L'éveil d'une génération : Jean-Yves Debreuille / Nouria Rabeh
La vie-la poésie / JC Grosse - bric à bracs d'ailleurs et d'ici
des effets d'un champ de coquelicots au plus intime, au plus infime, la poésie y accède-t-elle ?/Emily Dickinson, une vie en poésie un beau rêve où la poésie est très présente comme voie ve...
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Nouria Rabeh, poète lyonnaise d’origine marocaine vit au quotidien selon les deux approches de deux immenses poètes allemands se posant la question : pourquoi des poètes en temps de détresse ? Selon le premier, Hölderlin : Plein de mérites, mais en poète l’homme habite sur cette terre, phrase qui a suscité un important commentaire de Heidegger.
Quant au second, Novalis, il affirme : La poésie est le réel véritablement absolu. Plus c’est poétique, plus c’est vrai.
Françoise Dastur a consacré un bel essai à ces deux figures majeures.
Dans la cosmologie de Novalis où « tout est symptôme de tout », où les corps « peuvent s’évaporer en gaz ou se condenser en or », où « un véritable amour pour une chose inanimée est parfaitement concevable », où toutes les inclinations du cœur « semblent n’être que religion appliquée » et le ciel lui-même rien d’autre que « le produit supérieur du cœur productif », il n’y a pas de chose absolument isolée, si ce n’est « la chose en soi », c’est-à-dire « la matière simple », non déterminable, ni connaissable. On comprend alors pourquoi il peut affirmer qu’« un amour fondé sur la foi est religion » , car seule une religion qui trouve Dieu partout, jusque dans la moindre chose, peut identifier Dieu et l’amour.
Pour Hölderlin aussi, dans la nuit moderne règne encore le sacré, car même si « Le Père ayant détourné des hommes son visage, la tristesse a établi son juste règne sur la terre », néanmoins « nous gardons souvenance aussi des Immortels, qui furent jadis nos hôtes, et qui reviendrons au temps propice », car « le dieu du vin » que « chantent les poètes » est « celui qui réconcilie le jour avec la nuit »
Françoise Dastur dans Retrait des dieux et modernité selon Novalis et Hölderlin (Les études philosophiques 2016)
Nouria Rabeh retrouve intuitivement cette religion (de religare, relier), cette philosophie qui trouve Dieu partout (Dieu, les dieux, qui peuvent porter d’autres noms : la Présence, le Soi, l’Infini dans le fini, l’Éternité d’une seconde Bleu Giotto).
C’est avec l’école de Rochefort (fondée en 1941 par Jean Bouhier et qui fut active pendant une vingtaine d’années) que Nouria Rabeh s’est nourrie. École fort riche avec des poètes comme René-Guy Cadou, Michel Manoll, Marcel Béalu, Jean Rousselot, Luc Bérimont, Jean Follain, Eugène Guillevic, Alexandre Toursky, Georges-Emmanuel Clancier, Gaston Puel... Elle en a fait un essai, paru aux Cahiers de l’Égaré : L’éveil d’une génération.
Jean-Claude Grosse
Nouria Rabeh
L'éveil d'une génération / Jean-Yves Debreuille
ISBN : 978-2-35502-108-4
86 pages en format 15 X 21, couverture et papier ivoire
Jean-Yves Debreuille, éminent passeur de poètes, en particulier l'école de Rochefort et Lorand Gaspar
Lorsque j’ai décidé d’écrire ce livre, le 8 février 2016 en découvrant l’École de Rochefort à travers le cheminement de Jean- Yves Debreuille, celui-ci m’a permis de comprendre qu’il n’était pas extérieur à ma propre vie. Dans le même temps, cette année 2016 est parue aux Éditions Poésis, une Anthologie manifeste ayant pour titre : Habiter poétiquement le Monde. Ce fut pour moi une découverte. Je me souviens, il y a quelques années déjà, en cours de poésie, c’était la conclusion que mon professeur nous avait transmise et cette phrase m’avait profondément marquée. Était-ce une concordance ? Une rencontre, sûrement. Une réalité qui jaillit des profondeurs de la Terre... Et un questionnement qui m’a permis d’élargir le sens de mon existence.
