter un œil », dit l’un. « Je suis contre toute forme de censure, mais un jour, choqué par la lecture d’un passage scabreux, pédocriminel pour tout dire, du journal de Matzneff, je m’en suis ouvert à un confrère et ami, qui m’a regardé comme si j’avais une âme de procureur », dit l’autre.

Un homme de plume, recru d’honneurs, de prix et de lauriers : « L’édition relève trop souvent de l’épicerie. Antoine Gallimard lit moins ses auteurs que leurs courbes de ventes. Matzneff n’était sans doute pour lui qu’un reliquat en stock. Aucun intérêt, comparé aux efforts pour produire un prix Nobel sur pied en la personne de Dai Sijie, cinéaste et romancier chinois méconnaissant le français, mais auquel la maison consacre son énergie créatrice : là gît le futur, tandis que Matzneff ressortit au vestige… »

L’intéressé souffrait, en son ego, d'un tel incognito relatif, qui pourtant le protégeait. En 1974, Gabriel Matzneff rédige Les Moins de seize ans pour la collection « Idée fixe » de Jacques Chancel – aux éditions Julliard, alors dirigées par Marcel Jullian. Il s’agit de permettre « à des écrivains d’énoncer sans détour le secret dont ils ont nourri jusqu’ici sournoisement leurs livres ».

Matzneff assène d’emblée : « La vérité est que si les gens savaient lire, ils n’auraient pas besoin qu’Idée fixe leur mît les points sur les i. Mais voilà, les gens ne savent pas lire, ils ne lisent pas, ils feuillettent nos bouquins au drugstore, ils parcourent en diagonale les articles que la presse nous consacre, c’est bien suffisant, l’important pour eux n’est pas de connaître un auteur, mais de pouvoir en parler. D’où la nécessité d’une explication de texte, comme à l’école, d’où l’utilité d’Idée fixe. »

Les Moins de seize ans s’avère, dans la production matznévienne, frontière entre son activité de diariste, qui lui permet de se livrer sans fard, dans toute sa crudité de prédateur sexuel, et les ouvrages se prétendant plus respectables, dans lesquels il avance pourtant à peine masqué, tant la ligne de démarcation s’avère plus ténue que tenue.

Exemple avec Comme le feu mêlé d’aromates, publié en 1969 et réédité par La Table ronde en 2008. Lors de sa parution, Dominique de Roux écrivit dans Le Magazine littéraire : « Entre les créateurs de la trempe de Matzneff et les rabougris mentaux, fétichistes de l'actualité, il y a la même différence qu'entre les jeunes princes mongols de la cour de Gengis Khan et les évêques gâteux de l'Église de Rome. Par la gloire lente de ses pudeurs, par sa respiration calme et ses éclairs, Comme le feu mêlé d’aromates est, à lui seul, beaucoup plus important que l'ensemble de la pensée dite philosophique en France depuis la Libération. »

Le style fatal flatteur avant la lettre d’un tel dithyrambe, tenant lieu de recension critique, donne à imaginer les crêtes spirituelles auxquelles le lecteur est appelé à se mesurer. Or voici ce qu’il nous y faut lire. La scène se passe en Mai-68, qui trouve l’écrivain en Espagne avec sa « petite amie censée préparer son bachot » mais qui n’en fait rien – Matzneff ajoute alors : « Les filles à diplômes me font peur », ce qui a son importance, nous y reviendrons.

Quelques pages plus loin : « La charmante lycéenne qui m’accompagnait en Espagne a pu, quoique nous ne fussions rentrés à Paris que le 14 juin et qu’elle n’eût pas ouvert un manuel scolaire depuis deux mois, se présenter à son bachot et y être triomphalement reçue. À qui doit-elle en rendre grâce ? Aux trotskystes qui ont bouleversé l’école française ? À mon cher abbé de Saint-Cyran dont le tombeau se trouve à quelques mètres du centre d’examens de la rue de l’Abbé-de-l’Épée ? À Priape, fils de Dionysos et d’Aphrodite, qui malgré son air bougon et sa barbe hirsute, est propice aux amants et qui, dans une inscription grecque gravée dans une statuette du musée du cardinal Albani, est nommé le sauveur du monde ? »

Gabriel Matzneff a disparu des rayons, à la librairie Gallimard du boulevard Raspail (Paris VIIe). Matzneff tombe à l'eau, qu'est-ce qui reste ? Maulnier ! © AP

Tout est en place : la concordance des temps qui signale l’être quintessencié, suffisamment loin du dérèglement pour employer à la perfection le subjonctif imparfait ; l’érudition qui voile d’un clin d’œil complice ce qui ne saurait passer pour souffrances orgiaques infligées à plus petit que soi ; le paravent de la religion accordant forcément le pardon à celui qui rencontre Dieu au septième ciel.

Sûr d’avoir ferré son lecteur, Matzneff enfonce ainsi le clou dans Comme le feu mêlé d’aromates : « Le lit a toujours été le meuble essentiel, souvent l’unique, de mes domiciles parisiens : c’est mon terrain de chasse, fatal à l’innocence des petites perdrix dont, comme chacun sait, le sort est d’être mangées sur canapé. »

Est-ce « beaucoup plus important que l'ensemble de la pensée dite philosophique en France depuis la Libération » ? C’est en tout cas, suivez la chair fraîche ainsi humée à larges narines, une entrée dans la caverne du rapineur : « J’ai toujours eu un faible pour les ogres », est-il écrit en toutes lettres, dans Les Moins de seize ans, au chapitre benoitement intitulé « Les ogres ». Cette caverne aux supplices, un pan de l’œuvre matznévienne en joue donc le rôle de seuil – d’exonarthex pour écrire comme lui.

Entre l’ouvrage prétendu honorable et le tout-venant pédocriminel sans filtre qu’est le journal, Gabriel Matzneff a ainsi conçu son antichambre des horreurs, le jardin d’acclimatation de ses désirs pervers, la membrane à traverser pour mettre cap au pire : des essais, dont Les Moins de seize ans apparaît comme le plus caractéristique.

Extrait : « Lorsque nous allumons un feu dans le cœur de l’un d’eux, nous ne savons pas si, passée la frénésie sensuelle des premiers jours ou des premières semaines, nous aurons encore envie d’alimenter ce feu, nous ne savons pas davantage si nous serons alors capables de l’éteindre. Détacher un/une gosse de soi est parfois plus difficile que de se l’attacher. »

Deux paragraphes plus loin : « L’un des charmes d’une liaison avec un gamin ou une gamine, c’est précisément que la famille et l’école occupant une grande partie de son temps, on ne le/la voit qu’assez peu, que ces brefs instants sont consacrés entièrement à l’amour, et que l’on échappe ainsi à la pesanteur du tête-à-tête permanent, ce tombeau de la passion. »

La phrase suivante est sans appel : « J’ajoute que ces réflexions sur la possessivité de l’extrême jeunesse valent moins pour les garçons que pour les filles. Non que les mômichonnes soient plus sentimentales que les mômes, mais un garçon de quatorze ou quinze ans, même s’il est très épris de vous, sait obscurément qu’il ne passera pas toute sa vie dans vos bras ; au lieu qu’une fille, dès qu’elle est amoureuse, se met à gamberger, rêve de cohabitation, de vie à deux, d’éternité. »

Le livre est dédicacé à une jeune amante sur laquelle avait alors fait main basse Matzneff : Francesca. Des extraits de ses lettres emballées – c’est-à-dire assujetties, domptées, encagées – à son seigneur et maître Gabriel sont reproduits sans vergogne.

« Pourquoi tu me tripotes ? »

Vingt ans après, en 1994, dans sa préface à la réédition du livre, l’auteur écrit ceci : « Les impostures de l’ordre moral n’ont jamais été aussi frétillantes et bruyantes. La cage où l’État, la société et la famille enferment les mineurs reste hystériquement verrouillée. Ravissantes lycéennes ! Écoliers frondeurs ! Ce n’est pas encore demain que vos professeurs puiseront leurs textes de dictée et leurs sujets de dissertation dans Les Moins de seize ans. Ce petit livre au titre innocent, c’est de la dynamite. »

Le pervers inverse les choses. L’innocence est sa partie, tandis que la société encage les enfants qu’il se fait fort d’affranchir. Dans une seconde préface, en 2005, pour la dernière réédition en date (chez Léo Scheer) des Moins de seize ans, l’auteur, du haut de ses 69 ans, se livre à un plaidoyer incendiaire, frôlant le délire, empli de contradictions, dont voici un passage significatif :

« En amour, j’ai horreur de la brutalité, de la coercition. Que l’on rétablît la peine de mort pour les pédophobes, c’est-à-dire les violeurs et les assassins d’enfants, je ne m’en émouvrais guère (en notant cependant que les lois imbéciles contre la philopédie ne peuvent qu’inciter des esprits faibles à paniquer, à violenter). Francesca, quinze ans, dont les lettres d’amour sont le joyau des Moins de seize ans, peut en témoigner, mais aussi Marie-Élisabeth, quinze ans, Olivier […1] ans. […] »

À ce stade du texte, une note indique – elle en dit long sur l’ivresse de la transgression et le sentiment d’impunité d’un écrivain qui se voudrait mutin : « Mon avocat a fait – quel étourdi ! – une tache d’encre sur ce chiffre. Je renvoie les curieux qui voudraient à tout prix le connaître à mon roman Ivre de vin perdu où le jeune Olivier m’a inspiré un charmant personnage prénommé Jean-Marc. »

Et Matzneff de poursuivre sa liste, persuadé de s'élever jusqu’au sommet de « l’air du catalogue », joyau du Don Giovanni de Mozart : « Anne, quinze ans, Fabrice, quinze ans, Vanessa, quatorze ans, Véronique, seize ans, Aouatife, quinze ans, Maud, dix-sept ans, Justine, quinze ans, sans oublier les jeunes filles majeures et vaccinées qui ont partagé ou partagent ma vie. Ce que j’aime, c’est charmer, séduire, conquérir et au lit seule me captive la réciprocité du plaisir et de l’élan. L’amour vénal n’est pas ma tasse de thé et je pense que peu d’hommes ont moins que moi recours à lui. Dans les pays dont je ne parle pas la langue, réduit au rang de l’imbécile touriste lambda, si je n’ai pas apporté mon biscuit, je suis parfois contraint de recourir aux câlins mercenaires ; mais ceux-ci, qu’il s’agisse des pueri delicati d’Hikkaduwa ou des petites michetonneuses du Harrison Plaza, se déroulent toujours sous le signe de la confiance et de la gentillesse. »

La réciprocité n’est que poudre aux yeux. Un égoïsme de fer transpire dans le journal de Matzneff, en particulier dansCarnets noirs (2007-2008), volume publié chez Léo Scheer – avec moins d’interventions d’éditeurs (Philippe Sollers, Christian Giudicelli) ou d’avocats que chez Gallimard : « Je ne peux plus me payer le luxe de perdre mon énergie, ma bonne humeur et mon temps en disputes amoureuses, en fausses ruptures, en bêtises passionnelles qui ont certes durant des années nourri mon inspiration romanesque, vivifié mon travail d’écrivain, mais qui aujourd’hui seraient véritablement surannées. Je vais donc ouvrir ma porte ce soir à Marie-Agnès. Ma porte et mon lit. S’il veut préserver sa bonne humeur, son insouciance, un homme d’esprit doit toujours en revenir à la phrase essentielle, définitive, de Lacenaire dans Les Enfants du Paradis “Lacenaire n’est pas de ceux qui se compliquent l’existence par une histoire de femme. C’est peu de chose, les femmes.” »

 

Autre extrait du même volume, qui donne la mesure de l’autolâtrie endurcie de l’écumeur d’amour, du giboyeur, du prédateur Gabriel Matzneff : 

« Hier après-midi, Anastasia m’a donné un plaisir extrême. Aucune masseuse de Bangkok, aucun michetonneur de Manille ou de Colombo n’aurait pu m’en donner davantage. Dans ces conditions, pourquoi ne pas rester chez soi ? Il y a de la ringardise (j’ai écrit sur ce thème quelques lignes définitives dans Les Passions schismatiques) à ne pas être capable d’avoir une vie amoureuse enthousiasmante dans son pays, à être contraint à l’exotisme pour tirer son coup. Ce que l’on appelle aujourd’hui (en fronçant les sourcils) le “tourisme sexuel” est toujours un tourisme de ratés, de pauvres types. »

Le paragraphe suivant dédouane l’auteur, de façon symptomatique : « Avec, cela va de soi, de notables exceptions : ni Byron, ni Gide, ni Montherlant n’était des pauvres types. 811 et moi nous ne le sommes pas davantage lorsque nous faisons des galipettes en Orient avec le jeune Nelson ou le jeune Lito. En réalité, c’est le grand nombre qui pourrit tout. Le libertinage, dès qu’il cesse d’être aristocratique, réservé à un petit nombre d’hommes, dès qu’il se démocratise, c’est la fin des haricots. Le mal, c’est la promiscuité. »

811, c’est donc Christian Giudicelli, ainsi que le révèle Matzneff, notamment dans une note des Émiles de Gab la Rafale. Christian Giudicelli, membre du comité de lecture de Gallimard, dont le bureau, chaque mardi après-midi, permettait jusqu’à l’automne dernier à son ami et complice Gabriel de faire salon dans la grande maison. Un éditeur du cru osa un jour questionner Giudicellli sur ses virées pédocriminelles en Asie : « Tu ne peux pas comprendre, les enfants, là-bas, ont un autre statut, une autre fonction, d’autres désirs moins inassouvis qu’en Occident », répondit Giudicelli à son interlocuteur, effaré par un tel tropisme raciste justifiant l’injustifiable.

Tout au long des différents tomes du journal de Matzneff, le verni dandy ne cesse de craqueler pour laisser place à la bassesse et à la beaufitude (lire sous l'onglet « Prolonger »). À preuve « une hymne » (ce substantif est féminin dans le champ religieux et masculin dans le domaine profane) reproduite, p. 298 des Carnets noirs 2007-2008, avec ce commentaire : « Certes, ce n’est l’Ode au maréchal Pétain de Paul Claudel mais, chanté à tue-tête sur les bords de la Cèze par Giudicelli (qui a composé la musique) et Matzneff, ça a de la gueule. » Voici le cantique en question :

Pourquoi tu me tripotes ?
Parce que je suis ton pote !
Pourquoi tu me chatouilles ?
Parce que t’as d’belles couilles !
Pourquoi tu me taquines ?
Parce que t’as une grosse pine !
Pourquoi tu me la suces ?
Parce que t’as pas d’prépuce !
Pourquoi La Roque-sur-Cèze ?
Parce que c’est là qu’on baise !
Pourquoi tu gesticules ?
Parce que tu éjacules !
Pourquoi est-ce qu’tu m’grattes ?
Parce que j’adore ta chatte !
Pourquoi pas la Royal ?
Parce qu’elle baise trop mal !
Pourquoi pas Sarkozy ?
Parce qu’il n’a pas d’zizi !

À quelques pages d’une telle momerie, ce paragraphe : « Les théologiens orthodoxes de 2008, Jean-François Colosimo, Bertrand Vergely, même si dans le privé ils me disent volontiers ce qu’ils me doivent, n’aiment pas trop proclamer cette dette dans leurs ouvrages et je n’apparais guère dans leur abondante bibliographie ; mais après ma mort il y aura, j’en suis convaincu, des chercheurs qui sauront dire mon apport à la réflexion existentielle du vingt-et-unième siècle. »

« La légèreté, l'insouciance m'habitent »

L’imposture et la nullité font bon ménage au long de carnets répétitifs, assommants, écœurants, tournant autour de rituels fétichistes et mécaniques : l'obsession de son poids sur la balance, les crus qu'il se siffle dans une litanie de restaurants dûment cités, la haine du monde moderne, le mépris de ses contemporains, et bien sûr ses monomanies sexuelles, assouvies – résumons en édulcorant – une fois qu'il a pu visiter sans encombre les trois havres qu’il s'assigne chez ses jeunes proies féminines.

Matzneff ne voit autrui que comme la prolongation de sa personne et de ses désirs, qui seuls priment, en un égoïsme qui ne saurait se parer d’égotisme : « Les filles que je baise gratis, les filles qui m’aiment, le prix, ce n’est pas mon fric, c’est mon temps. Après la baise il faut rester ensemble, les distraire, leur consacrer la soirée, parfois dormir avec, ça n’en finit plus. »

Or dans le même temps, l’écrivain collectionneur ne supporte pas qu’une de ses conquêtes lui échappe, établisse la moindre distance, retrouve l’autonomie qu’il avait consciencieusement, sadiquement, annihilée. Il se plaint que sa première (et seule) épouse soit devenue féministe. Il craint, nous l'avons vu, « les filles à diplômes ». Il les veut nues : sans défense, à sa main, sous son emprise.

Il lui faut, mentalement, les posséder à jamais. Gare aux transfuges, comme cette Anne ainsi exécutée : « Eh bien, elle m’a répondu, et répondu pour m’annoncer qu’elle était grosse, qu’elle s’était fait bouter un poupard dans le Capitole par je ne sais quel connard de jeune cadre dynamique ! Ma géniale Anne ! En cloque ! Et d’un autre ! Quelle surprise ! Quelle déception ! »

Idem concernant celle qui devait, en janvier 2020, signer sa perte avec Le Consentement. Il apprend, en 2007, que cette ancienne proie ayant échappé à ses griffes est mariée, mère d’un enfant : « J’espère que Vanessa aura, si c’est un garçon, prénommé son mouflet Gabriel. »

L’écrivain, privé de butin charnel, entend que la coercition se poursuive par les lettres : « Ni Anne, ni Aouatife, ni Éléonore ne lisent plus mes livres, elles ont tenu à me le faire savoir. J’espère néanmoins, lorsque les lignes ci-devant seront publiées, que quelqu’un leur mettra le nez dessus, à ces minables renégates. »

Pour comprendre la revanche de Vanessa Spingora et la rage de Gabriel Matzneff qui prétend ne pas avoir lu Le Consentement, il faut imaginer l’insupportable effet boomerang littéraire produit sur l’épingleur épinglé. Dans un texte mis en ligne sur le site des éditions Léo Scheer à l’été 2007, prétendument consacré à Nathalie Rheims mais qui ne concernait que lui, l’écrivain dépouilleur des reins et des cœurs commençait par jouer au Pygmalion : « Longtemps, j’ai eu la conviction qu’une des jeunes femmes qui ont partagé ma vie écrirait un roman sur nos amours. » Puis il fermait la porte à une telle hypothèse : « L’écrivain, c’est moi. C’est à moi, non à elles, qu’incombe la charge d’être le scribe de nos amours. Picasso a peint ses épouses et ses maîtresses, parfois habillées, le plus souvent nues, mais aucune d’elles n’a songé à peindre Picasso. »

Dans son journal, à propos de ce billet de blog qui cloue au pilori des êtres qui ne sont plus que pour avoir été sacrifiés par ses soins, Matzneff note : « Je me demande qui la lira des ex que j’y évoque ! » Il était loin d’imaginer – il n’en est toujours pas revenu – que moins de treize ans plus tard, l’une de ces femmes traitées comme jouets se saisirait de l’écriture pour le terrasser.

Lui qui en était encore à s’échauffer la bile dans ses Carnets noirs : « Ces lamentables truqueuses me donnent la nausée. Heureusement il y a mon journal, heureusement il y a leurs lettres, désormais en sécurité, pour témoigner de ce que nous avons vécu. »

En sécurité ? Oui, à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC) : « Ce matin, assemblée générale de l’IMEC, rue de Rivoli. Quel soulagement, avoir mon carteggio amoureux à l’abbaye d’Ardenne, quelle tranquillité, quelle liberté ! » Un peu plus loin, toujours dans les Carnets noirs : « La légèreté, l’insouciance m’habitent depuis qu’en septembre 2004 j’ai mis en sécurité l’ensemble des archives de ma vie amoureuse (lettres, photos, documents divers). »

 

 

En 2006, Gabriel Matzneff dédiait son roman Voici venir le fiancé au directeur de l’IMEC, Olivier Corpet, et à son bras droit, Albert Dichy. En janvier 2020, Mediapart contactait Albert Dichy et la remplaçante d’Olivier Corpet, Nathalie Léger, qui firent les morts. Le 12 février 2020, la police perquisitionnait l’IMEC à l’abbaye d’Ardenne pour récupérer les pièces à conviction qui gisent dans le « carteggio amoureux ». Nouvel effet boomerang pour un écrivain qui ne croyait pas si mal dire : « Quelle tranquillité, quelle liberté ! » Le voici prisonnier de ses écrits, les fonctionnaires de l’Office central pour la répression des violences aux personnes l’ayant pris au pied de la lettre.

Idem pour son coffre dans un établissement bancaire : la police n’a eu qu’à lire, pour perquisitionner, des passages de son journal, tel celui-ci : « Même si un jour j’étais atteint de la maladie d’Alzheimer, ce ne serait pas grave : ma mémoire est archivée, l’essentiel de mon travail est publié, mes carnets noirs inédits sont au coffre-fort, ce serait bien tranquille que je m’enfoncerais dans la brume. » Le piège s’est refermé sur le fanfaron obnubilé, intoxiqué, drogué de soi-même ; jusqu’à devenir son propre historiographe et conservateur du patrimoine.

Jusqu’où est allé, en miroir de celui de la critique littéraire et de ses éditeurs, l’aveuglement volontaire de Gabriel Matzneff en personne ? Il a longtemps joué au bravache, se posant en victime des « conditions atmosphériques », c’est-à-dire de tous ces « oukases des ligues de vertu ». Il tempête dans son journal, accablé « par la crétinisation de la planète, par la confusion désormais officielle, obligatoire, entre le donjuanisme et la coercition, la séduction et le viol, Casanova et Dutroux ».

Certaines pages témoignent d'une effronterie crâne : « Nous dînions, un remue-ménage dans la rue nous a fait mettre le nez à la fenêtre. En bas, des policiers fouillaient (puis ont embarqué) deux jeunes gens. Marie-Agnès, après avoir jeté un coup d'œil et vu les flics, m'a lancé d'un ton narquois : – Pour une fois, c'est pas pour vous ! » Histoire de donner idée du mélange de cynisme et d’inconscience du personnage, il y a cette phrase, écrite à 71 ans : « À ce jour, je n’ai aucune amante de moins de vingt ans. La plus jeune vient de fêter son vingt-septième anniversaire. Quelle dégringolade ! »

Roué, l’homme se pose en victime expiatoire, ainsi à même de rallier à son panache tous ceux qui n’ont pas eu l’occasion de défendre l’embastillé Voltaire, le proscrit Hugo, le persécuté Baudelaire : « À droite comme à gauche, l’individualisme hédoniste a toujours eu mauvaise presse et, dans les périodes troublées, il devient immanquablement le bouc émissaire, la source de tous les maux de la société. Comme chacun sait, le responsable de la débâcle française de 1940, c’est André Gide. »

Toutefois, Matzneff pousse l’impudence pétocharde jusqu’à relater ainsi sa réaction à l’élection de Nicolas Sarkozy, le dimanche 6 mai 2007, que lui annonce un maître d’hôtel de la brasserie Lipp où il dîne : « Quel soulagement ! Sarkozy parle (comme la Royal) un français approximatif, il ne doit guère s’intéresser aux arts et aux lettres, nous n’avons pas les mêmes opinions sur les États-Unis, sur l’Europe, sur la politique arabe de la France, mais ce nonobstant j’éprouve un plaisir immense à la nouvelle de la défaite de la ligueuse néo-pétainiste qui, si elle avait triomphé, aurait poursuivi avec une haineuse pertinacité les libertins, les philopèdes, les “pervers”. »

Et il ajoute cet aveu qui en dit long : « Sarkozy, lui aussi, s’est cru obligé, au cours de cette campagne électorale hyperconservatrice, de rompre des lances contre l’hédonisme, mais lui, c’est Berlusconi, les histoires de culottes Petit Bateau, il s’en fout. Avec lui nous serons bien tranquilles. »

Cette phrase pose deux questions. La première, en forme de zoom : qui désigne ce « nous » à même de jouir d’une tranquillité assurée – les « philopèdes », c’est-à-dire les pédocriminels, formeraient-ils une petite forêt que n’entendrait pas cacher à lui seul l’arbre Matzneff ?

La seconde question relève du panoramique politique. Comment un tel écrivain, dont les « galipettes » en Asie s’apparentent à la continuation des expéditions coloniales par d’autres moyens, a-t-il pu bénéficier d’amitiés et de protections à gauche – contrairement à un Renaud Camus qui s’est uniquement blindé à droite toute ?

Une cartographie de ce petit milieu

Gabriel Matzneff ne cache pas toujours son racisme, dont témoignent, par exemple, ces lignes : « Ce brave Césaire, le “nègre fondamental” (sic), a eu droit aux obsèques nationales qui furent refusées à Proust, à Gide, à Céline, à Montherlant, à Claudel, à Sartre, à Aragon. »

Or l’écrivain délictueux ne cesse de se revendiquer de certains membres du parti socialiste, par-delà François Mitterrand – avec lequel, en 1965, il cherchait, au jardin du Luxembourg, le chemin le plus court pour atteindre l’Élysée. Matzneff se réclame de l’amitié de l’ancien maire de Paris Bertrand Delanoë, et surtout de son adjoint à la culture – qui occupe aujourd’hui les mêmes fonctions aux côtés d’Anne Hidalgo : Christophe Girard.

Celui-ci a accepté, au mois de janvier, de répondre à Mediapart. Il est souvent cité dans les Carnets noirs 2007-2009. Gabriel Matzneff y consigne, par exemple, avoir assisté à une réunion électorale sur son invitation. Christophe Girard élude : « Oh ! vous savez, il venait en s’invitant lui-même. » Christophe Girard a reçu, en service de presse et dédicacés, tous les livres publiés par l'écrivain depuis près de trente ans, mais il dit ne pas avoir pris le temps de les lire – comme tout le monde, semble-t-il.

Gabriel Matzneff, en février 2019, à la librairie «Les Cahiers de Colette» à Paris (IVe), avec à sa gauche Guillaume de Sardes et à sa droite Christophe Girard (Matzneff a en main le roman historique «Perdre la paix. Keynes 1919» publié en 2015 par Christophe Girard chez l'éditeur suisse Hélice Hélas). © DR

Vient la question essentielle : n’y a-t-il pas eu, de la part de certains homosexuels se situant à gauche, la tentation de couvrir la pédophilie au nom d’une solidarité fantasmée reliant les parias de la société ? Plutôt que de répondre sur ce lien idéologique illusoire, Christophe Girard préfère prendre ses distances : « Nous n’étions pas dans le même couloir, nous n’avions pas le même imaginaire ni les mêmes fantasmes ou désirs, Matzneff et moi. » Cette réponse, qui cherche à distinguer, alors que l’interrogation portait sur le pourquoi d’une entraide abusive, retrouve curieusement une veine matznevienne.

Dans Les Moins de seize ans, l’écrivain affirme en effet : « Ce qui me captive, c’est moins un sexe déterminé que l’extrême jeunesse, celle qui s'étend de la dixième à la seizième année et qui me semble être – bien plus que ce qu'on entend d'ordinaire par cette formule – le véritable troisième sexe. » Pour en arriver à ceci : « Être homosexuel, c'est désirer son semblable, son double. La différence d'aspect somatique, d'âge et de mentalité font qu'un homme de plus de vingt ans et un gosse sont des êtres profondément hétérogènes. Une fille de seize ans et un garçon de quatorze ans se ressemblent plus qu'un homme adulte ne ressemble à un garçon de quatorze ans. »

Soudain, pour Mediapart, Christophe Girard se livre à une vibrante apologie du livre de Vanessa Springora, qui « ouvre la voie à ceux qui n'ont pas encore osé aborder de front une telle épreuve si douloureuse », laissant entendre que la différence capitale d'avec Matzneff, c'est que pour sa part, il a fait partie des proies et non des chasseurs.

Venons-en à la question financière. Gabriel Matzneff mène grand train, voyage en première classe par haine du tourisme de masse si l'on en croit son journal, ne se refuse aucun restaurant et trouve refuge dans des hôtels grand genre. Une telle aisance, murmure le milieu vipérin de l'édition, devrait aux mécènes germanopratins habituels, au rang desquels Christophe Girard. Celui-ci dément aider financièrement l'écrivain sulfureux : « Simplement, lorsque j'étais secrétaire général de la Fondation Yves Saint Laurent, Pierre Bergé, qui avait ses œuvres, m'a demandé, dans les années 1990, de veiller à ce que Gabriel Matzneff puisse vivre à l'hôtel, dont la note était réglée par la fondation, entre le moment où il a vendu son petit appartement près du Luxembourg et le moment où la ville de Paris lui a affecté un studio dans un autre quartier du Ve arrondissement. »

 

À l’échelle parisienne, l’écrivain prétendument maudit s’est constitué un réseau de protecteurs – essentiellement masculins –, dont témoignent les différents volumes de son journal, qui finit par former une cartographie de ce petit milieu. Certaines pièces maîtresses ont disparu au fil du temps, tel Jean d’Ormesson, ou encore Jean Miot, son voisin du dessus dans l’immeuble de la ville de Paris, ancien grand manitou du Figaro et pilier de la franc-maçonnerie. Les connaissances se voûtent – Roland Dumas –, ou blanchissent secrètement : Jack Lang. Mais les vieux de la vieille résistent : Philippe de Saint-Robert, passé de Georges Pompidou à Radio-Courtoisie, François d’Orcival de Valeurs Actuelles, Roland Jaccard – longtemps au Monde des Livres.

Chez Lipp, on bavarde avec Jérôme Béglé du Point et le confrère Philippe Besson. On croise le critique dramatique Jacques Nerson. On dîne chez Paul-Marie Coûteaux, éternel forban des courants d’extrême droite. Bernard-Henri Lévy n’est jamais loin. Franz-Olivier Giesbert traîne souvent dans les parages. Gilles Pudlowski a toujours un compliment sur le feu. Frédéric Beigbeder rend service et service lui est rendu : « À France Inter où j'enregistre une émission avec Frédéric Beigbeder : il parlera de mon dernier livre et moi du sien. »

Et puis, la relève existe. Chez les avocats, où Emmanuel Pierrat prend la suite du fidèle Henri Fabre-Luce. Parmi les éditeurs, grâce à Pierre-Guillaume de Roux. Au sein de la critique littéraire, surtout, où surgissent de jeunes thuriféraires s’arrangeant pour se hisser jusqu'au Monde : Vincent Roy ou encore Florent Georgesco, à l’origine salarié des éditions Léo Scheer. M. Georgesco, désigné au rang d'ami fidèle, est vivement remercié dans Carnets noirs 2007-2008 pour son « œil typographique » : il est passé derrière les correcteurs de Gallimard pour faire la chasse aux coquilles émaillant Les Demoiselles de Taranne.

L’endogamie, le copinage, la complaisance et la corruption intellectuelle suintent à chaque page. Il y a ceux qui allaient rompre dans les années 2010, mais qui sont encore proches dans la décennie précédente : Christine Angot et, dans une moindre mesure, le critique véhément Juan Asensio. Il y a Emmanuel Carrère qui, selon l’intéressé, y va d’une déclaration enivrante – et sans doute enivrée : « Je voulais vous dire l’admiration que j’ai pour vos livres et pour votre vie, pour celui que vous êtes. Sachez que nous sommes nombreux à vous admirer et à vous aimer. Et puis, vous êtes beau ! »

Gabriel Matzneff consigne également ses conversations avec le médecin Yves Pouliquen, de l’Académie française – mort le 5 février dernier. Ce président d'honneur de l'Organisation pour la prévention de la cécité encourageait son confrère, de cinq ans son cadet, à se faire moins de tort social en cessant de se divulguer plus que de raison. « Il évoque son vieux cheval qui a terminé sa vie dans un pré entouré de six juments et opine que mes ex devraient, elles aussi, constituer une société qui veillerait sur moi dans ma vieillesse, adoucirait mes vieux jours », note le diariste.