Table des matières
Un cheminement intuitif .............................................................. 7
L’École de Rochefort : une découverte et un moment fort ....... 13
Un humanisme à « hauteur d’homme » ......................................26
Habiter poétiquement le monde.................................................. 38
Un parcours traversé par le sens de la responsabilité
et de l’empathie.......................................................................... 41
La Poésie, une interrogation sur la Vie........................................ 51
Une rencontre poétique inévitable .............................................. 57
Bibliographie ............................................................................... 83
La religion du Poète pour faire référence à Tagore, ne repose sur aucun dogme, elle est l’expression multiple du cœur humain en résonnance avec ce vaste cosmos à l’intérieur et à l’extérieur de soi. Elle est le tissage ininterrompu des liens insondables qui nous connecte au monde et à la nature. Elle réside avant tout dans l’expansion de la compassion et non dans le comportement froid et distant de la discrimination. Cette poésie n’est pas éloignée de nous, elle est, comme dirait Guillevic, un poète qui a fréquenté l’Ecole de Rochefort à ses débuts, « présence à soi et aux choses au cours des actes les plus quotidiens : préparer son café, seul le matin dans une cuisine, aller au travail, regarder un pigeon qui passe, une pierre qui roule... Trouver à la vie – sa vie – une certaine tonalité, un certain prolongement, une certaine exaltation ; vivre tout évènement quotidien dans les coordonnées de l’éternité, c’est pour moi la poésie. » Vivre en poésie, Le Temps des Cerises, p. 10-11.
Durant mon parcours, j’ai compris que je pouvais gagner le combat contre la souffrance en faisant émerger l’unique trésor que je possède, celui de la dignité de la vie comme tout un chacun, le seul rayonne- ment possible qui me fasse goûter aujourd’hui la plus grande des joies : d’être en vie et d’aimer la vie. La Poésie, c’est l’éloge de la Vie, telle que l’on est, sans changer d’apparence et c’est reconnaître humblement sa place parmi les autres dans ce vaste univers fondamentalement régi par l’amour et la bienveillance. C’est une action qui permet d’accorder sa vie avec le rythme poétique en la redirigeant positivement vers un état de bonheur qui n’est ni matériel ni abstrait mais plutôt relié à une expérience vitale s’exprimant avec « notre chair et notre sang, nos angoisses » comme dirait Luc Bérimont, poète de Rochefort. Le poème n’est que le fruit qui contribue modestement à faire grandir à sa façon le flux gigantesque de cette mécanique du monde. La part de chacun dans cette démarche humaniste repose essentiellement sur le courage d’exister et la détermination profonde qu’« habiter poétiquement le monde » n’est pas qu’une idée vague et théorique mais réellement une concrétisation des valeurs et des efforts humains qui une fois rassem- blés sont en mesure de faire basculer ce monde d’indifférences et de déni, empoisonné par la colère, l’ignorance et l’avidité vers un courant de paix, d’éternité et d’amitié. Comme un battement d’ailes, pris dans un grand élan, la Poésie est ce déploiement de la vie.
Lorsque j’ai décidé d’écrire ce livre, le 8 février 2016 en découvrant l’École de Rochefort à travers le cheminement de Jean-Yves Debreuille, celui-ci m’a permis de comprendre qu’il n’était pas extérieur à ma propre vie. Dans le même temps, cette année est parue aux éditions Poésis, une anthologie manifeste ayant pour titre Habiter poétiquement le Monde. Ce fut pour moi une découverte. Je me souviens, il y a quelques années déjà, en cours de poésie, c’était la conclusion que mon professeur nous avait transmise et cette phrase m’avait profondément marquée. Etait- ce une concordance ? Une rencontre, sûrement. Une réalité qui jaillit des profondeurs de la Terre... Et un questionnement qui m’a permis d’élargir le sens de mon existence.
La planète scintille de bleu
Tout autour du ciel noir
Au silence fracassant
Évidé de toute atmosphère
Elle apparaît dans cet univers hostile
Comme une reine de l’espace
Devant ta beauté vivante
Tes montagnes, tes volcans,
Tes océans, tes mers, tes glaciers
Qu’en est-il de l’homme ?
Pourquoi faut-il que cet habitant
Rongé par une vision limitée
Ne s’émerveille plus ?
Inutile de chercher sous d’autres cieux
Un paradis qui n’existe pas
C’est ici, non loin de mes yeux
Que chante la cascade en fête
Participant au gazouillis de l’enfant
Heureux de vivre simplement
Il peut encore rêver le vaste horizon
Nouria Rabeh,
extrait du Ballet du Temps,
Les Cahiers de l’Égaré