Ainsi parrainé, prémuni, voire épaulé, mais proclamant être ostracisé à longueur de pages, Gabriel Matzneff se leurre lourdement : immense écrivain il est, va-t-il répétant. Parfois le doute s’insinue. De même que le donjuanisme camoufle une fuite face aux camouflets érectiles, le grand-prosateur-qui-prend-la-pose pressent qu’il ne tient pas la route de la postérité.

Parmi tant d’abjections et de miroitements narcissiques, de temps à autre, la prose désespérante de fatuité de M. Matzneff cède, pour aussitôt l’étouffer, à la puissance du vrai : « Parfois, trop souvent, j’ai le sentiment que mes lecteurs (masculins) les plus fervents m’admirent et me lisent pour de mauvaises raisons, pour ce qu’il y a de pire en moi ; que j’assume leur part d’ombre ; qu’ils vivent à travers moi ce qu’ils n’oseraient jamais vivre. »

Ou encore et pour finir : « Si mes livres me survivent, je serai justifié. Si mes livres sont encore vivants cinquante ans, cent ans après ma mort, je serai justifié. Si mes livres meurent avec moi, je n’aurai été qu’un aventurier. »

Ses livres sont morts avant lui. Que n’aura-t-il été, en définitive ?

quelques dessins politiques de Chantal Montellier
quelques dessins politiques de Chantal Montellier
quelques dessins politiques de Chantal Montellier
quelques dessins politiques de Chantal Montellier
quelques dessins politiques de Chantal Montellier
quelques dessins politiques de Chantal Montellier

quelques dessins politiques de Chantal Montellier

Lire la suite

L'éveil d'une génération : Jean-Yves Debreuille / Nouria Rabeh

31 Janvier 2020 , Rédigé par grossel Publié dans #cahiers de l'égaré, #poésie, #écriture

Nouria Rabeh, poète lyonnaise d’origine marocaine vit au quotidien selon les deux approches de deux immenses poètes allemands se posant la question : pourquoi des poètes en temps de détresse ? Selon le premier, Hölderlin Plein de mérites, mais en poète l’homme habite sur cette terre, phrase qui a suscité un important commentaire de Heidegger.

Quant au second, Novalis, il affirme : La poésie est le réel véritablement absolu. Plus c’est poétique, plus c’est vrai.

Françoise Dastur a consacré un bel essai à ces deux figures majeures.

Dans la cosmologie de Novalis où « tout est symptôme de tout », où les corps « peuvent s’évaporer en gaz ou se condenser en or », où « un véritable amour pour une chose inanimée est parfaitement concevable », où toutes les inclinations du cœur « semblent n’être que religion appliquée » et le ciel lui-même rien d’autre que « le produit supérieur du cœur productif », il n’y a pas de chose absolument isolée, si ce n’est « la chose en soi », c’est-à-dire « la matière simple », non déterminable, ni connaissable. On comprend alors pourquoi il peut affirmer qu’« un amour fondé sur la foi est religion » , car seule une religion qui trouve Dieu partout, jusque dans la moindre chose, peut identifier Dieu et l’amour.

Pour Hölderlin aussi, dans la nuit moderne règne encore le sacré, car même si « Le Père ayant détourné des hommes son visage, la tristesse a établi son juste règne sur la terre », néanmoins « nous gardons souvenance aussi des Immortels, qui furent jadis nos hôtes, et qui reviendrons au temps propice », car « le dieu du vin » que « chantent les poètes » est « celui qui réconcilie le jour avec la nuit »

Françoise Dastur dans Retrait des dieux et modernité selon Novalis et Hölderlin (Les études philosophiques 2016)page8image3779632 page8image3779840 page8image3780048 page8image3780256

Nouria Rabeh retrouve intuitivement cette religion (de religare, relier), cette philosophie qui trouve Dieu partout (Dieu, les dieux, qui peuvent porter d’autres noms : la Présence, le Soi, l’Infini dans le fini, l’Éternité d’une seconde Bleu Giotto).

C’est avec l’école de Rochefort (fondée en 1941 par Jean Bouhier et qui fut active pendant une vingtaine d’années) que Nouria Rabeh s’est nourrie. École fort riche avec des poètes comme René-Guy Cadou, Michel Manoll, Marcel Béalu, Jean Rousselot, Luc Bérimont, Jean Follain, Eugène Guillevic, Alexandre Toursky, Georges-Emmanuel Clancier, Gaston Puel... Elle en a fait un essai, paru aux Cahiers de l’Égaré : L’éveil d’une génération.

Jean-Claude Grosse

86 pages, format 15 X 21, couverture et intérieur ivoire, 12 €

86 pages, format 15 X 21, couverture et intérieur ivoire, 12 €


Nouria Rabeh 

L'éveil d'une génération / Jean-Yves Debreuille

ISBN : 978-2-35502-108-4
86 pages en format 15 X 21, couverture et papier ivoire

Jean-Yves Debreuille, éminent passeur de poètes, en particulier l'école de Rochefort et Lorand Gaspar

Lorsque j’ai décidé d’écrire ce livre, le 8 février 2016 en découvrant l’École de Rochefort à travers le cheminement de Jean- Yves Debreuille, celui-ci m’a permis de comprendre qu’il n’était pas extérieur à ma propre vie. Dans le même temps, cette année 2016 est parue aux Éditions Poésis, une Anthologie manifeste ayant pour titre : Habiter poétiquement le Monde. Ce fut pour moi une découverte. Je me souviens, il y a quelques années déjà, en cours de poésie, c’était la conclusion que mon professeur nous avait transmise et cette phrase m’avait profondément marquée. Était-ce une concordance ? Une rencontre, sûrement. Une réalité qui jaillit des profondeurs de la Terre... Et un questionnement qui m’a permis d’élargir le sens de mon existence.

Table des matières

Un cheminement intuitif ..............................................................   7

L’École de Rochefort : une découverte et un moment fort .......   13

Un humanisme à « hauteur d’homme » ......................................26

Habiter poétiquement le monde.................................................. 38

Un parcours traversé par le sens de la responsabilité 

et de l’empathie..........................................................................  41

La Poésie, une interrogation sur la Vie........................................ 51

Une rencontre poétique inévitable .............................................. 57

Bibliographie ............................................................................... 83

La religion du Poète pour faire référence à Tagore, ne repose sur aucun dogme, elle est l’expression multiple du cœur humain en résonnance avec ce vaste cosmos à l’intérieur et à l’extérieur de soi. Elle est le tissage ininterrompu des liens insondables qui nous connecte au monde et à la nature. Elle réside avant tout dans l’expansion de la compassion et non dans le comportement froid et distant de la discrimination. Cette poésie n’est pas éloignée de nous, elle est, comme dirait Guillevic, un poète qui a fréquenté l’Ecole de Rochefort à ses débuts, « présence à soi et aux choses au cours des actes les plus quotidiens : préparer son café, seul le matin dans une cuisine, aller au travail, regarder un pigeon qui passe, une pierre qui roule... Trouver à la vie – sa vie – une certaine tonalité, un certain prolongement, une certaine exaltation ; vivre tout évènement quotidien dans les coordonnées de l’éternité, c’est pour moi la poésie. » Vivre en poésie, Le Temps des Cerises, p. 10-11.

Durant mon parcours, j’ai compris que je pouvais gagner le combat contre la souffrance en faisant émerger l’unique trésor que je possède, celui de la dignité de la vie comme tout un chacun, le seul rayonne- ment possible qui me fasse goûter aujourd’hui la plus grande des joies : d’être en vie et d’aimer la vie. La Poésie, c’est l’éloge de la Vie, telle que l’on est, sans changer d’apparence et c’est reconnaître humblement sa place parmi les autres dans ce vaste univers fondamentalement régi par l’amour et la bienveillance. C’est une action qui permet d’accorder sa vie avec le rythme poétique en la redirigeant positivement vers un état de bonheur qui n’est ni matériel ni abstrait mais plutôt relié à une expérience vitale s’exprimant avec « notre chair et notre sang, nos angoisses » comme dirait Luc Bérimont, poète de Rochefort. Le poème n’est que le fruit qui contribue modestement à faire grandir à sa façon page11image1603648le flux gigantesque de cette mécanique du monde. La part de chacun dans cette démarche humaniste repose essentiellement sur le courage d’exister et la détermination profonde qu’« habiter poétiquement le monde » n’est pas qu’une idée vague et théorique mais réellement une concrétisation des valeurs et des efforts humains qui une fois rassem- blés sont en mesure de faire basculer ce monde d’indifférences et de déni, empoisonné par la colère, l’ignorance et l’avidité vers un courant de paix, d’éternité et d’amitié. Comme un battement d’ailes, pris dans un grand élan, la Poésie est ce déploiement de la vie.

Lorsque j’ai décidé d’écrire ce livre, le 8 février 2016 en découvrant l’École de Rochefort à travers le cheminement de Jean-Yves Debreuille, celui-ci m’a permis de comprendre qu’il n’était pas extérieur à ma propre vie. Dans le même temps, cette année est parue aux éditions Poésis, une anthologie manifeste ayant pour titre Habiter poétiquement le Monde. Ce fut pour moi une découverte. Je me souviens, il y a quelques années déjà, en cours de poésie, c’était la conclusion que mon professeur nous avait transmise et cette phrase m’avait profondément marquée. Etait- ce une concordance ? Une rencontre, sûrement. Une réalité qui jaillit des profondeurs de la Terre... Et un questionnement qui m’a permis d’élargir le sens de mon existence.

La planète scintille de bleu

Tout autour du ciel noir

Au silence fracassant

Évidé de toute atmosphère

Elle apparaît dans cet univers hostile

Comme une reine de l’espace

Devant ta beauté vivante

Tes montagnes, tes volcans,

Tes océans, tes mers, tes glaciers

Qu’en est-il de l’homme ?

Pourquoi faut-il que cet habitant

Rongé par une vision limitée

Ne s’émerveille plus ?

Inutile de chercher sous d’autres cieux

Un paradis qui n’existe pas

C’est ici, non loin de mes yeux

Que chante la cascade en fête

Participant au gazouillis de l’enfant

Heureux de vivre simplement
Il peut encore rêver le vaste horizon

Nouria Rabeh,

extrait du Ballet du Temps,

Les Cahiers de l’Égaré

Lire la suite

Les Tourterelles sacrées / Nouria Rabeh

31 Janvier 2020 , Rédigé par grossel Publié dans #cahiers de l'égaré, #poésie

Nouria Rabeh, poète lyonnaise d’origine marocaine vit au quotidien selon les deux approches de deux immenses poètes allemands se posant la question : pourquoi des poètes en temps de détresse ? Selon le premier, Hölderlin Plein de mérites, mais en poète l’homme habite sur cette terre, phrase qui a suscité un important commentaire de Heidegger.

Quant au second, Novalis, il affirme : La poésie est le réel véritablement absolu. Plus c’est poétique, plus c’est vrai.

Françoise Dastur a consacré un bel essai à ces deux figures majeures.

Dans la cosmologie de Novalis où « tout est symptôme de tout », où les corps « peuvent s’évaporer en gaz ou se condenser en or », où « un véritable amour pour une chose inanimée est parfaitement concevable », où toutes les inclinations du cœur « semblent n’être que religion appliquée » et le ciel lui-même rien d’autre que « le produit supérieur du cœur productif », il n’y a pas de chose absolument isolée, si ce n’est « la chose en soi », c’est-à-dire « la matière simple », non déterminable, ni connaissable. On comprend alors pourquoi il peut affirmer qu’« un amour fondé sur la foi est religion » , car seule une religion qui trouve Dieu partout, jusque dans la moindre chose, peut identifier Dieu et l’amour.

Pour Hölderlin aussi, dans la nuit moderne règne encore le sacré, car même si « Le Père ayant détourné des hommes son visage, la tristesse a établi son juste règne sur la terre », néanmoins « nous gardons souvenance aussi des Immortels, qui furent jadis nos hôtes, et qui reviendrons au temps propice », car « le dieu du vin » que « chantent les poètes » est « celui qui réconcilie le jour avec la nuit »

Françoise Dastur dans Retrait des dieux et modernité selon Novalis et Hölderlin (Les études philosophiques 2016)page8image3779632 page8image3779840 page8image3780048 page8image3780256

Nouria Rabeh retrouve intuitivement cette religion (de religare, relier), cette philosophie qui trouve Dieu partout (Dieu, les dieux, qui peuvent porter d’autres noms : la Présence, le Soi, l’Infini dans le fini, l’Éternité d’une seconde Bleu Giotto).

C’est avec l’école de Rochefort (fondée en 1941 par Jean Bouhier et qui fut active pendant une vingtaine d’années) que Nouria Rabeh s’est nourrie. École fort riche avec des poètes comme René-Guy Cadou, Michel Manoll, Marcel Béalu, Jean Rousselot, Luc Bérimont, Jean Follain, Eugène Guillevic, Alexandre Toursky, Georges-Emmanuel Clancier, Gaston Puel... Elle en a fait un essai, paru aux Cahiers de l’Égaré : L’éveil d’une génération.

Jean-Claude Grosse

Les Tourterelles sacrées / 100 poèmes / 100 femmes par Nouria Rabeh / Illustration de couverture Katheline Goossens / 112 pages / 12€

Les Tourterelles sacrées / 100 poèmes / 100 femmes par Nouria Rabeh / Illustration de couverture Katheline Goossens / 112 pages / 12€

PREFACE

Les tourterelles sacrées

Cent poèmes écrits par une femme à des femmes... Elles portent des prénoms très divers : Aïcha, Rachida, Myriam, Nadine, Anne, Béatrice, Suzy, Noriko, Jane... Elles sont dispersées aux quatre coins du monde, même si l’auteure a privilégié son pays, le Maroc, et la ville où elle demeure, Lyon : Casablanca, Oujda, Cannes, Sidney, Montréal, Paris, Evreux... Mais la grande originalité est celle du lien qui est créé. Ce ne sont pas des poèmes adressés, ce ne sont pas des portraits. À partir d’éléments de paysages, d’infimes événements biographiques, de variations de l’éclairage, ils rendent sensible une présence. Ce livre est un tableau vivant et mouvant de figures féminines qui font advenir une présence toujours recommencée qui nous touche, nous interpelle et nous fascine comme une force qui serait celle du féminin, dans sa multiplicité et dans son unité. René Guy Cadou a écrit Hélène ou le règne végétal. Ici, il s’agit du règne féminin, non au sens du pouvoir – même si ces femmes, dans leur fragilité, sont toutes des femmes puis- santes, mais au sens où la biologie nomme un ensemble d’êtres vivants – et vivantes, elles le sont intensément.

Règne qui est d’abord sourire. Le recueil s’ouvre sur un sourire, le sourire maternel, qui « irradie le chemin » et « trace la voie », et se termine de même, nous invitant à sauver la planète en retrouvant « le sens profond / d’un sourire authentique ». Ce sourire transparaît à travers les arbres, auxquels est adressée une prière comme à des dieux tutélaires. Grenadiers aux feuillages « bienveillants », horizon « des bambous noirs et des pommiers blancs », lumièredouce « comme du velours / à l’ombre des lauriers », fleurs de cactus – car le végétal sait se faire humble – au bord de l’autoroute, l’auteure l’affirme avec force, « les arbres me soutiennent ». « Règne végétal dont les nervures / Tracent l’histoire d’une épopée / Qui coule vers l’éternité ». Les arbres parlent « comme une prière douce / en attente de l’aube ». Car ils ont partie liée avec la lumière. Le soleil « crépite » sur les feuilles, en eux la lumière « traverse les parois du vent », ils constituent « un jardin de joie ». Dans « les matins du monde », « la forêt se met à chanter ». Le chant, comme les arbres, est énergie : « Je m’entendais chanter / traversée par une énergie ». Énergie faible, comme celle des « tourterelles sacrées » autour de la fontaine du jardin aux orangers, mais énergie qui est espérance « d’un lendemain d’éternité ». Ou énergie forte, quand il s’agit de « découvrir en soi / l’énergie d’un arbre ». Dans les jardins d’enfance, dans les paysages traversés, dans l’environnement même le plus lointain dans lequel Nouria Rabeh imagine ses correspondantes, telle Madame Ikeda à Tokyo, il y a, elle en est certaine, « l’ombrage frais / des feuillages bienveillants ». Le monde végétal unifie l’espace et l’accorde à l’humain, parce qu’il croît comme lui. « Le grenadier m’a offert / L’ombrage de ses feuilles / pour grandir en silence ».

Grenadiers, bambous, lauriers, cactus, ce sont majoritairement des essences méridionales. Elles ne sont jamais éloignées de la mer, car le regard s’est laissé porter par la houle maritime comme par la houle végétale. Au point d’imaginer, comme dans la fable, mythologique, une naissance au sein des eaux et portée par la vague. Horizons méditerranéens de l’enfance, envoyés aux correspondantes des quatre coins du monde. Car telle est « L’histoire passionnée / De mon être surgi / Au milieu des eaux / Et d’une végé- tation en fête / Captant l’équilibre de la mer. » Cette houle n’est pas seulement espace, elle est chargée de temps, les « souvenirs d’autrefois » « se répandent en vagues / sur la Méditerranée ». « L’arrière-pays de l’existence » est aussi vaste que la terre, que la mer et que le ciel, mais ce n’est pas un infini conceptuel, il a une géographie qui le désigne et qui l’ancre, et Faïza à Paris est invitée à rêver sur « l’infini bleu / qui voit s’éloigner / le ciel de mon Algérie ». Et s’agit-il vraiment d’un éloignement, ou au contraire de la découverte neuve d’un « accord profond / avec le souffle d’une respiration / comme d’une pluie de lumière » ? La lumière...Un des poètes qui comptent beaucoup pour Nouria, Lorand Gaspar, écrit que, qu’elle soit tranchante comme en Grèce ou dorée comme à Jérusalem, « les deux renvoient à la même clarté de ferment qu’on voit, aux deux crépuscules, monter dans les choses ». Chez elle non plus, la lumière n’est pas, malgré sa force et parfois sa violence, quand son flot « traverse les parois du vent » une agression, elle est plus souvent « comme l’aube qui attend de se défaire de la nuit / et de l’épaisseur du monde ». Elle danse « comme du velours / à l’ombre du laurier ». Elle prend la forme des « yeux bleus / d’un ciel amoureux ». Elle peut être « l’inspirante fusion / d’un ciel stellaire », mais tout aussi bien l’or modeste d’une fleur de pissenlit surgie au coin d’une rue bétonnée. Elle peut être « le regard bienveillant / de la lune blanche / qui agrandit mon espace / d’un jardin de joie ». Dans tous les cas, il s’agit d’exaltation et d’exultation, mais aussi, et sans contradiction, de sensualité douce : « Je suis traversée / par un rai de lumière / comme une chaude caresse ».

Car le mode d’habitation du monde qu’instaurent ces poèmes est définitivement la douceur. Il y a eu sourire au début, à la fin, il y a sourire au centre, toujours lié à la lumière bien sûr : « Au bord du rivage étonné / D’un sourire d’enfant / Naît l’espoir de l’aube ». Le mot émerveillement revient plusieurs fois : « Même l’infime (...) m’émerveille ». Il peut être dans le plus humble : dans « humilité », il y a « humus », la terre où l’on marche, mais sur laquelle on peut aussi danser « Humilité et confiance / Poussent à mes pieds / Qui dansent enfin ». De la danse naît un rapport transfiguré au corps et au monde. Cette fois, il ne s’agit plus d’émerveillement devant l’ infime, mais devant l’immense, plus d’isolement dans l’en-soi, fût-il heureux, mais de relation : « En toi en moi / L’émerveillement d’une joie pure / Qui boit le lait / De l’immensité ».

Toutefois, sérénité ne signifie pas béatitude, et encore moins apathie. Il s’agit de poèmes écrits par une femme pour des femmes, et ils ne sauraient faire abstraction de leur situation réelle. Il n’est pas question de militantisme politique, mais de conscience d’être un corps au milieu du monde. Qui ne nie pas sa sensualité : « Volupté du corps / Qui se déhanche / Au gré de mes pas ». Qui sait qu’il peut porter la vie, et qui en est fier, avec « le sentiment d’être un pont / Entre les eaux qui s’élancent ». Qui doit prendre sa part du « combat millénaire des femmes », tout en sachant pour son propre compte que « devenir une femme / est tout un art ». Qui s’efforce de faire péné- trer « l’énergie de la terre » « dans l’enclos merveilleux / du monde féminin ». La terre justement... À son égard, la responsabilité de la femme rejoint celle de l’humanité tout entière, et sur ce point, les propositions de bonheur ne sont pas loin d’être récusées. « Comment pourrais-je être heureuse / Sur une terre blessée » ? Le dernier poème est un rêve digne de Martin Luther King : « Si l’on se tenait la main / Pour sauver notre planète / retrouver le sens profond / D’un sourire authentique ». Le sourire encore, mais ce n’est pas le sourire figé des magazines – il ne l’a jamais été. Cette parole vraie d’une femme adressée à des femmes vise d’abord à l’authenticité. Elle s’inscrit dans des espaces clairement délimités, dans des moments nettement identifiés, elle incite au « creusement / D’une espace simple / Où fleurit l’instant / D’une vie sincère ».

Jean-Yves DEBREUILLE


Cette oeuvre sera présentée dans le cadre du Printemps des poètes, le 14 mars 2020 à partir de 18 H au Goethe Institut de Lyon, 18 Rue François Dauphin, 69002 Lyon. Je participerai à cette soirée de partage de poèmes en hommage à des femmes de toutes conditions. Nouria Rabeh a rencontré, échangé avec chacune d'elles pour que chaque poème soit au plus près de la vérité de chacune de ces femmes. Le titre suggère déjà la dimension poétique d'élévation voulue par l'auteur. Rendre hommage à des femmes souvent simples, dégager leur dimension sacrée. Une sacrée preuve de sororité en ces temps (et depuis si longtemps) de violences faites aux femmes (et aux enfants), violences encore trop tolérées.

Opération du 14 mars annulée, reportée sans doute au printemps 2021. Il me paraît évident que ces poèmes à la fois personnels et cosmiques travailleront consciemment ou inconsciemment chacune de ces femmes, que chacune sera envolée par son poème, que chacune sera en échange avec son poème, que chacune deviendra tourterelle sacrée. Chaque poème sera effet de vie au sens de Mathieu-Charles Münch.

JCG


Une des cent tourterelles sacrées de Nouria Rabeh
Ame-fleur
Inspiration du temps
Qui se souvient
De la douceur du vent
D’une voix secrète
Au regard lointain
Rêverie du moment
D’un instant épuré
Où la lumière danse
Comme du velours
A l’ombre du laurier
Dont les reflets roses
Viennent se poser
Sur son visage d’ange
Qui respire l’air
D’une éternelle jeunesse
Souvenance d’une musique
Qui vibre encore
De ses soupirs célestes

Lire la suite

Le Ballet du Temps / Nouria Rabeh

19 Décembre 2019 , Rédigé par grossel Publié dans #JCG, #cahiers de l'égaré, #poésie

illustration de couverture Kathleline Goossens

illustration de couverture Kathleline Goossens

Préface
Le Ballet du Temps

format 13,5 X 20,5

66 pages, PVP = 10 €

ISBN 978-2-35502-106-0

Comme disait Verlaine parlant de l’écriture poétique : de la musique avant toute chose.
Le Ballet du Temps de Nouria Rabeh me semble conforme à cet art poétique. Il s’agit d’un ballet de poèmes disposés en moments. Il y en a 6, le premier, sans titre, suivi de kaïkus Poèmes du matin, puis Promenade d’un jourMoments du jour, une deuxième série de haïkus : Au fil des heures, et le poème final : Le temps d’aller.

Ces poèmes sont souvent des instantanés, des saisies sur le vif avec l’œil qu’il faut savoir accommoder comme sont capables de le faire certains photographes dont on dit qu’ils ont l’œil, cadre et moment du clic, depuis une chambre d’hôpital, une façon d’échapper à l’angoisse du mal en cours de traitement, à la solitude de la chambre en jetant un œil de poète par la fenêtre pour dénicher dans le décor, moineau, corbeau, tourterelle, grand arbre nu, lune bien pleine, pour rebondir sur ce qui est vu et aimé et se porter vers l’à-venir, l’aube dorée, le crépuscule éclaboussé d’obscurité et de brume. Il y a du maintenant, du ici et il y a des désirs pour tout à l’heure, des désirs d’envol, de métamorphoses, de fusion avec des fragments de vie proposés par la nature, la ville : Lyon, présente à travers son Crayon, ses habitants de nuit, du matin, du jour, de fusion aussi avec le cosmos, l’univers. Ainsi naît la joie et l’envie de danser, l’envie d’entendre de la musique, Debussy. Ce pourrait être bien sûr l’Hymne à la Joie dont parle si bien Eric-Emmanuel Schmitt dans son livre Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent. Nouria Rabeh se reconnaîtrait dans cet humaniste qu’est Beethoven. Comme lui, elle veut élever. Sa poésie musicale, remplie d’images qui s’enfilent sur des fils ayant peu à voir avec le sens parce qu’elles se suivent comme le fait une arabesque sinuante, propre au langage fleuri de la poésie arabe, n’est absolument pas plaintive, c’est une poésie de vie, aimant la Vie sous toutes ses formes : minérale, animale, végétale, humaine, c’est une poésie de reliance, une poésie d’alliance, de fraternité, de réconciliation, une poésie d’apaisement, de pacification. C’est une poésie au regard soudain lavé comme dirait un de ses poètes de référence, Lorand Gaspar. Les deux séries de haïkus sont l’illustration de cette poésie du regard soudain lavé.

Le Ballet du Temps est la 2œuvre poétique publiée par Les Cahiers de l’Égaré, après Roses des sables et avant Les Tourterelles sacrées, 100 poèmes sur 100 femmes, œuvre qui fera l’objet d’une exposition et de lectures publiques.

Nouria Rabeh, poète lyonnaise d’origine marocaine vit au quotidien selon les deux approches de deux immenses poètes allemands se posant la question : pourquoi des poètes en temps de détresse ? Selon le premier, Hölderlin Plein de mérites, mais en poète l’homme habite sur cette terre, phrase qui a suscité un important commentaire de Heidegger.

Quant au second, Novalis, il affirme : La poésie est le réel véritablement absolu. Plus c’est poétique, plus c’est vrai.

Françoise Dastur a consacré un bel essai à ces deux figures majeures.

Dans la cosmologie de Novalis où « tout est symptôme de tout », où les corps « peuvent s’évaporer en gaz ou se condenser en or », où « un véritable amour pour une chose inanimée est parfaitement concevable », où toutes les inclinations du cœur « semblent n’être que religion appliquée » et le ciel lui-même rien d’autre que « le produit supérieur du cœur productif », il n’y a pas de chose absolument isolée, si ce n’est « la chose en soi », c’est-à-dire « la matière simple », non déterminable, ni connaissable. On comprend alors pourquoi il peut affirmer qu’« un amour fondé sur la foi est religion » , car seule une religion qui trouve Dieu partout, jusque dans la moindre chose, peut identifier Dieu et l’amour.

Pour Hölderlin aussi, dans la nuit moderne règne encore le sacré, car même si « Le Père ayant détourné des hommes son visage, la tristesse a établi son juste règne sur la terre », néanmoins « nous gardons souvenance aussi des Immortels, qui furent jadis nos hôtes, et qui reviendrons au temps propice », car « le dieu du vin » que « chantent les poètes » est « celui qui réconcilie le jour avec la nuit »

Françoise Dastur dans Retrait des dieux et modernité selon Novalis et Hölderlin (Les études philosophiques 2016)page8image3779632 page8image3779840 page8image3780048 page8image3780256

Nouria Rabeh retrouve intuitivement cette religion (de religare, relier), cette philosophie qui trouve Dieu partout (Dieu, les dieux, qui peuvent porter d’autres noms : la Présence, le Soi, l’Infini dans le fini, l’Éternité d’une seconde Bleu Giotto).

C’est avec l’école de Rochefort (fondée en 1941 par Jean Bouhier et qui fut active pendant une vingtaine d’années) que Nouria Rabeh s’est nourrie. École fort riche avec des poètes comme René-Guy Cadou, Michel Manoll, Marcel Béalu, Jean Rousselot, Luc Bérimont, Jean Follain, Eugène Guillevic, Alexandre Toursky, Georges-Emmanuel Clancier, Gaston Puel... Elle en a fait un essai, paru aux Cahiers de l’Égaré : L’éveil d’une génération.

Jean-Claude Grosse

Lire la suite

Le bord des falaises / livre choral

8 Octobre 2019 , Rédigé par grossel Publié dans #cahiers de l'égaré

ça commence comme ça, par une planche d'accouchement, page 7, les 6 pages ou jours avant c'est la vie avant peut-être, le 1° jour, le 2° jour ... et le 7° pour le repos; ça finit comme ça, page 96 comme l'âge de l'ami Marcel Conche, les pages ou jours après, c'est la vie après peut-être ou le repos éternel; comment se relever de ses morts ? la question est forte ! qui a une réponse à proposer ? "démerde-toi !" dit une petite voix chevrotante d'enfant et l'écho, une petite voix juvénile de vieillard, un sage sans doute, répond :"démerde-toi !"
ça commence comme ça, par une planche d'accouchement, page 7, les 6 pages ou jours avant c'est la vie avant peut-être, le 1° jour, le 2° jour ... et le 7° pour le repos; ça finit comme ça, page 96 comme l'âge de l'ami Marcel Conche, les pages ou jours après, c'est la vie après peut-être ou le repos éternel; comment se relever de ses morts ? la question est forte ! qui a une réponse à proposer ? "démerde-toi !" dit une petite voix chevrotante d'enfant et l'écho, une petite voix juvénile de vieillard, un sage sans doute, répond :"démerde-toi !"
ça commence comme ça, par une planche d'accouchement, page 7, les 6 pages ou jours avant c'est la vie avant peut-être, le 1° jour, le 2° jour ... et le 7° pour le repos; ça finit comme ça, page 96 comme l'âge de l'ami Marcel Conche, les pages ou jours après, c'est la vie après peut-être ou le repos éternel; comment se relever de ses morts ? la question est forte ! qui a une réponse à proposer ? "démerde-toi !" dit une petite voix chevrotante d'enfant et l'écho, une petite voix juvénile de vieillard, un sage sans doute, répond :"démerde-toi !"
ça commence comme ça, par une planche d'accouchement, page 7, les 6 pages ou jours avant c'est la vie avant peut-être, le 1° jour, le 2° jour ... et le 7° pour le repos; ça finit comme ça, page 96 comme l'âge de l'ami Marcel Conche, les pages ou jours après, c'est la vie après peut-être ou le repos éternel; comment se relever de ses morts ? la question est forte ! qui a une réponse à proposer ? "démerde-toi !" dit une petite voix chevrotante d'enfant et l'écho, une petite voix juvénile de vieillard, un sage sans doute, répond :"démerde-toi !"

ça commence comme ça, par une planche d'accouchement, page 7, les 6 pages ou jours avant c'est la vie avant peut-être, le 1° jour, le 2° jour ... et le 7° pour le repos; ça finit comme ça, page 96 comme l'âge de l'ami Marcel Conche, les pages ou jours après, c'est la vie après peut-être ou le repos éternel; comment se relever de ses morts ? la question est forte ! qui a une réponse à proposer ? "démerde-toi !" dit une petite voix chevrotante d'enfant et l'écho, une petite voix juvénile de vieillard, un sage sans doute, répond :"démerde-toi !"

Le livre choral Le Bord des falaises ou comment se relever de ses morts ?

d'Annie Bergougnous et des 24 Orphée l'accompagnant est paru le 17 février 2018.

Ce livre est né d'une série photographique d'Annie Bergougnous où elle photographie des fleurs sur son lit et se photographie sans fleurs ou couvertes de fleurs comme le sont les défunts. Cette série, prise avec un téléphone portable, révèle une maîtrise de l'outil, un sens du cadrage et un sens narratif méritant l'attention et l'édition. D'autant que le déclic à l'origine des clics est la souffrance liée à la perte du fils aîné. Comment une mère se coltine avec la perte accidentelle de son fils ? Pas difficile d'imaginer les yoyos émotionnels par lesquels elle passe.


Ayant proposé à Annie Bergougnous l'édition de cette série, j'ai sollicité des Orphée pour ramener des enfers, leurs chants sur les partis, les défunts, les morts (celui d'Annie, les leurs ou les morts en général).

24 Orphée, 12 F, 12 H, ne connaissant pas sauf 2, Annie Bergougnous, ont ainsi écrit des textes pour accompagner la série. Ils y ont mis beaucoup d'eux. Et cet accompagnement d'amour, car il s'agit bien d'amour comme énergie bienveillante, comme attention à l'autre, me semble être l'extra-ordinaire de cet objet poétique. Je pense que ce livre dégage une voie d'accompagnement en lien avec l'expérience douloureuse de la perte.


Caractéristiques : 15 X 17,5, 116 pages, cahier central de 16 photos couleurs, 13 photos en N et B, réparties dans le livre, papier demi-mat 115 G, couverture Rives sensation 270 G.

© Annie Bergougnous, photos et texte, 2018
© Emmanuelle Arsan, Fabienne Ashraf, Eva Bartnaud, Aidée Bernard, Gilles Cailleau, François Carrassan, Alexandre Ferran, Yves Ferry, Moni Grego, Jean-Claude Grosse, Jeanne-Valérie Held, Marwil Huguet, Marc Israël-Le Pelletier, Dasha Kosacheva, Michelle Lissillour, Eric Méridiano, Lionel Parrini, Marilyne Payen-Brunet, Karine Poirier, Wianney Qoltann’, Louis-Jacques Rollet-Andriane, Raphaël Rubio, Armand Teillet, Danielle Vergely, chacun pour son texte

© Les Cahiers de l’Égaré, 2018

PVP : 15 € plus 5 € de frais de port, sur commande avec le bon de commande

Le livre peut aussi se commander en librairie, le libraire se fournissant auprès de Soleils 23 rue de Fleurus, 75006 Paris, 0145488462. Référencé par Electre, il est très facile à trouver par tout libraire ou sur plateforme.

Lire la suite

Parutions 2019 / Les Cahiers de l'Égaré

6 Octobre 2019 , Rédigé par grossel Publié dans #auteurs de théâtre, #cahiers de l'égaré

Fragments de l'amour d'Yvon Quiniou; Noli me tangere de Raphaël Rubio
Fragments de l'amour d'Yvon Quiniou; Noli me tangere de Raphaël Rubio

Fragments de l'amour d'Yvon Quiniou; Noli me tangere de Raphaël Rubio

nouvelle édition avec nouvelle couverture de La Révérence; Je suis là de Jacques Maury; Théâtre de la Jeunesse 4 avec la bibliothèque Armand Gatti de La Seyne-sur-mer; Orphéon Légende de Georges Perpes
nouvelle édition avec nouvelle couverture de La Révérence; Je suis là de Jacques Maury; Théâtre de la Jeunesse 4 avec la bibliothèque Armand Gatti de La Seyne-sur-mer; Orphéon Légende de Georges Perpes
nouvelle édition avec nouvelle couverture de La Révérence; Je suis là de Jacques Maury; Théâtre de la Jeunesse 4 avec la bibliothèque Armand Gatti de La Seyne-sur-mer; Orphéon Légende de Georges Perpes
nouvelle édition avec nouvelle couverture de La Révérence; Je suis là de Jacques Maury; Théâtre de la Jeunesse 4 avec la bibliothèque Armand Gatti de La Seyne-sur-mer; Orphéon Légende de Georges Perpes

nouvelle édition avec nouvelle couverture de La Révérence; Je suis là de Jacques Maury; Théâtre de la Jeunesse 4 avec la bibliothèque Armand Gatti de La Seyne-sur-mer; Orphéon Légende de Georges Perpes

À la lectrice, au lecteur d'Orphéon Légende

Vous tenez entre vos mains un livre d’un genre particulier, c’est un livre de théâtre.
Ça existe encore ?
Quelle idée de lire du théâtre ?

Aussi saugrenue que celle de lire un scénario de film !

Peut-être n’avez-vous plus lu de pièce de théâtre depuis l’école ? le collège ? le lycée ?
Peut-être est-ce la première fois que vous en lisez une ?

Rassurez-vous, vous n’êtes pas seul.e, vous êtes des millions, la majorité.

Pour les autres, la minorité,
salut les frangines, salut les frangins,
vous pouvez sauter cette adresse et passer directement à la pièce.

Peut-être ne lisez-vous plus, fatigué d’avoir lu trop de livres ?
Peut-être ne lisez-vous jamais ?
Pas un roman, une BD, un poème, une nouvelle. Pas un journal. Même un gratuit ?

Vous ne souvenez pas de la dernière fois où vous êtes entré.e dans une librairie.

Une bibliothèque ?

Vous n’avez jamais franchi la porte d’un théâtre. Pas le temps, l’argent.
Pas même le jour où il pleuvait à verse, il faisait si froid, pour vous mettre à l’abri dans le hall d’accueil.

Vous préférez courir dans la colline, sauter d’un rocher dans la mer, faire du parapente, de la grimpe, du vélo, du Pilates, du yoga, l’amour, de la musique, de la peinture, cuisiner un bon petit plat, aller au cinéma, envoyer des textos, voyager, chatter, regarder la télé, boire un coup avec les copains, arroser vos plantes, danser le tango, fumer un pétard, caresser votre chat, voir un match de rugby, taguer un mur la nuit dans une friche...

Vous n’êtes jamais monté sur scène.
Peut-être en primaire lors de la fête de l’école, je ne me souviens pas.
Vous n’avez jamais croisé la route, d’un prof, d’une amie qui vous a dit : tu devrais faire du théâtre.
Peut-être l’avez-vous croisé.e et vous n’avez pas osé sauter le pas ?
Vous n’avez pas rencontré l’hermaphrodite qui ne dit qu’un seul mot : v.i.t.r.i.o.l.u.m.

Si vous vous reconnaissez dans au moins une de ces lignes, c’est à vous que ce préambule s’adresse.

Dans tous les cas, ouvrez le livre où vous voulez. Au début, à la fin, au milieu.
Au hasard.
Un texte se défend tout seul. Il résiste même parfois.

Lisez-le seul.e silencieusement. Ou mieux à haute voix.
Ou mieux encore, partagez-le avec d’autres.

Une pièce de théâtre est traversée de multiples voix, où dialoguent celles de tous les vivants et de tous les morts.
Une pièce de théâtre ne s’embarrasse pas de description, elle suggère.

Un livre de théâtre n’est pas un cahier de régie, il attend la lumière de son lecteur.
C’est un matériau pour la scène, tout d’abord pour votre scène intérieure.

Un germe en attente de s’incarner.
Sans vouloir vous commander : Rêvez ! Faites votre lecture, elle est unique.

Une pièce de théâtre n’est pas une BD : je fournis les phylactères, vous les images.
Une pièce de théâtre est comme une chanson : j’écris les paroles, vous la musique.

Une pièce de théâtre, comme une BD ou un disque, n’est généralement jamais très longue : la lire ne vous prendra pas plus d’une heure.

Une précision encore : contrairement à l’usage, vous ne trouverez pas de liste des personnages. De plus, petit jeu, parfois simple, parfois plus compliqué, aucun nom de locuteur n’apparaît en face des répliques : aucune réplique n’est attribuée, si bien qu’au premier abord, on peut en conclure hâtivement qu’on ne sait jamais vraiment qui parle. À vous de faire votre distribution.

Si vous décrochez, c’est que le moment n’est pas venu.
Attendre une autre heure, d’un autre jour, d’une autre nuit, plus favorable, plus tard lorsque vous serez disponible. Laisser reposer. Parfois ça demande du temps, un certain temps. Finalement, peut-être que la nourriture ne sera pas à votre goût, insipide ou trop pimentée, trop légère ou indigeste, que ce n’est pas ce dont vous avez besoin maintenant, que le livre vient trop tôt ou trop tard.

Si c’est le cas, que vous vous résolvez à abandonner le livre, prenez-en soin, mettez-le de côté, à l’abri, en attendant... On ne sait jamais.page13image5773200 page13image5773408 page13image5773616

Ou alors, offrez-le, refourguez-le aux Puces, à un bouquiniste. Libérez-le dans un espace public. Merci pour lui.

Merci aussi à tous les copistes, anonymes ou connus, qui, depuis la nuit des temps, ont transmis les pièces du puzzle qu’est cette histoire.
Merci à mon éditeur, le seul que je connaisse capable d’accueillir un livre, sans savoir de quoi il traite, sans en avoir lu une seule ligne. Merci à sa confiance, à son amitié qui me permettent de rejoindre la foule de tous les autres égaré.e.s. Ce livre est pour eux & elles.

Et maintenant, bonne lecture.

Georges Perpes

Théâtre de la Jeunesse#4

Préface

Ce quatrième recueil « Théâtre de la Jeunesse », comme les précédents, propose quatre pièces de théâtre fort différentes, pouvant être jouées par des groupes de neuf à vingt-cinq enfants ou adolescent.e.s.

Zup & Villa et La vilaine petite cane revisitent deux contes traditionnels, l’une sous la forme du théâtre documentaire, l’autre sous celle de la fiction poétique. Balance ton h ! nous conduit d’un collège au cachot (Centre d’Apprentissage Civique pour Harceleurs Obsessionnels Terrifiantsquand les personnages de Double-je(ux) expérimentent le théâtre dans le théâtre.

Ces quatre pièces sont nées durant l’année scolaire 2018-2019, de la rencontre de trois dramaturges – Barbara Métais-Chastanier, Mustapha Benfodil, Julie Aminthe – avec les élèves de trois classes de cm1-cm2 de La Seyne-sur-Mer et avec ceux d’une classe d’initia- tion théâtre du Conservatoire national à rayonnement régional Toulon Provence Méditerranée.

Le travail d’écriture des élèves avec les dramaturges – dont on peut reconnaître en filigrane le style et les goûts – avait été précédé par une phase de lecture des quinze pièces lauréates du Prix de la pièce de théâtre contemporain pour le jeune public (sélection cm2-6e)*.

Il s’est conclu par un passage au plateau : temps de restitution, de partage lors duquel chaque classe a présenté devant les trois autres une mise en espace du texte qu’elle avait co-écrit.

Cette expérience, soutenue pour la quatrième année par la Drac Sud, fait partie du projet Un(e) auteur(e) dans ma classe proposé par Orphéon / Bibliothèque de théâtre Armand-Gatti : il vise à faire lire, écrire, jouer du théâtre dans les établissements scolaires.page5image1672288

Georges Perpes

Je suis là de Jacques Maury

Note de l’éditeur

Les Cahiers de l’Égaré ont décidé d’éditer Je suis là, de Jacques Maury après une lecture au Comédia à Toulon, le 18 décembre 2018 et une rencontre avec l’auteur, le 19 février 2019. La qualité de l’écriture sur un sujet sensible, la perte d’un fils de 20 ans, vécue chaotiquement par sa mère, 38 ans, aux prises avec les tourments du deuil, souffrance, questionnements, révolte, doutes, prise de conscience de ce qu’il est convenu d’appeler l’héritage des valises, cela justifie cette décision pour que le texte puisse prolonger le spectacle créé en juillet 2019 au Festival d’Avi- gnon. Maud est une mère, une fille, une femme sur un chemin de transformation, c’est un chemin d’éveil spirituel qui se révèlera à elle, avec le temps, avec un constant travail sur elle-même, après cette traversée de l’enfer psychologique où tout est bon (mauvais) pour user du déni comme défense illusoire contre la vérité des faits et pour refuser magiquement l’acceptation de ce qui s’est passé tant dans son passé (comment « hériter » d’une mère toxique ?) que dans son présent (vivre, survivre, revivre, vivre enfin en conscience, après la mort par substances toxiques de son fils).

Une autre raison de ce choix est le partenariat entre Les Cahiers de l’Égaré installés au Revest et la Compagnie Un mot... une voix d’Ollioules. Je suis là est le 3texte publié après T’es qui toi ? T’es d’où ? de Gilles Desnots créé en juillet 2013 et après Histoire de places de Jean-Claude Grosse créé en juillet 2016 au Festival d’Avignon.

Que cette édition porte chance à ce spectacle et à ce texte.

La Révérence, 

mai 68, de Gaulle et moi

de Philippe Chuyen et José Lenzini

Les 3 derniers jours du mois de Mai 1968 furent le théâtre d’un bouleversement historique et politique qui reste encore méconnu. C’est un moment de trouble profond et d’incertitude, un point de bascule où gouvernement et chef de l’Etat, harassés par plusieurs semaines de crise intense et de nuits blanches, sont à bout prêts à craquer.

L’Amiral François Flohic, aide de camp et seul militaire à avoir accompagné le Général, le 29 mai 1968, dans sa fuite secrète à Baden-Baden, a témoigné spécialement pour ce récit théâtral.

En sa compagnie nous allons suivre de Gaulle et découvrir comment le vieux chef, refusant la défaite, accomplira son dernier coup d’éclat ; conséquence ultime pour lui de l’affrontement de deux visions du monde appelées à s’éloigner inexorablement.

Tel le parcours tragique du « dernier Roi des Francs », cette pièce tente ainsi de poser les enjeux et les contradictions de la dernière convulsion révolutionnaire que la France ait connue.

Lire la suite

Les 30 ans des Cahiers de l'Égaré au Bateau Lavoir

29 Octobre 2018 , Rédigé par grossel Publié dans #cahiers de l'égaré, #bocals agités

les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final
les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final

les différents moments du Bateau Lavoir, franchissement de la double grille, lectures, ateliers, performances diverses, débat final

Les 3 jours du Bateau Lavoir, 19-20-21 octobre pour 31 ans de portraits réalisés par Marc Israël-Le Pelletier, 30 ans de Cahiers de l'Égaré, avec la participation de 32 écrivains dans le livre pluriel Le Passage du Temps, furent 3 jours riches, chaleureux, inventifs, denses. Le vernissage a rassemblé une cinquantaine de personnes. Les lectures du samedi et dimanche après-midi entre 20 et 30 personnes. Les 2 performances du samedi soir, 35 personnes. Celle du dimanche soir suivie d'un débat, environ 55 participants; L'atelier de Moni Grego: 10 participants, celui de JCG, le dimanche matin, 4 participants. Merci à tous les participants. Une semaine après, je flotte encore sur un nuage, celui de l'amitié généreuse.

Jean-Claude Grosse, éditeur des Cahiers de l'Égaré.

19 octobre à 19 H :

- vernissage de l'exposition Le Passage du Temps, portraits réalisés pendant 31 ans par Marc Israël-Le Pelletier, une cinquantaine de participants, des retrouvailles étonnantes

- présentation des livres pluriels des Cahiers de l'Égaré qui fêtent leurs 30 ans et du livre Une tragédie américaine, trilogie sur la peine de mort aux USA et au Japon de Marc Israël-Le Pelletier

- lecture de 8 textes du livre pluriel Le Passage du Temps

- suivi de La cohérence des vagues par Elodie Després accompagnée par Delphine Ciampi à la guitare

20 octobre :

- 10 - 12 H, atelier d'écriture sur le passage du temps, animé par Moni Grego, 10 participants

- 15 H, lecture de 12 textes du livre pluriel Le Passage du Temps, 20 à 30 auditeurs

- 19 H, 20' du spectacle Molly B. par Cécile Morel suivi d'une carte blanche à Salvatore Spada, une trentaine de "spectateurs"

21 octobre :

- 10 - 12 H, atelier d'écriture sur le passage du temps, animé par Jean-Claude Grosse, 4 participants

- 15 H, lecture de 12 textes du livre pluriel Le Passage du Temps, 20 à 30 auditeurs

- 19 H,

     - spectacle Pas moi de Samuel Beckett, par Moni Grego mise en scène par Yves Ferry

   - discussion autour de l'amour des textes de Samuel Beckett. Avec Jean-Claude Grosse, Moni Grégo, et Mickaël Sabbah qui évoquera également l'aventure du Théâtre du Temps qu'il dirige, à Paris. Une cinquantaine de participants au spectacle et au débat

Atelier de Moni Grégo « Le Passage du Temps »

Samedi 20 Octobre de 10 h à midi

 

Déroulement de l’Atelier :

- Café croissants ensemble.
- Premier exercice : Le Flash-back.
À partir de cet exercice, écrire un Vrac de mots rencontrés, entendus…

- Yves Ferry lit le texte de Léo Ferré « Avec le temps » et le texte de Woddy Allen « La vie à rebours »

- Moni Grégo lit quelques citations comme :

« Encore un instant Monsieur le bourreau. » Jeanne Du Barry favorite de Louis XV.

« Ce que je viens de dire est déjà loin de moi. » Moni Grégo, d’après :

« Le moment où je parle est déjà loin de moi. » Nicolas Boileau.

« Ô tempora, ô mores ! » Cicéron

« Ô temps suspends ton vol. » Lamartine : Le lac.

Propostion d’écrire en 10 mn

Texte I

UNE JEUNE FILLE - Il y a tant de…

UNE VIEILLE DAME - Vous avez dit « temps » ?

J. F. - J’ai dit « temps », moi ?

V. D. - J’ai entendu… heu… ce que vous venez de dire est déjà si loin… de vous… de moi…

J. F. - Loin ?

V. D. - Oui… au-delà !...

J. F. - Qu’est-ce que vous entendez par là ? Parce que, hein !… C’est… c’est… c’est confus !

V. D. - Il y a dire et dire… je pense que… je ne pense pas assez avant de l’ouvrir, vous voyez ?... le truc de sept fois sa langue…

J. F. - Non, je ne vois pas. C’est un truc d’une autre génération ça !

V. D. - Et alors ? Vous n’étiez pas née quand la Du Barry a demandé un instant de plus à son bourreau… quand…

J. F. - Mais qu’est-ce que vous me racontez là ? Vous êtes pas bien ! On parlait juste du temps, là,  devant l’arrêt du bus 67. Voilà qu’on approche de Pigalle et vous, vous me parlez de Mathusalem… Ça ne m’intéresse pas du tout !

*

Lectures des textes.

Pause.

*
- Écoute de la chanson : « Marquise » par Georges Brassens d’après Pierre Corneille.

- Lecture par Yves Ferry « Le Rien «  de Marivaux

- Lecture par Yves Ferry & Moni Grégo du dialogue : « Simone et Germaine » écrit par Moni d’après un canular de Jean-Yves Lafesse, où les personnages parlent de rien.

- Claire Ruppli et Moni Grégo disent « La môme néant » de Jean Tardieu.

Propostion d’écrire en 5 mn

Texte II

A- Fait pas beau !

B-Tu trouves ?

A- Je dis ça comme ça.

B- Je vois…

A- Ah toi, tu vois…

B-Manière de…

A- Il fait sombre ou quoi ?

B- C’est les nuages…

A- Ça me rappelle une poésie.

B- Quoi ?

A- Les nuages…

B- Quoi les nuages ?…

A- Rien. Où tu vas ?

B- Tu as dit quelque chose ?

A- Qui ?... Moi ?

B- Oui… Qui d’autre ?

A- Ben… heu… c’est juste… Suis-je sotte !

B- Mais non.

A- Si, si, y a des fois je me dis que…

B- Ah tu as bien raison. Y a des fois !...

*

Lectures des textes.

*

Propostion d’écrire en 2 mn les derniers mots de la dernière minute

avant la mort.

Texte III

Rien à dire, m’en fous !

Tout ça m’a pesé malgré tout

Même si…

Surtout pas de retour…
Et faites comme si je n’étais pas là.

Au revoir et merci.

Vive la mémoire des riens.

*

Lectures des textes.
Écoute du canular de Jean-Yves Lafesse.

Danse des couples cassés.

*

LES TEXTES, atelier de Moni Grego

I/
Il a mis ses gants blancs
Suspendu entre nuit et jour
Encore un instant se dit-il
Autour des grilles
Le soleil dans la rue commençait à percer Et toujours cette chanson douce
À l'oreille
Il s'est mis à marcher
Seul
Il a fermé les yeux
Ses mains écarquillées
Le guidaient à l'autre bout de la ville
En graffitis gigantesques
Immaculés
Ses éternels gants
Et cette chanson douce
Dans son coeur
Basquiat ...


 

II/
1- Ça va?

2- Ça va!
1-Mais ça va?
2-Ça va oui
1-Moi ça va pas!
2- Ah bon?! Oh! Ça va!
1- Non ça va pas!
2 -Assez. Ça va , quoi!
1- Rien ne va plus
2-"Ça va" c'est ce qu'on dit tout le temps! 1- Ne va pas
2- À se plaindre tout le temps

1-Va pas
2 Tout le temps
1-Pas
2- Tout le temps ça va pas 1- Oui le temps
2- qui file
1- coule
2- passe et lasse
1-s'en va
2- Le temps va
1- Ça va
2-


 

III/ La dernière minute

Encore 60 secondes Tic tac tic tac
Une dernière cigarette Un verre de champagne T'embrasser

Un coït il est encore temps The last but not least
Plus de dettes
Salut les amis

Entrez chez moi Servez-vous Tout est rangé Il était temps Stop .


 

CLAIRE RUPPLI

Vrac

Le temps va. Première consigne ; il est temps ; pas en retard, on s’assoit ; salut Yves ; coucou Moni ; la grille ouverte ; derniers pas, encore deux cents mètres ; place des Abbesses ; délicieuse promenade ; petites rues ; Montmartre ; un autre bus ; le bus ; antivol ; un poteau ; l’arrêt du bus ; vélo ; escaliers ; traverser le stade ; claquée la porte ; s’habiller ; respirer à nouveau ; fenêtres ouvertes ; se laver ; chier ; pilules ; tartines ; café. Lever ;

I - Le passage du temps

Le temps passe, il n’est pas le sage qu’on croit. Du lever au coucher, il file. Je le regarde soliloquer indifférent à mon désir qui s’envole sur mes ailes effrangées. Rosée, cueillie de l’ivresse de la veille. Je ne lave plus les rides de mon âme qui plissent ce que je suis. Il va et je le chie brusquement. Je le vois, mais le temps m’ignore. Existe-t-il seulement ? existé-je, moi l’idiot perdu dans l’éphémère de ma mémoire éperdue ?

Ii - Ce matin

Le temps, il est temps, le temps.

Lever ; café ; tartines ; pilules ; chier ; se doucher ; fenêtres ouvertes ; respirer à nouveau ; s’habiller ; la porte ; claquée ; escaliers ; vélo ; le stade ; l’arrêt du bus, un poteau ; antivol ; le bus, autre bus ; Montmartre ; petites rues ; délicieuse promenade ; place des Abbesses ; encore deux cents mètres ; derniers pas ; la grille ouverte ; coucou Moni, salut Yves ; pas en retard, on s’assoit ; il est temps ; première consigne. Le temps va.

III - Dernière minute

Encore un instant ! s’il vous plait ? encore un instant !

Ma requête est vaine, le bourreau n’entend pas, il est sourd.

J’ai encore à faire… c’est déjà fini.

 

JACQUES SÉGUEILLA

 

La dialectique du blog
  • Vous n’avez pas vu ?

    • Si bien sûr !

  • Je me disais aussi !

    • Quoi ?

  • Quoi, Quoi ?

    •  ?

  • Que vous l’aviez vu !

    • Bien entendu

  • Vous l’avez remarqué ?

    • Bien entendu et à vrai dire comme je dis souvent !

  • Vous avez eu peur ?

    • Oui, j’ai crain que !

  • Que ?

    • Enfin, vous voyez bien !

  • Bien entendu !

    • C’est comme moi, j me faisais la réflexion !

  • Oui, c’est vrai, il est encore temps !

    • Heureusement !

  • Vous avez raison, il est tard !

    • Au fait, vous avez encore de quoi !

  • De quoi ? oui bien sûr !

    • Vous me rassurez !

  • Nous sommes bien d’accord !

    • Et à part ça ?

  • Rien, alors ?

    • Alors

  • Alors à demain !

    • A demain !

Post scriptum

 

  • Ah oui, J’oubliais ! les plantes, les arroser.

  • Tu diras à la concierge, pour le courrier, pas la peine de le monter

Petit silence

  • Pour le reste du verras, à toi de jouer !

  • Bon maintenant, viens que je t’embrasse. Porte- toi bien !

Petit silence

  • Un dernier mot : merci. !

  • Je dois te dire que c’était bien, nous deux. Si, Si ! Merci !

Aussitôt

  • Ah, laisse le frigo ouvert, sinon ça pue.

  • Maintenant, il est temps, il faut que j’y aille.

  • Salut !

Petit silence, dernier sourire.

  • A bientôt !

Il ferme les yeux, l’air repu.

 

I - Elliptique

Partir,

Vite, mes clefs, la porte, le chat pisse sur le tapis

Mon chargeur, mon sac, où est ma casquette ?

Il me l'a dit 20 fois, aller, on y va !

 

Ma casquette, mes clefs, un café,

Je n'arrive pas à décoller,

Et le temps file plus vite que moi,

Lui, il n'attend pas.

 

Aller on y va ! Il me l'a dit 20 fois

« Encore un instant Monsieur le Bourreau »

J'suis pas coiffée, il me faut un café,

mais où sont mes clefs ?

 

Aller, on y va !

Le mot est lâché, il est déjà parti,

n'a pas cherché, pas eu besoin d'café,

Il file, il court, il n'attend pas

 

Alors, on y va

faut se presser, s'activer, accélérer

prendre le rythme de la trépidation avant le trépas.

Aller vite, courir...

Le temps ne peut se rattraper,

 

C'est lui qui a les clefs.

*

II - Dialogue implicite ou du néant

A : C'est vrai ce que vous dites

B : Ben oui c'est vrai

A : Dans quel monde vivons nous !

B : On marche sur la tête !

A : Des fois j'me demande

B : Ah ? Ben moi aussi !

A : C'est pas vrai ?

B : Quand même, c'est pas possible !

A : Ben voui

B : Ben voui....................... enfin bon.

A : Je dirais même mieux c'est impossible !

B : C'est comme l'autre jour là

A : Ah oui, m'en parlez pas !

B : Ben justement, je voulais vous en parler.

*

III - Dernière minute avant la mort.

Ça y est, on y est, je vais passer de l'autre côté du miroir, je vais enfin savoir.

Je vous tire ma révérence, je me retire, je me tire, pour le grand voyage,

Rejoindre Georges, Charles et les autres,

Et chanter la vie.

 

MARIE CRAPANZANO

I - LE PASSAGE DU TEMPS - Pastiches

 

La spirale du temps s'étire et ne rompt pas.

Avoir le temps d'être à l'heure, d'y trouver un accueil inattendu.

 

La spirale du temps ne déçoit pas. Elle tourbillonne, avant, pendant, après.

Elle enlace la réalité et les espoirs. Le temps est toujours là.

 

« Encore un instant Monsieur le Bourreau »

Tant que je suis vivante, je saurai attendre la fraîcheur de la minute qui vient .

 

« Le temps suspend son vol ». Mais de tous temps se rencontrent les mêmes mœurs.

Le temps est une spirale qui accorde toutes choses à son temps.

 

II - PARLER DU TEMPS - PARLER DE RIEN – Dialogue

 

  1. : Comment allez-vous aujourd'hui ? Il fait froid, vous ne trouvez pas ?
  2.  : Le temps change, c'est certain.
  3. : C'est troublant ce temps. On n'y comprend plus rien
  4.  : Et on ne prend plus le temps de rien. D'ailleurs, il faut que je me dépêche.
  5.  : Oh, on a toujours le temps. Mais c'est vrai, chaque chose en son temps.
  6. : C'est vrai, on prend tout trop au sérieux.
  7. : Bon allons, bon vent ! 

Charline : Comme dit la chanson : « V'la l'bon temps, v'la l'bon temps »

 

III - LA DERNIERE MINUTE AVANT LA MORT

 

Chronos dévore ses enfant, le sommeil définitif arrive.

Pas d'inquiétude, Je ne saurai pas que je suis morte.

Je laisse ma vie entre les mains des vivants.

A eux le souvenir, à moi l'oubli.

 

MARIE-FRANÇOISE ÈVE

I - Écrire un texte inspiré d'une citation : Michel Gendarme

 

c'était la nuit j'en suis sûr

il y avait cet élan vital

étonnant

un élan nocturne

qui donnait probablement un sens à tout cela

les adverbes sont chiants

pourquoi dis-je « probablement »

le moment où je parle

j'ai rêvé de cela

dans cet élan nocturne

où il n'y avait pas de mots

noctambules

« des mots noctambules se baladent de mon corps au tien »

noctambule, ça balade bien, ouais

et                     puis                 quand

dans la cuisine

elle m'a dit « bonjour camarade »

cet élan vital m'est retombé sur la gueule

il fallait vivre, c'est ça ?

il fallait affronter – merde, c'est le matin – déjà ? affronter ?

« camarade » !!

elle mettait de la distance, sûr

pas juste entre elle et moi, cette distance existait déjà,

nous le savions, etc... il n'y avait rien de... entre nous... ou de...

entre elle et moi

mais elle me balance ce « camarade »

je vis avec ça aujourd'hui, jusqu'ici

camarade de lutte, de vie, d'amitié, pourquoi pas d'amour ?

peut-on être un camarade d'amour ?

tu imagines

tu te mêles, corps à corps amoureux, dans le bain inaugural

de la jouissance, camarade, jouis ! jouis ! c'est un ordre !

bon

j'avais ça dans mon bol de thé.

 

II - Ecrire un texte inspiré de « Simone et Germaine », sorte de dialogue impossible, sans issue

 

1 Ben oui / mais bon

2 Moi / je sais / mais bon / ça / pas difficile

1 Mais /

2 Si /

1 Bon mais bon / ah d'accord c'est /

2 Mais … ? /

1 Mais … ? /

2 Ho mais quoi ho mais quoi ho / mais

1 Bon /

2 Oui /

1 Mais... bon /

2 Non / enfin oui mais bon / enfin ! /

1 Ah !

2 Mais bon mais bon / moi /

1 Ah ! /

2 Quoi, en plus / ça / facile /

1 Facile / ça ? / sais pas ça

2 Essaye ça / là / mais bon

1 Quoi ? / là j'essaye ça là / oui j'essaye ça / tu vois bien là ça / oui / mais bon bon / ça / j'essaye mais je / non / ça / non / ça / … / ah ! oui ! /

2 Ah ! bon bon / mais là : t'as aussi ça / aussi / alors ?

1 Quoi ?

 

 

III Ecrire un texte inspiré par notre dernière minute avant notre fin (bourreau, euthanasie...)

 

c'est toi que je regarde ô personnage entier dans ta fureur inconsciente ô toi l'innocent élu par les tiens qui furent les miens hélas et si je pouvais je te dirais alors tu liras ce sera ta peine tu garderas cette lettre tu ne la brûleras point tu ne pourras t'en séparer à jamais car si je dis que tu es Homme tu es né pour cela pour être celui témoin des morts de l'autre de tout autre sans lesquels tu ne pourrais plus vivre.

 

I -

Citron pressé. Tous les matins.

Pressée, toujours trop pressée.

Tout ça pour quoi ?

Pour courir.

Courir les rues, courir le monde, courir la vie.

« O tempora, o mores ».

L’autre jour, dans le bus, ce type bourru, apostrophant un individu qui avait arrêté de façon cavalière ce bus, en traversant la rue devant lui, afin d’y monter, obligeant le chauffeur à freiner brusquement et manquant ficher tous les passagers par terre : « Mais qu’est-ce qu’ils ont tous, à courir comme ça ? Personne n’est obligé de courir. Il n ‘y a que Bernard Arnault et Pinault qui ont le droit de courir. Les autres, non. On leur fait croire qu’ils doivent courir. Quelle bande  de cons ! ».

Sidération des passagers ; mise au point rapide. « O temps, suspends ton vol ! »

Tu stoppes, un instant et, si tu n’as pas bien compris, et bien, tu recommences… A courir.

La prochaine fois, le deus ex machina t’avertira encore. Et encore. De façon de plus en plus précise. Sur la mappemonde de ton bref parcours, un jour, l’avertissement se muera en peine capitale. Capitale pour toi, bien sûr, pas pour le monde, ne te leurre pas. Et tu crieras : « Encore un instant, Monsieur le bourreau ! ».

 

II -

Zut, la voisine. Ouh lala, comment lui échapper ? Non, pas moyen ! Je vais y avoir droit… Tant pis, j’affronte. Et, même, j’anticipe.

Moi :          Bonjour Madame. Comment ça va ?

La voisine : Oh Bonjour ! Oui, ça va. Enfin, non, ça ne va pas ! Ça va pas fort !

Moi :          Ça ne va pas ? Qu’est-ce qui ne va pas ?

La voisine : Rien ! Enfin tout. Tout ! Rien ne va !

Moi :          Ah bon, rien ne va ? Mais c’est terrible, ça !

La voisine : Oui, come vous dites : C’est terrible !   

Moi :          Mais… c’est grave ?

La voisine : Grave !? Grave ?! Non, c’est pas grave… Pas vraiment. Mais c’est embêtant !

Moi :          Ah oui ?

La voisine : Très embêtant !

Moi :          Ah !?

La voisine : Oui, je suis embêtée.

Moi :          Embêtée ! C’est bête, ça !

La voisine :     Oui, c’est bête ! Je suis très embêtée.

Moi :          Mais c’est affreux, ça ! J’espère que vous allez trouver une solution…

La voisine : Mais il n’y a pas de solution ! S’il y avait une solution… pensez !

Moi :          Ah, oui ! Ça oui ! Je pense bien !

 

III -

Bon, voilà. Ça y est. Déjà ? Si j’avais su… Pourquoi ne m’a-t-on rien dit ? Que c’était si simple. Que c’était si bête. Oh, et puis voilà que je recommence à vouloir bien parler… avec des verbes.  Dans les formes. A perdre du temps à mettre les formes. C’est stupide. Aller à l’essentiel. Jamais je ne suis allée à l’essentiel ! Le temps que j’ai perdu, mon Dieu, le temps que j’ai perdu ! A tergiverser, à réfléchir… A peser le pour et le contre… Pitié ! Maintenant, c’est quoi, l’essentiel ? C’est quoi, l’essentiel avant de partir ?? C’est quoi ??? Qu’est-ce que je dois f…

 

NICOLE DESJARDINS

I - Le rêve

Pendant que je me déchirais sur la pointe des châteaux ,O bourreau suspends ton vol. Que les griffes assassines violaient mon dos puis mon cul, puis mes reins. Oui, c'était quelque chose qui ne peut se dire. Un assassinat volontaire

une vague.

écoutes moi, scélérate

et je vis maintenant, de mes blessures, es exposant la nuit aux draps froissés, humides, et tropicaux. Même les cafards ,les scolopendres ne s'approchent plus. ils ont peur de moi. Ils disent (et je les entend)

"Ô tempora, ô mores"

Avec des petits cliquetis d'antennes d'acier. Jésus est revenu de sur la croix. O oui la croix. Et je ris de douleur, dans la nuit verte, sans vent, avec des petits gémissements. Et je suis seul, malgré les insectes.Tout est mort. Je me souviens de toi, salope blanchâtre, écume de fin des temps, furiosa des embruns. Vague, oui vague. Mais vaguement. J'ai vu ton œil. Puis ce fut ma fin. Les longs couteaux des roches. Les longs ciseaux. Les oiseaux de la caille.

Suis un poisson écaillé.

Je frétille mais je meurs. On me ramasse.

On me lave.

Puis on me mangera, on me coupera la tête.

Le jour de gloire est arrivé !

*

II - Parler du temps parler de rien

Hein ? Quoi!! Non.J'ai pas dit ça.

Si. Tu l'as dit hier.

Moi?

Oui toi.

Ah ben merde alors, j'me souviens plus de rien !Hier c'était Dimanche ,non?

Non, c'était pas Dimanche.

Ah bon, c'était pas Dimanche? Si c'était Dimanche !

Non, c'était pas Dimanche.

Si! Je te dis que si! T'es chiante comme la pluie !C'est ca ,chiante comme la pluie. Tu perds la tête Charles !

Moi ? Je perds la tête ? Mais de quelle tête tu parles?

De ta tête à toi. De ta tête de tous les jours

Mais je te dis que c'était Dimanche !

Non , hier c'était pas Dimanche. Parce qu'il pleuvait.

*

III - Dernière minute

"Joseph, Marie, Madeleine, et toi Dolores. Avant que je vous quittasse. J'ai pas vraiment pu vous dire, ce que je voulais vous dire. Mais, en définitive, peut importe. Vous emporterez de moi ce que vous voudrez. Moi, de toute façon, tout ça c'est derrière moi. Mais je vous en prie, ne me pleurez pas. Je n'en vaux malheureusement pas la peine. J'ai pas eu le temps nécessaire pour vous dire assez... je t'aime.

On ouvre ma porte, c'est pour moi.

Déjà ?

Étrange, tout continue...

(Baillement).

 

PIERRE-JEAN PETERS

- I -

Superposé le lit. Superposées, les filles. Superposée, la vie.
Où suis-je ?

Où ?
Ah oui !

Attention en descendant. Attention.
C’est le jour de Peter…Ô Lord… Comment ? Comment ? Comment ?
Comment commencer ?
Commencer par. Casseroles. Oui. Récurrer. Hop ! Hop ! Hop !

Dieu , y ‘avait du monde hier soir ! J’adoooooooorrre récurer les casseroles…
C’est mon acte 1er vers la solution. J’adooooooore.

…De l’or. Il me faut de l’or… On pourrait faire à manger pour Peter….Avec Or..Ornella. Or il nous faut des solutions rapides ! Allez, frotte ! frotte le problème ! Or, il nous faut de l’or…Or….dinateur. Regarder. Si un virement par hasard…

Val : Ah tu es là , homme ? Tu es réveillé aussi, déjà ?

Homme C : Oui…

V : Puis-je recharger l ‘ordinateur à plat ? Suis à vide. Et argent besoin, vite, vite.

Homme R : Ola les amis, service boulangerie ! Vous voulez quoi ?

V : Un croissant !

Homme C : Pareil !

V : Ohlala. No virement. Merdum. Il est quelle heure ?

Homme C : 9h17…

V : Aaaaaaahhhhh faut que je bouge !!

Homme C : Déjà ?

V : Oui je file à l’atelier d’écriture !

Homme C se réveille : Ah oui ?


V : Quoi ? Tu veux venir ?

Homme C : Ben …oui ?

V : Ben  oui. Mais c est là maintenant tout de suite tout de suite

Homme C / Ouah ..Vraiment tout de suite tout de suite ?

V : Ah bah zou zou là !!

Homme C : On attend pas les croissants et tout… ?

V : Bon allez j y vais ; peut être je les croise dans la rue les croissants A plus bibi ! Belle journée . Et Ornie… ? ( V regarde dans la chambre entrouverte) Bon elle dort. Ce sera une autre fois ! Bacci tutti.

Oui. Oui. Oui. Je file. Ok, ok, ok. Passer librairie pour …Arfff…C’est fermé bon… Plus tard…Aïe Aïe Aïe dépêche-toi, tu vas être en retard . Allez, galope et toi Temps ô temps, suspens ton vol !... Or, le temps c est de l’argent ! De l’art et des gens. A qui demander !! Anouch est aux abesses ! À 2 pas du  lavoir... Anouch, mon abbesse !

 

- II - Un dialogue

V : Oh…

C : Oh…

- Et euh… ?

- -Oui ?

- Je…

- Oui ?...

- Non…

- …Ben..si… ?

- Non, non….C’est…

- C’est…. ?

- Pfffft !

- Pffftt ?

- Ben oui…oui…Et toi ?

- Oh…Boh…

- Mmm…

- Bon.

- Mmmm ?

- Non, c’est…

- Oui, ben oui, pareil alors.

- Eh ouais hein..

- Mmm…

- …Aïe aïe, aïe…

- Ah ! Tu l’as dit, hein !!

- Ben oui ….Logique, hein ?

- Oui, ça !!

- …Aïe, aïe, aîe

- Aïe hein oui. Aïe…Logique.

- Pfff…

- Oh…Ben non…

- Ben oui mais…

- Oui, je sais mais quand même !

- Quand même, quand même…T’es drôle, toi !!

- Allez !!! Regarde !!! Il fait beau !!

- Ah oui, ça !!! /Oui, mais justement !

- Ca c’est vrai. Justement. Aïe.

- Oh…Désolée…

- Mmm… Ben c est pas toi, hein…

- Oui mais …quand même…

- Mmmm…

- Allez…Je te libère…Bye…

 

- III - Dernière minute.

Meurs. On part. Je le sais. Je le sens. Mmmmm…

C’est bon….de quitter.

Quitte. On est quitte, le monde. J’ai donné. J’ai pris. J’ai arraché ma vie, même.

Je suis enceinte de tous les enfants à venir.

J’aime. J’aime. Le baiser suprême.

Ô ma mort chérie, ma mort masculine qui a des couilles et du coffre, tu me fais un

effet bœuf !

Ô lieu de toutes convergences…

VALENTINE COHEN

I - Yves Ferry

Ce que je viens de dire est déjà moi… Non… Loin de moi…

Loin dans le passé ? Ou par devant ?

Je ne me souviens plus, ou vaguement, de ce que j’ai pu dire, de quels mots je me suis servi pour exprimer je ne sais quoi dont je ne me souviens plus que vaguement.

En réalité, deux choses font généralement mes sujets d’écriture ou de conversation. Le temps qui passe et l’argent que je n’ai pas. Le reste, je n’arrive pas à le dire.

Ô temps, ô mœurs, ô argent.

Et peut-être s’agissait-il de cela justement : Ce que je viens de dire est ce que j’essayais de dire (sans y arriver sans doute), et qui est donc aussi, exactement ce que je vais encore essayer de dire, avec l’espoir d’y parvenir.

Loin derrière moi, ou loin devant moi, me ramènent donc à ce même point toujours présent où je n’arrive rien dire. Les mots sont là, mais comme oubliés sur un feu avec le gaz qui continue de brûler… Tout s’éteindra de soi-même, finalement, dans une explosion, une révolution, ou du silence.

Et cette histoire, ah oui, de cou coupé… Soleil – demanda-t-il un moment encore ? - ou Du Barry, ça va me revenir… Dans un moment, dans un moment…

 

III

 

Crénom – Putain – Putasse – Merde – Merde - Merde – Bite - Cul – Poil - Troufignon - Queue – Vagin – Couilles - Couilles - Couilles – Chié – Foutre – Macon de tes morts - Culé – Culé – Enculé – Beurk – Allez vous faire foutre – Fan goule – Stronzo -La puta madre que te pario – Pute – Pute Pute – Nain – Gogues – Crénom – Crénom -

atelier du dimanche 21 octobre avec Jean-Claude Grosse

j'ai proposé comme à mon habitude, une matière, un topo de 20' sur le temps d'un point de vue métaphysique d'abord (le présent éternel), d'un point de vue scientifique ensuite, deux pistes: cosmologie, astrophysique (temps et big bang, la flèche du temps, relativité du temps et de l'espace ou physique quantique, les deux physiques n'ayant pas encore été unifiées), biologie, évolution (la mémoire comme pattern, ADN = mémoire de 4 milliards d'années d'évolution, agissante à tout instant, à notre insu, quasi-automatique, influençable par l'épigénétique)
deux consignes formelles simples: rythmer votre texte avec tic- tac; déjouer les jeux du temps avec vos propres jeux grâce à la temporalité (fabrication, par notre esprit en lien avec notre liberté, du passé, idem, invention du futur) et à la temporalisation (la vitesse du temps en lien avec l'humeur, les sentiments, les émotions de l'instant), tac tic-tique

Jean-Claude Grosse

atelier de Jean-Claude Grosse

Le conteur : 21 Octobre 2018. Paris. Bateau lavoir. Tic-tact, tic-tac, tic-tac. C’est parti. La transe s’élance. La partie commence. L’amour peut arriver…..

Elle : Bonjour, mon amour…

1000 voix diffusent et se croisent, résonnent:
-Bonjour.
-Bonjour
-Bonjour
-Bonjour

Elle : Je suis femme et je bande.

1000 voix (même jeu) : Nous sommes ta bande aimante.
Nous t’accompagnerons dans le contre-courant du jour.
A contre-contre temps
Pour allonger les pieds
Les mains
Et les vertiges
Contre tout contre toi.
T’offrirons le courant
Moi, Félectricité, je m’offrirai en toi
Moi, homme de tous les temps, étais-suis-serai ton index inducteur.
Moi-tous, je serai
Le rayon de lumière que tu chevaucherâles
Appelle-moi Einstein et grimpe, ô continue et grimpe attaque, attaque

Le conteur : et tac et tic et tac. Tic-tac.tic-tac ; Tic tac fait la graine.
Le temps est vertical.
Qui lui a soufflé à l’oreille qu’il fallait s’y hisser ?
Tic-tac et tic et tac, comme les barreaux de l’échelle. Elle.

Elle : Jacob. Abraham. Joseph. Mordechaï. Moïse.
Pourquoi cet étayage masculin à tous mes étages ?
Ô mon amour, je veux que tu m’aides à grandir jusqu’à ce prénom de Moïse en prairie.
Car jamais, au grand jamais, il ne m a paru uniquement masculin ce pré-nom.
Mon âme est double unie dans son inter rieur en expan-expansion.
So-so-Soleil de joute et de jouvence dans toutes
Les directions, je suis, fuis, ris, suis jouie.
Et ma salive est fête des temps immémoriaux.
ADN de cette main qui pense, ce cerveau qui roule une pelle àToi-Vous mon amourrrrrrrr de tout-jouir.
Ô mon Ô mon âme en or, tu me rappelles, me rappelles à l’ordre.

Le conteur : Tic-tact, tic-tac, tic-tac sur la terre.
L’échelle est dépassée.
Mes barreaux, effacés.
La prison est quittée.
Un jour d’un millénaire parmi tant d’autres surannés,
Un 21 Octobre (comment disait-on déjà ? Je ne m’en souviens pas, il faudrait revenir au barreau ; mais je ne suis sommée de rien ! De rien ?... Semé de rien ?... Elle me fait tourner la tête, la terre autour du soleil, dans la joie violente des sommets.
Revenons à nos/
Mourrrons…
Moutons, à nos mourons tic-tac, tic-tac, tic-tac, disais-je…
Je ne peux plus conter si le temps s’explose de toutes parts ! Où est mon autonomie de compteur ?! Un jour, sur la terre, j’étais payé pour ça ! Elle m’étourdit.
Peut-être, peut-être…. A ce potentiel quantique !!!
Ne suis-je donc pas le maître ?!! Non ?...Oui ?... Oh !! pardon ! Me suis trompé. Ai dû me tromper. Je suis outil, mètre , décamètre, décapsuleur d’absolu, me suis pris les pieds dans le tapis rougi de honte.
De feu mes ancêtres descendants qui ne marchent qu’au tic-tac de leur mechanical affair, âme-leurre ensevelie sous leur imaginaire en ruine.Lèvres tombées en désuétude dès l ouverture de leurs peaux-pierres…Mur de Plank..
Ohla ohla !! Que dis-je ! quelle douleur pour moi conteur de commencer commencer pas à pas pied à pied à comprendre ! Planqué ! Je et tous mes mois essaimés dans l’espace et le temps, nous sommes planqués. Nous ne pouvons nous en prendre qu’ à nous M’aiment de ne pas avoir su aimer mais à la place Tic-Tac, tic-tac nous a matraqué traqué le cerveau, étriqué le cœur au marteau-matricule ! Encule et../

Elle : Je grimpe au plus haut des cieux, au plus audacieux. Vases brisés vous êtes
Conteurs, voyez, n’ayez pas peur de vous être détruits. Vous êtes le résulta de nos errances, les conséquences de nos non-actes, de nos démissions, de nos abandons, de nos refus de courage, de nos veules sous-missions d’obtempérer devant les lois iniques poétiques, politiques, sur la Terre comme au Ciel, au singulier et au pluriel.

1000 voix : Ô toi, ADN scintillant de nous. Qui émane de qui ? L’Adonaï du dedans de la dent. De l’Adam ? Pourtant tout est dit. Partout, tout s’écrie ! Et nos oreilles nous regardent droit dans les Dieux.

Tic-tac Tic-Tac râle le conteur, non-encore mort. Le viel homme résiste à sa naissance. Je suis le double-fond du conteur . L’œil qui voit en lui. Le conteur râle. Le mot interdit tabou est prononcé. Dieux. Et voici tout le courage de l’homme, sa révolte combattive qui se dresse d’orgueil sur la place publique, soudain vocigérant à la face du monde que « Dieu n ‘existe paaaaaaaaaas ! »
Et son paaaas continue de se perdre dans chaque rayon de soleil qui le porte contre lui-même.
Car le soleil ne peut qu’aimer , porter même celui qui lui crache au visage qu’il n’a pas.
Bien sûr, qui s’y frotte, s’y brûle.
Et c’est un grand merci que les flammes dessinent dans l’obscurité de la matière noire. 4% de lumière seulement dans l’univers . Don’t forget.
Tic-tac, tic-tac. Je suis là ! Tout de même ! Tu m’oublies ! Merde alors ! ; j’ai fait ce que je devais , moi ! moi ! Je ne suis pas responsable , moi !

L’œil du conteur : disait la bête immonde qui encore continuait à mourir.

Elle : Une chose avant que tu ne meures , vieil homme te subissant toi-même. Tu as érigé, si je peux dire, le sexe sous toutes ses coutures en inversant les lois des mondes.
Dieu est à bout tandis que la pornographie n’est plus tabou ni le racisme invertébré.
Penses- y pour le dernier sursaut de ton tic-tac qui n’a qu’une tactique assassine de notre/mon âme.Ô mon amour.
Expire.
Pour qu’ensemble l’ek-tase nous inspire.
Tak.

Valentine Cohen, 21 octobre, Bateau Lavoir

 

L'eau tourne autour de la terre, tic tac, traverse les carrefours de la vie, tic tac, entre dans la lune qui nous regarde, tic tac, pénètre le ciel d'en bas, tic tac. Et voilà c'est fini. Tac tic.

Enfin, non ça recommence. Tac ! Et puis, elle court, elle court jusqu'à perdre haleine tic tic tic tac tac tic taaaccccc !! La petite goutte, pas celle du vase mais celle de l'Univers. TAC ! Vision en grand ! TIC. La terre qui tourne, tic, je virevolte, toc. Ouille, je tombe ! TAC ! L'eau me pénètre, elle est partout, toc, toc, toc. L'eau, la Vie.

La Vie n'a pas de temps. Momo joue à la marelle, Juju aux dés et Gugusse mange une glace à la vanille en ne pensant à rien. Puis, ils dansent, jouent et redansent. Plus de tic tac, ni de tac tic. Rien. La Vie.

Je les regarde, mes pensées divaguent. C'est le tic tac du passé puis le tic tac de demain. Je m'emmêle dans les pédales du temps. J'avance tic, je recule tac. Je m'absente, mélancolique. Je ne suis plus rien qu'un bille qui traverse le labyrinthe du passage du temps. Je ne suis plus la Vie.

Les enfants éclatent de rire, en sanglots et la goutte ne se pose pas de question. Ni tic tac, ni tac tic. Rien. La Vie.

Je les regarde en ne pensant à rien. Je suis bien. Passage 0 du Temps. Rien. La Vie.

Je prends un livre. Le temps s'arrête, en suspend. Passage 0 du Temps. Rien. La Vie.

Il y a 1001 façons de ne pas voir le temps passer.

Petite Voix : 1001 façons ? Arrête de compter ! Cueille le temps. Dévore le. Ne l'attend pas. Ni tic tac. Ni tac tic. Rien. La Vie.

Elisabeth Jimenez

Atelier Jean-Claude Grosse – le 21/10/2018 – Marie-Françoise EVE

 

 

TIC-TAC , L'ECOULEMENT DU TEMPS – Contrecarrer le passage du temps

 

 

Tic-Tac, il n'y a pas d'urgence,

Tic-Tac, je me love dans le Temps, le temps moelleux, soyeux, lumineux,


 

Je respire en rythme sourd, tel le ronronnement du chat,

Tic-Tac, atténué, enveloppé, fondant.


 

Tic-Tac, la spirale du temps m'envoie dans les rêves, ressort magique aux courbes infinies.

Sage Tic-Tac qui m'emmène en ballade, en musique, Tic-Tic, en couleurs, Toc-Toc.


 

Comme les gouttes d'eau qui miroitent sur la vitre, Tic-Tac, le temps passe.

Il sépare, Tic-Tac, Il rassemble, Tac-Tic, Il ressemble à toi, à nous, à tous.


 

Multitudes éclairées, à la trame enchevêtrée, au dessin effiloché.

Tic-Tac, la vie file sa corde qui brusquement cassera, Le fil à la patte bientôt cessera.


 

Qu'en deviendra-t-il de tes soucis ? Qu'en sera-t-il de tes projets ? Tic-Tac, au fond de la mare.

Tic-Tac, avec les têtards, la ronde ne s'arrête pas, Ça naît, ça gigote, ça copule.


 

Ah, l'air me manque, Tic-Tac, Je veux remplir mes poumons de l'azur impalpable mais si dense.

Respirer avec tout mon corps, mon nez, mes yeux, mes oreilles, ma peau, ma bouche, mon sexe.


 

Tic-Tac, la spirale s'enroule, devant, derrière, en haut, en bas. Tout s'enveloppe et se fond .

Tic-Tac, sans fin les images pleuvent sur la rétine des déprimés.


 

Tic-Tac, on n'en peut plus du temps qui passe. Passe-t-il vraiment le temps ?

Va savoir ! Du fond de ses rêves, on n'en voit pas la fin.


 

Et quand on la verra la fin, Tic-Tac, il sera trop tard.

C'est pourquoi ne remettons pas à demain.


 

Tic-Tac, soyons présents,Tic-Tac, vivons maintenant, Tic-Tac, savourons aujourd'hui.

La vie est une matière, Tic-Tac qui roule sans s'arrêter. Jamais la même mais toujours sans pitié.


 

Elle ne cesse de changer, Tic-Tac parfois on se sent ballotté. Faut-il faire la planche ou plonger ?

Tic-Tac, laissons nous aller, Le vent nous emmène, la terre nous retient.


 

Le soleil nous réchauffe, la nature nous nourrit, On entend même respirer les pierres.

Ti-Tac, que cela est impressionnant. Se savoir partie du temps, seul et multiple, sans début ni fin.

textes Atelier avec Jean-Claude Grosse « Le Passage du Temps » Michel Gendarme

 

Ecrire un texte rythmé par « tic-tac » ; quelle « tac-tique » je mets en place pour apporter une opposition, un contre-courant ?

 

A

je ne sais pas si celui des autres me ressemble à ce point

tic-tac

je ne sais pas si ce qui me ressemble est à ce point

tic-tac

je sais que ce n'est pas le point des autres qui ressemble à

tic-tac

la limite je la sais dans la ressemblance ce commun

tic-tac

je sais que ce commun des autres est une limite

tic-tac

le commun de cette limite aux autres est un point qui

tic-tac

mais qui change de, qui change par, qui change la, le

tic-tac

parce qu'ils ont un

tic-tac

un miroir apparaît, dans la ressemblance, celle qui me rapproche

tic-tac

je vais tenter la chose extraordinaire de

tic-tac

ne pas confondre ce qui est rythmé et ce qui est rythme

tic-tac

je ne sais pas ça, oser un accord, nous le percevons

tic-tac

il y a cette flèche qui ne se brise jamais en somme

tic-tac

alors nous continuons à nous ressembler trop

tic-tac

de plus en plus trop

tic-tac

 

B

À contre-courant je prends l'écriture pour une absence. Certes il y a toujours ce début qui émerge comme une contre-façon du désir. Oui, une absence de désir, une absence de planification. Un simple remplissage. Mais c'est encore du temps si je la nomme ainsi. Non. L'écriture est alors un renversement, un à-l'envers de ce qu'il se passe. L'écriture ne passerait-elle pas ? Elle rompt l'habitude de l'instant et dans le phénomène elle n'est plus un rituel, elle s'emplit elle-même, il faudrait qu'elle tourne sur elle-même sans rapport avec ce qui doit être. Sans urgence, sans ralentissement, sans réflexe, je dois la démêler de toutes les scories du quotidien, d'ici et là. L'écriture ne devrait être que du doute, un puits sans fond, circulaire comme l'anneau du CERN où les particules n'ont ni commencement, ni fin, ni lieu du réel, ni prise sur le temps. L'écriture serait vraiment une profonde absence.

Textes Moni Grégo Atelier avec Jean-Claude Grosse « Le Passage du Temps »

 

Ecrire un texte rythmé par « tic-tac » ; quelle « tac-tique » je mets en place pour apporter une opposition, un contre-courant ?

 

Oui je suis romantique, tac

Et je manque de tact, tic

Je n’ai aucune tactique, tac

Pour cibler mes attaques, tic

Je vois votre œil sceptique, tac

Vous n’êt’(es) pas au spectac’(le), tic

Mes seuls buts sont plastiques, tac

Esthétiques, des actes, tic

Pas de blablas, de tics, tac

De grimaces, d’arnaques, tic

Mais une offre mystique, tac

En beauté, en mirac’(les) tic

 

*

 

 

Quelle « tac-tique » je mets en place pour apporter une opposition, un contre-courant ?

 

Le présent lui-même n’existe pas.

Voyez, vous êtes comme moi.
Je ne suis réellement personne.

Une fiction bancale que ma légende personnelle m’autorise à imaginer par la grâce scélérate d’une langue maternelle qui m’a entortillée dans ses mots, m’a fait croire au Père Noël, avec ses cadeaux frelatés d’une existence qui, bien qu’enrobée des rubans scintillants d’une soi-disant intelligence, est finalement, grandement insupportable pour cette sorte d’être que je me suis douloureusement forgé, défaisant une à une les croyances douceâtres, des héritiers, des possédants, des vainqueurs sanglants, joyeusement paisibles, baignant dans le sang bouillonnant des bêtes misérables et des gens qui n’ont rien.

différents moments de la carte blanche à Salvatore Spada, le samedi 20 octobre
différents moments de la carte blanche à Salvatore Spada, le samedi 20 octobre
différents moments de la carte blanche à Salvatore Spada, le samedi 20 octobre
différents moments de la carte blanche à Salvatore Spada, le samedi 20 octobre
différents moments de la carte blanche à Salvatore Spada, le samedi 20 octobre
différents moments de la carte blanche à Salvatore Spada, le samedi 20 octobre
différents moments de la carte blanche à Salvatore Spada, le samedi 20 octobre
différents moments de la carte blanche à Salvatore Spada, le samedi 20 octobre
différents moments de la carte blanche à Salvatore Spada, le samedi 20 octobre

différents moments de la carte blanche à Salvatore Spada, le samedi 20 octobre

INSTALLATION, VIDÉO, PERFORMANCE ( triptyque débile de l'art contemporain ) pour quoi faire/? ///// si l'argent pour l'argent ( l'art pour l'art) c'est le performatif par excellence sans futur et sans passé. S'il n y a pas d'autre performatif que l'argent pour l'argent sans futur et sans passé pour faire spectacle d’éternel présent comme aboutissement ultime de la fin de l'histoire , comme aboutissement ultime de la métaphysique de l'occident et souci de soi .

Salvatore Spada

Mon retour personnel sur la carte blanche donnée à Salvatore Spada, le samedi 20 octobre

 

et Salvatore Spada eut carte blanche au Bateau Lavoir, le 20 octobre, c'est d'abord l'arrivée avec le caddie des objets de consommation car consommer c'est, dit le capitalisme, jouir au présent et sans entraves, objets qui vont finir déchets dans la poubelle, à savoir exposés sur une nappe dépliée, (hilarant le moment du déroulement avec ce rouleau qui, déroulé, s'enroule plusieurs fois, résistant aux vouloir et pouvoir du maestro; c'est l'exposition d'art contemporain la plus must, la plus ouf, la plus provocatrice (toute com se doit d'être superlative) de toute l'histoire de l'art des déchets; une caméra est installée dans un coin, nous filme en automatique et en un seul plan séquence de 45', c'est panasonic qui filme sans opérateur, sans scénario ou le pouvoir sans désir; puis le théâtre, 3 pantalons, 3 personnages, scène-public = dissymétrie = inégalité = prise de pouvoir, incontestable mise en passivité du spectateur; un du public s'allonge spontanément en bout de nappe = d'un côté la poubelle exposée, de l'autre l'objet d'amour; bref c'est stimulant, le public prend peu à peu le pouvoir ou sa place, la bouteille de vin circule, les applaudissements de quelques-uns mettent un terme à la performance, je reste sur ma faim après le happening des pantalons ... j'ai proposé à Salvatore Spada, l'écriture d'un livre à partir de ses messages particulièrement radicaux contre les formes dominantes de l'"art"; il n'est pas, il n'est plus performeur ni cinéaste ni photographe ni écrivain ni galeriste ni éditeur ni libraire, il refuse toutes ces postures; allez lire ses messages sur sa page FB, c'est radical; c'est pour le mettre au défi que je lui ai proposé une carte blanche et je dis = adéquation entre ce qu'il écrit et ce qu'il a donné à vivre = pour moi, un grand moment particulièrement joyeux (j'ai ri comme un dératé à ce feu d'artifices) et profond; avec une maladresse que je lui ai signalée: ne pas s'adresser à tous et me privilégier comme destinataire

Jean-Claude Grosse

petite note sur « Pas moi » joué par Moni Grego le dimanche 21 octobre

par Jacques Segueilla

 

Au bord du silence 

 

Combien en saturant l’espace de ces remous du langage tu as rendu compte de ce silence vers lequel Beckett tendait et sur lequel il a travaillé

à Berlin à la fin de sa vie avec des  comédiens et des danseurs. Celui aussi de Lacan, ayant dépassé toute théorie sur le langage expérimentée, s’adonna silencieusement au macramé.

Tel un tableau de Bacon, le poly morphisme de cette langue maltraite la comédienne en la repoussant à hue et dia à la limite du sens déplaçant toute tentative d’incarnation. Celui-ci qui ne finit jamais de nous questionner sans arriver à nous définir, s’amuse de nos détresses si  humaines, sans nous enfermer dans une représentation possible. Femme aux mille voix, tu rends compte de cet univers qu’est celui de l’artiste que tu es, qu’est Beckett en offrant cette détresse qu’une femme éprouve en se sondant.  Oui » c’est pas lui », oui, « c’est pas elle », « pas ça » et « jamais tout-à-fait quoi que ce soit », créant puis abandonnant toute ses mues.  Mais à travers ce regard, se souffle, les graves et les aigus de ta voix, tu nous sondes aussi, tu cherches dans ce silence du sens même de la matière des mots, celle de nos vie. Beckett mettant en abîme le sens, les sons, est l’auteur du silence seul miroir à tendre en réponse à nos questions. Evoquant à Berlin le sphinx bavard, il pose une  belle métaphore de notre vaine agitation bruyante.  

Quand à toutes les hypothèses émises on pourrait en parler, mais à quoi bon, à chacun son Beckett.  En ayant travaillé sur « La dernière bande » j’ai découvert que chaque évocation est en rapport avec un détail de sa vie ou de l’Irlande. Pendant deux mois, j’ai été témoin du montage de MayB ; j’en ai vu trois versions. Il me reste des images fortes de la transformation des danseurs par cet univers si juste de Beckett et puis ces mots pour conclure : « c’est fini ; ça va bientôt finir, ça va peut-être finir ». 

Quant au temps chez les japonais il serait bien de se référer à quelques usages pour comprendre que le temps est culturel dans un pays où le savoir-faire est plus important que la transmission de l’objet que l’on reconstruit sans cesse et surtout qu’il est commun et individuel . qu’il est basé sur l’ »Ici et maintenant ».  

 

Bravo, quel moment tu nous as offert.

Lire la suite
<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 > >>